Donald Trump ne gouverne pas seul les États-Unis. Analyse de son entourage et de ceux qui contribuent à élaborer sa politique.
Pete Hegseth futur secrétaire à la Défense
La nomination de ce présentateur de télévision de 44 ans est une surprise. Comme le rappelle Donald Trump dans son communiqué, Pete Hegseth a servi comme officier dans la Garde nationale du Minnesota. Il a été déployé en 2004 sur la base navale de Guantanamo, puis en Irak, où il a conduit des opérations civilo-militaires. Il a été envoyé en Afghanistan en 2012, comme instructeur dans le domaine de la contre-insurrection.
Selon plusieurs media, même dans l’entourage de Donald Trump, l’on ne s’attendait pas, jusqu’à lundi, à un tel choix. Des responsables du Pentagone, sous couvert d’anonymat, ont fait part à la presse de leur étonnement. Il est vrai que ce choix diffère, en tout cas, de ceux auxquels Donald Trump avait procédé durant son premier mandat, lorsqu’il avait désigné James Mattis puis Mark Esper.
Michael Boulos. D’un gendre à l’autre ?
Pour combien a compté l’influence ou l’activité du gendre libanais de Donald Trump, Michael Boulos, dans l’évolution de ses positions à l’égard du Proche-Orient et plus largement du monde arabe ?
Michael Boulos a épousé Tiffany Trump en 2022. Son père, le milliardaire Massaad Boulos, a fait fortune au Nigéria, où sa famille est installée depuis 1936 et où il a poursuivi le développement de la société de distribution et d’assemblage de deux-roues Boulos Enterprises. Massaad Boulos s’était présenté sans succès aux élections législatives libanaises de 2009 dans le caza du Koura, au nord du Liban, pour le Courant patriotique libre (CPL) du général Michel Aoun. Il s’est rapproché ensuite du Mouvement Marada de Sleiman Frangié.Le 21 mai 2024, Michael Boulos et son père, Massaad, se sont rendus à Troy, dans le Michigan, avec Ric Grenell, pour s’entretenir, pendant deux heures et demie, avec 40 Arabes Américains engagés se faisant le relais du mécontentement suscité par la politique de Joe Biden à l’égard du Proche-Orient. Michael Boulos et son père ont mis tout leur poids dans la balance pour convaincre leurs interlocuteurs et, à travers eux, les Arabes Américains d’apporter leur soutien à Donald Trump, soulignant la nécessité d’être unis pour peser sur l’élection.
Michael et Tiffany Boulos vivent à Miami, pas tellement loin de la résidence d’Ivanka Trump et de l’autre gendre du président américain, Jared Kushner.
Richard Grenell. Le diplomate de Trump
Le diplomate républicain Richard Grenell (Ric), que Donald Trump n’hésitait pas à présenter dans les récentes années comme son « envoyé » personnel, pourrait prendre la tête du Département d’État.
Ambassadeur des États-Unis en Allemagne de 2018 à 2020, il a été également directeur du renseignement national par intérim, de février à mai 2020. Il connaît bien les Balkans, qu’il a visités à de nombreuses reprises. Il est le maître d’œuvre du projet de politique étrangère du mouvement MAGA.
Sa connaissance des milieux de la diplomatie et du renseignement pourra permettre à Donald Trump d’asseoir son autorité en matière de politique étrangère, domaine sur lequel le président, on peut le supposer, voudra imposer sa marque, en renouant avec une diplomatie personnalisée et transactionnelle, privilégiant la recherche de solutions négociées.
Vers une répartition nixonienne des responsabilités ?
S’il privilégiait une solution d’équilibre, le président Trump pourrait tout aussi bien réserver à Ric Grenell le poste de conseiller pour la sécurité nationale et nommer un profil plus politique à la tête du Département d’État.
Suivant ce schéma, assez conforme, en fait, aux institutions américaines, Donald Trump s’assurerait, tout à la fois, la loyauté d’une personnalité républicaine lui ayant apporté son soutien durant la campagne et le concours quotidien d’un homme compétent, agissant, de fait, comme le véritable maître d’œuvre de sa politique étrangère.
Cette configuration n’a rien d’inédit : élu président le 5 novembre 1968, Richard Nixon avait rencontré Henry Kissinger dès le 25 novembre, pour lui proposer de devenir son conseiller pour la sécurité nationale, ce que l’universitaire accepta le 29, avant que William Rogers ne fût nommé secrétaire d’État. Comme en témoigne Kissinger dans ses mémoires, Nixon « cherchait davantage un bon négociateur qu’un décideur politique – rôle qu’il se réservait à lui-même et à son assistant pour les affaires de sécurité nationale ». En d’autres termes, le maverick qu’était aussi, à sa manière, Richard Nixon souhaitait concentrer la direction de sa politique étrangère dans le cercle restreint d’une équipe proche dont il serait le centre et laisser un homme au profil institutionnel prendre les rênes d’une bureaucratie qu’il percevait comme rétive et souhaitait cantonner dans un rôle d’exécution.
