La nouvelle loi de programmation militaire (LPM) qui fixe les futurs budgets de l’armée va être débattue au printemps. Après 30 ans de réduction budgétaire, le gouvernement a redressé la courbe en augmentant les crédits militaires depuis 2017. Alors qu’il a été décidé de porter l’effort national de défense à 2% du PIB à l’horizon 2025, les augmentations budgétaires à venir permettront-elles une remise à niveau de l’armée pour affronter les nouvelles menaces qui lui font face ?
Après un an de guerre en Ukraine, la France se situe au cinquième rang des pays fournisseurs d’aide militaire. C’est très loin de l’effort fourni par l’Amérique, bien sûr. Mais c’est assez faible, aussi, au regard des ambitions politiques et du statut de la France, réputée « première puissance militaire en Europe ». L’explication est simple : notre pays n’a plus la ressource pour peser davantage. Faute de stocks suffisants, elle a dû prélever des armes sur ses unités opérationnelles, altérant leurs capacités instantanées.
En acceptant de diminuer ainsi son potentiel pour honorer ses promesses à Kiev, la France confirme son manque d’épaisseur militaire. Notre pays aligne des combattants et des armements de qualité, mais en trop faible nombre. Cette « armée de poche » est l’aboutissement de trois décennies de réductions budgétaires, quand les effectifs et les équipements étaient programmés dans une logique purement financière – et non stratégique –, encadrée par la sacro-sainte RGPP (Révision générale des politiques publiques). La gestion en flux tendus des stocks militaires – « des actifs coûteux et inutiles » – a privé l’armée de l’épaisseur nécessaire à la haute intensité. Des entités jugées non prioritaires en ont souffert, comme les armes d’appui (artillerie) et la logistique (train, matériel, maintenance, stockage). Des savoir-faire ont été perdus. Il faudra des années pour les reconstituer.
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C’est tout l’enjeu de la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) qui est débattue ce printemps, pour fixer les budgets de 2024 à 2030. L’année est donc décisive pour l’armée française. Une première marche encourageante a été franchie grâce au redressement amorcé par Emmanuel Macron, avec une hausse de 36 % des crédits militaires depuis 2017. Les 40,9 milliards d’euros de crédits obtenus pour 2022 ont permis d’améliorer l’équipement des forces, de stabiliser les effectifs et de financer de nouveaux programmes. Mais si la courbe descendante a été stoppée, les objectifs fixés par la précédente LPM sont loin d’être atteints, notamment pour l’entraînement, la disponibilité des matériels, les stocks de grande prévoyance. La Cour des comptes l’a précisé dans un rapport publié l’an dernier, estimant même que l’objectif de porter l’effort militaire à 2 % du PIB en 2025 n’était même plus suffisant.
Le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées depuis juillet 2021, ne cesse de le souligner : « La régénération des armées n’est pas encore faite. » Lui et les autres chefs militaires se sont préparés à la bataille majeure de cette année 2023, sur fond de guerre en Ukraine : obtenir du chef de l’État et du Parlement la meilleure loi de programmation possible. Le 9 novembre à Toulon, Emmanuel Macron les avait rassurés, avec cet engagement solennel : « Notre pays doit avoir en 2030 les armées de la décennie à suivre, et non celles de la décennie qui précède. » Le 20 janvier, lors des vœux aux armées sur la base de Mont-de-Marsan, le chef de l’État confirmait l’enveloppe finale retenue : 413 milliards d’euros pendant sept ans (dont 13 milliards de recettes extra-budgétaires), un peu moins que ce que voulaient les armées, un peu plus que ce que prévoyait Bercy.
Assorti de vœux de « performance, excellence, audace et force d’âme », l’effort est impressionnant. Les militaires sont plutôt satisfaits de cette enveloppe globale, avec, cependant, quelques interrogations. Emmanuel Macron les a prévenus qu’il n’y aura ni « luxe », ni « aise ». Il a aussi parlé de « sobriété ». Sous réserve d’analyses plus fines, cette nouvelle LPM 2024-2030 représente en effet à peu près ce que la précédente loi aurait dû financer pour remettre à niveau notre défense. Si elle ne revoit pas à la hausse les formats et les effectifs, trop faibles au regard des nouvelles menaces, la « transformation des armées pour la décennie à suivre » risque de rester un vœu pieux, malgré l’augmentation des crédits destinés à des secteurs stratégiques majeurs (renseignement, spatial, cyber, défense sol-air). Les militaires redoutent aussi la triple pression qui pourrait faire relâcher un jour l’effort, dans la durée : l’inflation, la hausse des coûts de l’énergie et les promesses sociales faites par l’exécutif.
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