Une crise franco-algérienne à propos du Sahara occidental ?

30 juillet 2024

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : EMMANUEL MACRON, Abdelmadjid Tebboune (c) Sipa 01162387_000086 during the Second day of the G7 Heads of State Summit, Borgo Egnazia, Puglia, Italy 14 June 2024//AGFEDITORIAL_SEA140624-292/Credit:Alessandro Serran˜/AGF/SIPA/2406151319

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Une crise franco-algérienne à propos du Sahara occidental ?

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Dossier explosif que celui du Sahara marocain qui empoisonne les relations entre la France, le Maroc et l’Algérie. La France vient de reconnaitre la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Une victoire pour Rabat, un coup dur pour Alger.

C’est par un communiqué algérien, assez virulent, que l’on a appris le récent mouvement diplomatique français concernant le Sahara occidental. Jeudi 25 juillet, soit la veille de l’ouverture des JO, le ministère algérien des Affaires étrangères a publié un communiqué exprimant sa « profonde désapprobation de la décision française inopportune et contreproductive en faveur du soutien français au plan d’autonomie marocain sur le Sahara occidental ». Alger affirme vouloir « en tirer toutes les conséquences » en indiquant « que la France en assumera seule la pleine et entière responsabilité ». Une précision lourde de sous-entendus est ajoutée : « les puissances coloniales, anciennes [Ndr la France] et nouvelles [Ndr le Maroc] savent se reconnaître, se comprendre et se tendre des mains secourables ». On ne saurait mieux dire…

Pourquoi cette déclaration ?

Que s’est-il donc passé pour arriver à une probable nouvelle crise entre Paris et Alger alors qu’il y a quelques semaines, les Présidents Macron et Tebboune s’embrassaient au sommet du G7 en Italie où Mme Meloni avait invité Tebboune  ?

En fait, jusqu’à présent et depuis plusieurs années, Paris avait réussi à maintenir l’équilibre entre Alger et Rabat, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU, sur l’épineuse question du Sahara occidental revendiqué par le Maroc comme territoire marocain. Paris, comme l’UE, soutenait la proposition de l’ONU, ce qui était un moyen de retarder toute prise de position nationale sur ce dossier.

La première alerte était survenue il y a trois ans, lorsque les États-Unis, dans le cadre des Accords d’Abraham, avaient reconnu la « marocanité » du territoire contesté en échange de la reconnaissance de l’État d’Israël par le Maroc. Les États européens réussissaient alors à maintenir leur ligne face à ce changement.

Mais, l’Espagne, mise en difficulté par le Maroc sur sa politique migratoire dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, avait dû, il y a un an, se ranger à la position marocaine en reconnaissant la « marocanité » du Sahara occidental et renoncer de fait à la position traditionnelle de Madrid. Furieuse, l’Algérie avait alors riposté en gelant ses relations diplomatiques avec Madrid, annulant tous les vols entre les deux capitales et en prenant des sanctions commerciales.

Échec du rapprochement avec l’Algérie

La France pouvait-elle s’en tenir à sa position traditionnelle ? En réalité depuis plusieurs années, le rapprochement franco-algérien avait profondément irrité le Roi du Maroc au point que les relations entre Paris et Rabat étaient devenues « glaciales », le Roi refusant, dit-on, de prendre au téléphone le Chef de l’État français. Comment sortir de cette crise alors que de l’autre côté, le rapprochement avec l’Algérie n’a rigoureusement rien rapporté à Paris, si ce n’est les insultes algériennes et ingérences dans la politique intérieure française ? Pouvait-on être en froid durablement avec les deux grandes capitales du Maghreb ?

C’est dans ce contexte que Rabat, jouant finement, a fait part de sa volonté de rompre la glace avec Paris, mais à la condition que la France accepte, comme l’Espagne, de reconnaître la « marocanité » du Sahara, une fois pour toutes.

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Mis devant le fait accompli, le gouvernement français a entrepris progressivement un mouvement sur ce dossier. D’abord en envoyant -fût-ce au prix du supplice de Tantale – le nouveau ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, contempteur à Strasbourg du non-respect par le Maroc des droits de l’homme et thuriféraire de l’Algérie. Séjourné a dû reconnaitre publiquement le caractère « existentiel » pour le Maroc de la question saharienne ; puis en autorisant les entreprises françaises, couvertes par l’AFD, à investir au Sahara désormais « marocain » ; enfin, dit-on en écrivant au Roi à l’occasion de son vingt-cinquième anniversaire sur le trône, une lettre par laquelle Paris avancerait fortement sur ce dossier. À Paris, pour faire bonne mesure, on a poussé la gentillesse à sonder officiellement Alger sur les formules diplomatiques qui choqueraient le moins les autorités algériennes ; Toujours notre manie du « en même temps ».

Crise à venir à Alger

Il faut donc désormais s’attendre à une nouvelle crise avec l’Algérie : report ou annulation de la visite de Tebboune à Paris, rappel de l’ambassadeur, annulation de contrats, etc.

Depuis trente ans en effet, Alger conteste l’annexion de fait de l’ancienne colonie espagnole au Sahara que Hassan II avait récupéré en 1975 en profitant de l’agonie et de la mort de Franco. Alger soutient la république sahraouie dont il abrite, dans des camps à Tindouf les réfugiés ne voulant pas rester sous occupation marocaine. Ce dossier est devenu désormais un accélérateur et un amplificateur de tous les accrochages algéro-marocains. Tout est prétexte à accroître la tension entre les deux pays.

L’Algérie accuse le Maroc d’organiser des trafics de drogue à travers la frontière ; à l’ONU, le représentant marocain compare le Front Polisario avec l’autodétermination des Kabyles, ce qui conduit au rappel de l’ambassadeur algérien à Rabat. En août 2021, le rapprochement entre Rabat et Tel-Aviv est sévèrement condamné par Alger, d’autant plus que le Maroc facilite l’arrivée d’Israël comme observateur à l’Union africaine.

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Le sport, notamment le football, est également prétexte à des crises lors de la coupe du monde de 2022. Tout récemment en 2024, les joueurs marocains portant un maillot arborant une carte du « Grand Maroc » ne purent jouer en Algérie. En août 2021, l’Algérie décide enfin de rompre les relations diplomatiques avec le Maroc et ferme son espace aérien à tout appareil civil ou militaire immatriculé au Maroc.

En novembre 2021, l’Algérie accuse le Maroc d’avoir tué trois camionneurs algériens, tandis qu’à l’été 2023, des touristes marocains faisant du jet ski à la limite des eaux territoriales marocaines sont tués par l’armée algérienne.

Chacun compte ses points à l’international.  Décidé à obtenir la reconnaissance de la « marocanité » du Sahara, Rabat utilise toutes les armes dont il dispose.

Entre Paris et Alger et Rabat, c’est donc un équilibre impossible.

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À propos de l’auteur
Xavier Driencourt

Xavier Driencourt

Xavier Driencourt est diplomate. Il a notamment été ambassadeur de France en Algérie.
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