Aujourd’hui, s’il validait cette option nixonienne, Donald Trump aurait à choisir principalement entre trois noms : Marco Rubio, Bill Hagerty, Mike Waltz.
Marco Rubio le pragmatique
Marco Rubio fait figure de candidat sérieux pour le poste de secrétaire d’État : son nom est régulièrement cité. Sénateur de Floride depuis 2011, Marco Rubio s’était présenté aux primaires républicaines de 2016, mais avait échoué face à… Donald Trump. Il est un membre influent de la non moins influente commission des affaires étrangères du Sénat.
Apprécié de Newt Gingrich, il sait toutefois prendre ses distances avec les conservateurs trop rigides ou qui témoignent de tendances par trop idéologiques. La liberté et la souplesse de cet élu expérimenté sont évidemment précieuses pour incarner le pragmatisme trumpien. Il a su faire la preuve de cette liberté personnelle dans le champ politique face à Newt Gingrich précisément, lorsque ce dernier s’était opposé frontalement à Mitt Romney lors de la primaire présidentielle de 2012.
Né en 1971, Marco Rubio présente aussi l’avantage d’appartenir à la génération montante du Parti républicain. Une génération de responsables politiques plus jeunes, pour laquelle Donald Trump semble montrer quelque prédilection. Ce fut le cas de J.D. Vance, qu’il a choisi pour l’accompagner comme vice-président au long de son second mandat et dont il a reconnu, à rebours des dissonances qu’avaient cru déceler les media, qu’il fut « a good choice » ; c’est aussi le cas, dans une certaine mesure, du diplomate Ric Grenell, dont la personnalité est irréductible aux caractérisations rapides et à qui Trump accorde une totale confiance. À l’antipode d’un personnel démocrate objectivement vieillissant, ces choix révèlent, en fait, le souhait implicite, inexprimé, de Donald Trump de pérenniser son héritage, en passant le relais à de nouveaux responsables, aptes à faire vivre un conservatisme populaire et pragmatique.
En matière de politique étrangère, Marco Rubio présente le profil le plus souple, le plus plastique, en somme le plus compatible avec la diplomatie transactionnelle de Donald Trump.
Bill Hagerty, la vigie anti-appeasement
Sénateur républicain du Tennessee et ancien ambassadeur au Japon, Bill Hagerty est soutenu par le mouvement gravitant autour de l’America First Policy Institute, qui se présente comme une institution au service de Donald Trump, mais défend des options un peu plus marquées et idéologiques que celles du président, sans définir, de surcroît, de véritable doctrine de politique étrangère.
Comme Tim Scott, très apprécié dans le mouvement MAGA, et comme Marco Rubio, qu’il a soutenu lors des primaires présidentielles de 2016, Bill Hagerty est membre de la commission des affaires étrangères du Sénat. Ambassadeur au Japon de 2017 à 2019, il a négocié avec ce pays un accord commercial et a pris part au dialogue établi, lors du premier mandat de Donald Trump, avec la Corée du Nord, processus jalonné par les initiatives du président, qui, après avoir rencontré Kim Jong-un à Singapour, le 12 juin 2018, puis à Hanoï, le 27 février 2019, l’avait retrouvé, en présence du président sud-coréen, à la frontière entre les deux Corées, le 30 juin 2019.
Bill Hagerty a quitté, la même année, le service diplomatique pour présenter sa candidature au Sénat. Depuis lors, il n’a cessé de faire entendre des positions exigeantes et tranchées en matière de politique étrangère, blâmant le retrait relatif de l’administration Biden de la scène mondiale. Cette absence ou cette réserve ferait le jeu, selon lui, de la Chine, qui, peu à peu, tisse avec les BRICS, la toile d’un ordre international alternatif et attractif, à côté d’un ordre occidental en déprise. À l’égard de la Chine, Bill Hagerty fait figure de faucon. La réaction du président Biden au survol du territoire américain par des ballons d’observation chinois en février 2023 serait, pour lui, emblématique de l’apathie de l’administration démocrate.
Bill Hagerty a dénoncé également la politique d’appeasement avec l’Iran de l’administration Biden et sa faiblesse supposée à l’égard du Hamas. Revenant sur l’opération homicide dont Qassem Soleimani a été la cible en 2020, le sénateur Hagerty l’a interprétée avant tout comme une manifestation de la puissance américaine, alors que l’attitude du président Trump, après la mort du général iranien, avait semblé attester le souhait d’en circonscrire les conséquences.
Bill Hagerty présente, en un mot, un profil plus rigide, plus systématique et moins transactionnel que Marco Rubio. Né en 1959, il appartient également à une autre génération.
