<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Les incertitudes énergétiques de l’Union européenne

19 janvier 2021

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Les incertitudes énergétiques de l’Union européenne

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L’Union éprouve de grandes difficultés à définir une politique en matière énergétique.


 

Il n’y avait pas de réelle politique énergétique commune dans l’Union européenne, à deux exceptions près : d’abord, la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) qui a certes lancé le processus de construction européenne, mais a échoué à protéger les industries européennes de la crise du charbon à partir des années 1960-1970 ; ensuite, Euratom (signé en 1957 à Rome en même temps que la CEE) qui n’a pas permis de faire émerger un marché commun de l’atome ni une coopération poussée en la matière. Or, le traité de Lisbonne introduit officiellement une telle politique énergétique, mais tout reste à faire.

Dépendance et non-Europe

Ainsi, l’Europe est particulièrement dépendante pour son énergie : ses réserves sont insignifiantes (7 % du total mondial pour le charbon, 2 % pour le gaz et 0,5 % pour le pétrole), si bien que 90 % de la consommation de pétrole et 60 % de celle de gaz sont importées. Dépendance en particulier pour le gaz dont plus de 40 % des importations viennent de Russie. Et du côté du pétrole, la production de la mer du Nord diminue depuis les années 2000.

D’un autre côté, le développement des énergies bas-carbone est insuffisant. Le « paquet énergie-climat » (2008) fixant pour 2020 l’objectif de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre et de porter à 20 % la part des énergies vertes dans le bilan énergétique total est hors d’atteinte : avec le retour de la croissance de ces dernières années, les émissions de CO2 sont reparties à la hausse, avec une croissance annuelle de + 2,2 % en France, + 2,4 % en Allemagne, + 3 % en Autriche, + 3,9 % en Pologne, + 6 % en Espagne ou aux Pays-Bas, + 7 à 8 % en Hongrie, Roumanie et Bulgarie, + 12 % au Portugal (rapport Enerdata 2018). Seuls les Scandinaves et les Britanniques demeurent vertueux.

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Les divisions entre États sont fortes, les trajectoires nationales variées. Quelques exemples en témoignent :

L’Allemagne est sortie brutalement du nucléaire après Fukushima, sans prévenir ses partenaires européens, et développe ses importations de pétrole et sa production nationale charbonnière (pour 40 % de l’électricité produite) sans suffisamment développer ses énergies vertes malgré tous ses efforts. Conséquence : le prix de l’électricité, en augmentation rapide, y est déjà deux fois plus élevé qu’en France.

La Pologne va encore plus loin dans l’essor de l’exploitation du charbon : il constitue actuellement 52 % du mix énergétique et 84 % de la production d’électricité du pays ! Ce qui n’a pas empêché le pays de signer l’accord de Paris en décembre 2015.

L’Espagne s’est fourvoyée dans le développement de l’éolien et du photovoltaïque avant d’arrêter les subventions aux énergies renouvelables qui menaçaient de ruiner son système électrique.

La Grande-Bretagne a également supprimé les subventions à l’éolien et au solaire pour se tourner de nouveau résolument vers le nucléaire (cinq réacteurs) avec l’assentiment populaire. L’exploitation des hydrocarbures se poursuit en mer du Nord.

L’Italie, dont l’électricité est deux fois plus chère qu’en France, en importe massivement depuis les pays voisins, et surtout de l’électricité « nucléaire » française.

La Norvège est un producteur pétrolier très discret, mais très riche, ses revenus pétroliers représentent 44 % de ses exportations et 32 % des recettes de l’État, fournissant également une rente à la population. Les « cheikhs aux yeux bleus » tiennent à leur indépendance : ils ne font ni partie de l’UE ni de l’OPEP.

Défis et menaces

Les enjeux pour l’Europe sont donc considérables :

– se rendre moins dépendante, ce qui signifie trouver des ressources alternatives dans les énergies vertes, mais aussi dans le nucléaire ;

– sécuriser ses approvisionnements, mais les hésitations sont fortes face aux différents gazoducs possibles : ainsi, la méfiance face à la Russie est généralisée depuis les « guerres du gaz » avec l’Ukraine, mais l’Allemagne joue à fond cette carte (avec les gazoducs North Stream) ;

– investir dans les infrastructures intelligentes (systèmes informatisés de régulation) ;

– libéraliser le secteur et créer un vaste marché énergétique, ce qui est partiellement réalisé pour l’électricité. Reste le problème de l’interconnexion entre les pays.

La France se défend plutôt bien en matière énergétique, malgré son manque de ressources.

Si elle n’a pas de pétrole, pour reprendre une formule demeurée célèbre, elle a des idées. Elle est ainsi le seul pays au monde à avoir débuté une première véritable transition énergétique, il y a cinquante ans, avec le démarrage d’un grand programme électronucléaire qui lui permet de posséder aujourd’hui le deuxième parc mondial derrière les États-Unis (58 réacteurs en activité dans 19 centrales), d’être en pointe dans la recherche sur les réacteurs de 4e génération et sur la fusion nucléaire (ITER), de posséder des compétiteurs mondiaux dans ce secteur (Areva, EDF). Grâce au nucléaire principalement, la France assure 90 % de sa production d’électricité nationale sans combustible fossile et sans émission de gaz à effet de serre.

 

Toutefois, sa seconde « transition énergétique pour la croissance verte » (selon une loi votée en 2015) peine à démarrer : les énergies fossiles constituent toujours plus des deux tiers de la consommation finale du pays, notamment le pétrole (45 %), le gaz (20 %) et loin derrière le charbon (à seulement 3 %, la France apparaît dans ce domaine plus vertueuse que l’Allemagne). Et ces énergies fossiles sont importées : la France est dépendante de l’étranger pour environ 50 % de sa consommation et sa facture énergétique pèse lourdement dans le déficit commercial, oscillant entre 40 et 70 milliards d’euros en fonction du prix du baril de pétrole.

Les enjeux de sécurité et de souveraineté énergétiques se posent donc avec acuité pour la France. Mais elle peut compter sur une Major parmi les plus puissantes et internationalisées au monde, Total, née de la fusion avec Elf et Fina à la fin des années 1990, et de nombreuses FTN spécialisées (Technip dans l’ingénierie pétrolière). Fort judicieusement, la France a su diversifier ses fournisseurs ; pour le pétrole : Arabie saoudite, Kazakhstan, Nigeria, Russie et Angola (60 % au total pour ces cinq pays) ; pour le gaz : Norvège, Russie, Pays-Bas, Algérie, Qatar (75 %). On voit à travers ces classements toute l’importance de la Russie pour notre économie, ce qui est une donnée incontournable de la politique extérieure française.

Les énergies renouvelables comptent pour moins de 10 % du bilan énergétique total, avec une part prédominante de l’hydraulique, au deuxième rang dans le mix électrique (12 %), derrière le nucléaire. Éolien (4 % de la production électrique), solaire (1,6 %) et bioénergies (1,6 %) restent secondaires. Certes, la fermeture de la centrale de Fessenheim est actée (2 réacteurs de 900 MW) et devrait réduire la part du nucléaire, mais la mise en service de l’EPR de Flamanville (1 650 MW) fait plus que la compenser… L’uranium utilisé vient du Canada, du Kazakhstan et du Niger.

La France conserve ainsi une politique énergétique originale. Mais, sous la pression de l’opinion, elle tend à s’aligner sur ses voisins et à se banaliser. Une évolution qu’elle ne connaît pas seulement dans le domaine énergétique.

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À propos de l’auteur
Cédric Tellenne

Cédric Tellenne

Agrégé d'histoire. Professeur en classes préparatoires aux grandes écoles au lycée Sainte-Geneviève de Versailles et en Master enseignement à l'Université catholique de Bretagne.
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