<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Xi Jinping, le nouvel empereur de la Chine communiste

7 janvier 2023

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Xi Jinping, le nouvel empereur de la Chine communiste

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À 69 ans, Xi Jinping est devenu en dix ans à peine le nouveau maître incontesté de la Chine communiste. Un parcours politique franchi à grandes enjambées qui lui a permis d’éliminer un à un tous ses rivaux et de s’imposer comme le successeur de Mao Zedong en s’arrogeant, comme l’avait fait l’ancien tyran, la quasi-totalité des pouvoirs au sein du Parti communiste chinois tout comme de l’administration et de l’armée populaire de libération.

Par Pierre-Antoine Donnet, ancien rédacteur en chef de l’AFP, correspondant à Pékin, auteur de Chine : le grand prédateur. Un défi pour la planète (2021)

Lorsqu’il prit le pouvoir en 2012, Xi Jinping était presque un inconnu. Son seul fait de gloire était d’être le fils de Xi Zhongxun, un révolutionnaire et ancien compagnon de route de Mao persécuté pendant la sinistre révolution culturelle (1966-1976) qui bénéficiait d’une image très positive dans son pays. Ses premiers pas furent ceux d’une relative discrétion. Calculateur, Xi Jinping préférait préparer le terrain dans l’ombre pour réussir une ascension aussi fulgurante qu’implacable.

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Le souvenir de la révolution culturelle

La révolution culturelle a laissé des traces profondes chez le futur président chinois et explique en partie son caractère d’aujourd’hui, celui d’un homme inflexible, sûr de lui, dominateur et prêt à tout pour rester au pouvoir. L’une de ses demi-sœurs se serait suicidée, victime comme des millions de Chinois de ces dix années de folie et de violences. Xi Jinping n’a certainement pas oublié ce traumatisme alors qu’il était encore un jeune adolescent (il n’avait que 13 ans lorsque la révolution culturelle commença).

Il a lui-même déclaré avoir été ostracisé par ses camarades de classe, une expérience qui, selon le politologue et sinologue américain David Shambaugh, a contribué à lui donner « un sentiment de détachement émotionnel et psychologique et d’autonomie dès son plus jeune âge ». À tout juste 15 ans, Xi est envoyé aux travaux forcés à la campagne, transportant des céréales et dormant dans une grotte, au point de se dire plus tard « choqué » par cette période. Au Washington Post, il avait raconté en 1992 les séances au cours desquelles il devait dénoncer son père : « Même si vous ne comprenez pas, vous êtes forcés de comprendre, confiait-il alors, cela vous fait mûrir plus tôt. »

Cai Xia, une ancienne cadre du PCC et enseignante pour les hauts cadres du Parti devenue une dissidente de premier plan qui vit en exil aux États-Unis, attribue à Xi Jinping un certain complexe d’infériorité issu du fait qu’il n’a jamais pu suivre d’études supérieures pendant cette période de chaos. Un complexe d’infériorité qui s’est ensuite peu à peu transformé en complexe de supériorité qu’on lui connaît aujourd’hui. En conséquence, il est « susceptible, têtu et dictatorial », a-t-elle écrit dans la revue américaine Foreign Affairs.

Ses débuts ont été difficiles. Avant d’être acceptée dans son village, sa demande d’adhésion au Parti avait été rejetée plusieurs fois en raison de l’héritage paternel. Finalement chef du Parti dans ce même village en 1974, Xi a commencé à un niveau très bas, gravissant les échelons jusqu’au poste de gouverneur de la riche province du Fujian (sud du pays) en 1999, puis de chef du parti de Zhejiang (est de la Chine) en 2002, et enfin de Shanghai en 2007. Après avoir divorcé de sa première femme, Xi a épousé la soprano superstar Peng Liyuan en 1987, à une époque où elle était beaucoup plus connue que lui. Elle a sans nul doute joué un rôle prééminent dans l’ascension irrésistible de son mari au sein du Parti. Une fille est née de leur union.

Purger pour rester

En 2007, il devient l’un des sept membres du comité permanent du Bureau politique, l’instance la plus élevée du Parti qui prend toutes les décisions stratégiques engageant l’avenir du pays. Lorsqu’il succède au président Hu Jintao cinq ans plus tard, son bilan ne laissait guère présager de ses actions à venir : répression implacable des mouvements sociaux et des médias indépendants, arrestations, internement ou disparitions de nombreux dissidents, chef d’orchestre des exactions contre la minorité ouïghoure dans le Xinjiang ou encore mise en avant d’une politique étrangère décomplexée et volontiers agressive.

Mais déjà, comme Mao avant lui, son obsession est de perdre le pouvoir. L’une de ses premières décisions signale son ambition : celle de lancer une vaste campagne de lutte contre la corruption. Le calcul était ingénieux, car il était assuré de remporter l’adhésion des Chinois confrontés à une corruption alors endémique dans le pays, rongeant le Parti comme tous les rouages de la société, que ce soit le système de santé, l’administration ou même l’élite des dirigeants du pays.

Mais si le but affiché était de briser « les liens entre l’argent et le pouvoir » ainsi que « d’éradiquer le terreau de la corruption et de s’assurer que les éléments corrompus n’auront nulle part où se cacher », l’objectif de Xi Jinping était ailleurs : celui de vaincre tous ses adversaires identifiés ou à venir à l’intérieur du pouvoir. La mécanique a fonctionné à merveille puisque, ce sont « près de 4 millions de Chinois qui ont été sanctionnés par les autorités de contrôle de la discipline entre 2012 et octobre 2021 », selon un bilan de l’agence officielle Xinhua (Chine nouvelle).