Même si son nom est évoqué, ses chances d’être nommé secrétaire d’État semblent plus minces que celles de Marco Rubio.
Mike Waltz, le béret vert
Né en 1974, Michael Waltz est de la même génération que Marco Rubio.
Officier de l’armée de terre en activité de 1996 à 2000, avant de rejoindre la garde nationale, il a servi dans les forces spéciales dans des terrains aussi variés que l’Afghanistan, le Moyen-Orient et l’Afrique. Au Pentagone, il a exercé les fonctions de directeur de la politique de défense sous George W. Bush, auprès de Donald Rumsfeld, puis de Robert Gates. Il a l’habitude d’assimiler la lutte contre le terrorisme islamiste aux combats menés contre le fascisme et le communisme.
Il a fondé en 2010 la société Metis Solutions, qui assurait en particulier la formation de troupes en Afghanistan et qu’il a vendue en 2020 pour la somme de 92 millions de dollars.
Membre de la Chambre des représentants pour la Floride depuis 2019, il a été réélu en novembre 2024. Il est membre de la commission des forces armées et de la commission des affaires étrangères. Il est le premier béret vert élu à la Chambre des représentants. Il avait soutenu la candidature de Marco Rubio face à Donald Trump lors des primaires présidentielles de 2016.
Connu pour ses positions dures à l’égard de la Chine, il proclamait en 2021 que les États-Unis étaient engagés « dans une guerre froide avec le Parti communiste chinois ».
Mentionné pour le poste de secrétaire d’État, le nom de Michael Waltz pourrait finalement être retenu pour celui de secrétaire à la Défense. Cette désignation laisserait la voie libre à Marco Rubio pour le poste de secrétaire d’État.
Niki Haley et Mike Pompeo : les absents
Nikki Haley et Mike Pompeo ne feront pas partie de l’équipe gouvernementale de Donald Trump.
Nikki Haley s’était présentée aux primaires républicaines de 2024. Elle a exercé les fonctions d’ambassadeur des États-Unis auprès des Nations unies de 2017 à la fin de 2018. Bien qu’étant d’une autre génération et d’une autre formation que les personnalités de l’équipe Bush Jr., elle fait figure de faucon dans le camp républicain. Elle prône un soutien inconditionnel à Israël et à l’Ukraine.
Directeur de la CIA de 2017 à 2018 puis secrétaire d’État jusqu’en 2021, Mike Pompeo partage la même approche à l’égard du Proche-Orient.
Le fait que ces deux personnalités ne soient pas retenues pour faire partie de l’équipe gouvernementale de Donald Trump tend à confirmer que, loin de faire sienne la ligne néoconservatrice, il souhaitera mettre en œuvre une politique étrangère d’orientation réaliste, pragmatique dans ses modalités et valorisant des solutions négociées. A suivre bien entendu.
Le nom du futur secrétaire D’État n’est toujours pas connu ; mais Donald Trump vient d’annoncer que Tom Homan serait, dans son administration, chargé de la lutte contre l’immigration irrégulière à toutes les frontières, « The Border Czar ».
Cette annonce rapide répond à l’une des principales promesses de campagne du président élu, qui souhaite durcir la lutte contre l’immigration irrégulière et procéder à des expulsions systématiques.
Aucune surprise. Né en 1961, Tom Homan était déjà identifié, dans l’entourage du candidat Trump, comme un « Border Czar » en puissance.
UNE PRECISION. Contrairement à ce qu’indiquent la plupart des media, Tom Homan n’a pas été directeur de la puissante agence de police aux frontières américaine, l’ICE, durant l’intégralité du premier mandat de Donald Trump : il en a été le directeur PAR INTERIM du 30 janvier 2017 au 30 juin 2018, date de son départ en retraite. Il avait été, de 2013 à 2017, directeur exécutif associé des « ICE Enforcement and Removal Operations (ERO) », qui visent à arrêter et à renvoyer les personnes en situation illégale sur le territoire des Etats-Unis. Tom Homan se prévaut d’une expérience de plus de 30 ans dans la police et la lutte contre l’immigration.
Tom Homan est aussi, de manière significative, le président de Border 911, organisation à but non lucratif (en vertu de la section 501(c)(3) du titre 26 du code des États-Unis) dirigée, en grande partie, par des agents ayant fait carrière dans le domaine de la sécurité aux frontières et désireux de promouvoir un durcissement de cette politique. Cette organisation se propose de sensibiliser la population américaine à ces questions à travers des réunions publiques et une communication choc.
Enfin, Thomas Homan contribue régulièrement aux productions de la Heritage Foundation, laboratoire d’idées conservateur qui avait été historiquement proche de Ronald Reagan et auquel on doit un programme de gouvernement très commenté par la presse durant la récente campagne, « The Project 2025″.