Depuis deux ans, la guerre russo-ukrainienne secoue comme elle divise tout le continent européen. Loin de la doxa gouvernementale, à l’heure où le président Emmanuel Macron évoque une intervention des troupes européennes afin d’aider Kiev, une majorité de Français, impactés économiquement par ce conflit, exprime un rejet clair de l’adhésion de ce pays à l’Union européenne.
À l’approche du deuxième anniversaire du déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, le président ukrainien Volodymyr Zelenski est venu à Paris afin de signer un accord bilatéral de sécurité avec la France. Devant les caméras, alors que la France a déjà versé près de quatre milliards d’euros à l’Ukraine depuis le début du conflit, le président Emmanuel Macron s’est engagé à fournir trois milliards d’euros supplémentaires d’aide à Kiev. Assurant de « sa détermination à soutenir le peuple ukrainien », il a également promis d’accélérer l’assistance militaire de l’Hexagone à Kiev.
Une Ukraine affaiblie
Un chemin pavé de bonnes intentions, mais qui peine à dissimuler les réalités diplomatique et militaire du terrain. Depuis l’été dernier, la contre-offensive ukrainienne connaît des difficultés significatives, et la stratégie en place ne répond pas aux attentes de l’Union européenne, qui a dû vider ses stocks d’armes pour soutenir l’Ukraine face aux incessants bombardements russes. Les tensions entre Volodymyr Zelenski et le populaire général Valery Zaloujny se sont intensifiées au cours de ces derniers mois, conduisant le président ukrainien à le remplacer par le commandant en chef de l’armée de terre, Oleksandr Syrsky. Une nomination qui intervient alors que le front ukrainien est affaibli par un manque crucial de munition. La poursuite de la guerre dépend fortement de l’aide financière américaine (60 milliards de dollars), actuellement bloquée par le Parti Républicain, qui refuse de dépenser davantage dans ce conflit et envisage de se désengager en cas de retour de l’ex-président Donald Trump à la tête des États-Unis.
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Face à cette situation, l’Union européenne et ses membres associés, peinent à faire preuve d’unité et se déchirent régulièrement sur la question ukrainienne comme les conséquences d’un conflit dont personne ne voit la fin. Qui a déjà causé des milliers de victimes des deux côtés et provoqué une importante crise économique. Avec une augmentation moyenne des prix à la consommation de 4,9 % en 2023 en France, de nombreux citoyens s’interrogent aujourd’hui sur la pertinence du soutien de la France à l’Ukraine, dont les répercussions du conflit se font sentir dans les foyers français. L’inflation qui a atteint 3.4% en novembre 2023 n’a connu en réalité qu’une légère baisse de 0.6% comparé au mois précédent. Pour autant, les économistes espèrent qu’elles descendront à 2% à la fin de l’année 2024 sans pouvoir assurer une baisse des prix dans tous les secteurs confondus. Une situation qui n’en semble pas ébranler le gouvernement français qui reste constant dans ses choix, réaffirmant son soutien inébranlable en faveur de l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’OTAN (évitant d’évoquer le fameux article 5 que ferait actionner l’Ukraine si elle devait entrer dans l’organisation du Traité atlantique et qui précipiterait la France dans un conflit généralisé).
OTAN ou UE ?
Exit les accusations de corruption qui pesaient sur son homologue ukrainien, largement relayé par la presse française quelques semaines avant le déclenchement de la guerre, ou encore des scandales similaires qui ont récemment secoué le gouvernement ukrainien, poussant vers la sortie quelques ministres, le gouvernement français préfère sensibiliser les Français aux menaces militaires russes, soulignant les manipulations orchestrées depuis des officines nébuleuses situées aux confins de l’Oural, peinant à cacher sa russophobie latente avec un Emmanuel Macron qui semble prêt à chausser son casque de chef de guerre et jouer les Napoléon de pacotille.
Malgré l’abondance de reportages en faveur de l’Ukraine distillés sur l’ensemble du Produit audiovisuel français (PAF), où le manichéisme est volontiers de rigueur, il n’est pas certain que les Français suivent le président de la République dans cette direction. Selon un sondage CSA réalisé en février pour Europe 1, CNews et Le Journal du Dimanche (JDD), 43% des Français interrogés s’opposent à l’adhésion de l’Ukraine, tandis que 39% y sont favorables, et 18% ne souhaitent pas se prononcer sur cette question. Les plus jeunes Français expriment nettement un rejet de cette adhésion, avec 56% d’opposition à contrario de la génération précédente qui se montre très indécise et un troisième âge se montrant plus enthousiaste (65% d’approbation à cette idée). Un schéma que l’on retrouve également sur le plan politique, avec les partisans de Renaissance, qui sont favorables à l’adhésion de l’Ukraine (57%), tandis que les électeurs du Rassemblement national y sont majoritairement opposés (68% contre).
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Concernant les livraisons d’armes à l’Ukraine par la France, un sondage Ipsos daté du même mois, pour La Tribune du Dimanche, révèle que seulement 41% des Français réclament qu’elle se poursuive, 21% souhaitent même son augmentation, tandis que 38% sont totalement défavorables à cette idée. De manière similaire, 44% des répondants expriment leur soutien au maintien de la livraison de matériel humanitaire, sensible au sort des Ukrainiens victimes innocentes de cette guerre. Malgré les déclarations dans la presse et titres ronflants, le soutien des Français à Kiev s’avère donc loin d’être majoritaire. La politique de culpabilisation exercée quotidiennement par le président ukrainien, légitime ou non selon le point de vue où on se place, semble avoir épuisé l’opinion publique française. Selon cette même enquête, 51% des personnes interrogées, y compris la nouvelle génération, ne veulent pas entendre parler d’une adhésion de l’Ukraine à l’Europe (contre 49% favorables).
Enfin, bien que 62% des Français se prononcent en faveur du maintien des sanctions économiques imposées par l’Europe à la Russie, force est de reconnaître que ces mesures n’ont eu jusqu’à présent aucun impact sur le pays des Tsars, qu’il a contourné avec facilité, stimulant sa croissance de 3% en 2023. De quoi remettre en question les affirmations de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, qui soutenait au début du conflit que l’Europe mettrait la Russie de Vladimir Poutine à genoux. Malgré tout, il serait erroné de conclure que les Français souhaitent la victoire de la Russie dans cette guerre. Seulement 13% d’entre eux expriment ce désir, soit un Français sur cinq. Au niveau européen, le défaitisme est encore plus palpable. À titre de comparaison, loin de la doxa martelée, seulement 10% des Européens estiment que l’Ukraine remportera la guerre selon un récent sondage du Think-tank ECFR. Certains pays de l’UE voient les réfugiés comme une menace, et un tiers souhaite l’arrêt de l’aide à l’Ukraine.