Depuis, des dizaines de milliers d’autres citoyens ont été punis. Parmi tous ces « corrompus », beaucoup de « mouches », des seconds couteaux de moindre importance. Mais aussi un certain nombre de « tigres », des hauts dirigeants qui tombent en disgrâce, dont quelques-uns sont exécutés pour l’exemple. Xi Jinping avait clairement annoncé qu’il n’épargnerait « ni les tigres ni les mouches ». Le maire de la mégalopole de Chongqing et candidat à la magistrature suprême Bo Xilai, le chef de la sécurité publique Zhou Yongkang, parmi d’autres, sont condamnés à la prison à vie. Des officiers supérieurs de l’armée, des hommes d’affaires, des cadres de l’administration : le président chinois met à genoux ses rivaux réels ou potentiels et parvient à faire le vide au sein de l’appareil politique.

Pour consolider son pouvoir, Xi Jinping s’entoure d’un culte de la personnalité effréné, comparable à celui que s’était forgé Mao Zedong. La « pensée Xi Jinping » devient la doxa officielle pour tous les Chinois. Elle fait son entrée dans les universités, les écoles secondaires et même les écoles primaires où des enfants de cinq ans apprennent par cœur la nouvelle religion de leur dirigeant bien-aimé. Sur des affiches géantes aux carrefours des grandes villes, on y voit la photo rassurante de Xi Jinping souriant avec pour légende : « Oncle Xi est très occupé par son travail. Mais il participe quand même à nos activités et se soucie de nous. » D’autres photos le montrent entouré de familles de minorités nationales reconnaissantes où il donne l’image du père bienveillant d’une nation unie et tournée vers un avenir forcément radieux.

Lors du Forum économique mondial de 2017 à Davos, il s’était montré sous le jour d’un artisan infatigable de l’ouverture de la Chine. Il avait plaidé pour « la construction d’une économie mondiale plus ouverte et plus inclusive » et s’était posé en « fervent défenseur de la mondialisation et du libre-échange ». Des propos qui firent illusion.

Aujourd’hui, il cumule tous les pouvoirs : il est secrétaire général du Parti communiste, président de la Commission militaire centrale, président de la République. Dans le processus de décision du pouvoir chinois, rien ne lui échappe. Il est aidé en cela par des centaines de cadres entièrement dévoués.

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La fin du rêve chinois

Depuis son arrivée au pouvoir, un autre contrôle s’est imposé au quotidien des 1,4 milliard de Chinois : la surveillance totale. Des millions de caméras dotées d’un programme de reconnaissance faciale sophistiqué enregistrent continuellement les mouvements de chacun dans l’espace public. Si une personne suspecte s’enregistre dans un hôtel, achète un billet d’avion ou franchit une frontière provinciale, l’alarme sonne. Dans cette optique de consolidation du pouvoir, il se lance dans un programme de modernisation de l’armée avec des missiles hypersoniques, des dizaines d’ogives nucléaires supplémentaires et trois porte-avions. Un réarmement dont l’objectif est de contraindre Taïwan à accepter une « réunification » (terme impropre puisque jamais le régime communiste n’a géré les affaires de l’île) avec le continent, par la force si nécessaire.

Que retenir de Xi Jinping, nouveau président à vie ? Pour l’artiste dissident chinois Ai Weiwei, l’épisode incroyable et inédit où l’ancien président chinois Hu Jintao, 79 ans, a été escorté contre son gré vers la sortie devant les caméras du monde entier lors de la cérémonie de clôture du XXe congrès du PCC le 22 octobre 2022, montre à quel point le régime est devenu « impitoyable ». « Une grande nation est contrôlée par un groupe de gens qui n’a aucun respect, non seulement pour les règles, mais n’a réellement ni sentiments personnels, ni émotions, ni amitié, ni (envie) de se soucier[des gens] », estime-t-il. Les dirigeants chinois, en premier lieu, Xi Jinping, « veulent réinterpréter l’ordre mondial ».

On touche là l’ambition cachée, mais bien réelle, de Xi Jinping : devenir l’homme le plus puissant d’une planète dirigée par la Chine. Une ambition néanmoins durablement contrariée. En effet, résultat de sa politique agressive des « loups guerriers » sur la scène internationale : un nombre croissant de pays autrefois accommodants avec la Chine prennent leur distance, tandis que nombre de pays occidentaux, menés par les États-Unis, prennent conscience de la vraie nature du Parti communiste chinois et de son chef. Avec en sus une économie chancelante dont la croissance a chuté de façon vertigineuse depuis 2019. Le PIB chinois devrait tomber autour de 3 % en 2022. Piètre résultat d’une gestion calamiteuse de la pandémie du Covid-19. Cette politique funeste, imposée par Xi Jinping lui-même, a entraîné le confinement de centaines de millions de Chinois désespérés, la paralysie des chaînes d’approvisionnement, la fermeture de milliers d’usines et le départ d’innombrables investisseurs étrangers. Ce sera le résultat le plus mauvais depuis quelque quarante ans pour ce pays qui avait été le champion envié de l’hyper croissance depuis 1978 au point que des milliers d’hommes d’affaires, attirés par le mirage du « miracle économique chinois », s’y pressaient, séduits par un eldorado qui, clairement, n’en est plus un. Au point que le « rêve chinois » de Xi Jinping de devenir bientôt la première puissance économique du globe s’éloigne lui aussi.

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