S’il est tentant de taxer les sociétés d’autoroutes afin de trouver de nouvelles sources de profit pour l’État, cette taxation n’est pas sans risque juridique et économique.
Article original paru sur le site de l’IREF.
L’article 15 du projet de loi de finances pour 2024 prévoit l’instauration d’une nouvelle taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport (AFIT) de France.
Cette taxe vise les exploitants qui affichent une rentabilité supérieure à 10%, et son montant est déterminé par l’application d’un taux de 4,6 % aux revenus d’exploitation qui excèdent 120 millions d’euros. Le produit annuel prévisionnel de la taxe serait de 600 millions d’euros, réparti entre les sociétés concessionnaires d’autoroutes (pour environ 450 millions d’euros) et les principaux aéroports (pour environ 150 millions d’euros).
L’objectif affiché ? Participer au financement de la transition écologique du secteur des transports. Initialement, seules les sociétés d’autoroutes devaient être mises à contribution. Mais l’État avait alors oublié que la création d’une taxation spécifique aux sociétés autoroutières l’obligerait à compenser les conséquences financières, au titre de la clause de stabilité fiscale prévue par les contrats de concessions autoroutières. Pour éviter d’être soumis à cette obligation, les aéroports ont, dans un second temps, été placés dans le champ d’application de la taxe.
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Cela sera-t-il suffisant pour éviter une longue et coûteuse procédure contentieuse avec, à la clef, une issue défavorable à l’État, c’est-à-dire aux contribuables ?
Rien n’est moins sûr. Dans un avis rendu le 8 juin 2023, le Conseil d’État a en effet précisé que « toute nouvelle contribution qui, sans viser explicitement les sociétés concessionnaires d’autoroutes, aurait pour effet pratique, compte tenu de ses modalités, de peser exclusivement ou quasi exclusivement sur elles pourrait […] ouvrir à ces sociétés un droit à compensation ». