<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’uniformisation architecturale des métropoles

16 décembre 2020

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : La tour Montparnasse, en arrière-plan. Photo : PATRICK GELY/SIPA 00921056_000029

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L’uniformisation architecturale des métropoles

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Une caractéristique des métropoles est leur uniformisation : modes de vie, magasins de luxe, « world fooding », usage de l’anglais ou du dollar et, bien sûr, architecture.


 

L’oligopole des grands architectes

Que ce soit les aéroports, les centres commerciaux, les palais de congrès ou les salles de spectacles, tout se ressemble, pour des bâtiments qui allient le verre, le béton et les formes lisses. Bien sûr, les connaisseurs pourront reconnaître les différences bien réelles entre une tour de Norman Foster et une autre de Richard Meier, mais pour le commun ces bâtiments sont des copiés collés.

C’est qu’une poignée d’architectes se partage les grands contrats internationaux, faisant travailler leurs cabinets sur l’ensemble des continents. Ceux-ci ont très souvent remporté le prix Pritzker qui récompense chaque année depuis 1979 un architecte remarquable. Deux Français l’ont à ce jour gagné, Christian de Portzamparc (1994) et Jean Nouvel (2008). On y retrouve bien sûr Ieoh Ming Pei, Oscar Niemeyer ou Franck Gehry. Les réalisations d’un Norman Foster se retrouvent dans les grandes métropoles mondiales : New York, Londres, avec le Millenium Bridge et le St Mary Axe (« Le Cornichon »), Casablanca, Hong Kong, Marseille, avec le réaménagement du vieux port, ou encore le viaduc de Millau et Abou Dhabi. Une dizaine de cabinets d’architectes se partage ainsi les grandes constructions, que celles-ci soient commandées par les villes, les États ou les entreprises. Un véritable oligopole qui impose sa conception de l’architecture.

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Des bâtiments fragiles

Il y a tout à la fois du mimétisme et du sensationnalisme dans ce mouvement d’uniformisation. Mimétisme, car une grande métropole se doit d’avoir ses gratte-ciels et ses immeubles griffés au nom d’un grand architecte afin de pouvoir tenir son rang. Sensationnalisme, car il s’agit de faire toujours mieux et plus haut que son voisin et d’être dans l’innovation permanente.

C’est là une autre spécificité de cette architecture : non contente de rompre avec le passé elle se détruit elle-même en ne laissant pas de trace. Il n’est pas rare que les tours soient abattues au bout de quelques années pour en construire d’autres à la place, ou bien que les bâtiments se révèlent très peu résistants au temps et qu’il faille les rénover ou les remplacer rapidement. Inauguré en 1989, l’Opéra Bastille s’est fissuré dès 1991 et fut restauré 14 ans après son ouverture. Beaubourg ferme lors de ses vingt ans pour une rénovation profonde, sans compter les tours First et Montparnasse, elles aussi rapidement rénovées. En voulant s’affranchir du temps, ces bâtiments en viennent à ne pas tenir la durée.

Nul ne peut contester la prouesse technique de la réalisation de ces immeubles, que ce soit pour les constructions en hauteur ou pour la gestion des fluides et des réseaux. Le centre Beaubourg est ainsi un modèle pour l’évacuation de l’air et des fluides. La Philharmonie de Paris délivre une acoustique remarquable et le « Cornichon » de Londres est un modèle de gestion des ressources, notamment de la lumière, de la chaleur et du froid.

Ce qui gêne, c’est que cette architecture est souvent incomprise. Elle fait penser à l’art contemporain dont elle reprend certains codes et thèmes. Elle semble être l’architecture des élites mondialisées. Aux façades s’ajoute l’ameublement intérieur. On y retrouve souvent le même style de meubles, des décorations minimalistes, les mêmes tableaux sérigraphiés, les mêmes reproductions. Des designers comme Philippe Starck ont incontestablement un grand talent, mais retrouver leurs objets ou leur style, recopiés et imités, dans tous les hôtels du monde a quelque chose d’étouffant. C’est la domination d’un style sur tous les autres avec, là aussi, l’effacement des cultures et des traditions locales. Après tout, si l’on se rend en Asie c’est pour le charme de la culture de ces pays, non pour y retrouver la patte des architectes et designers européens.

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

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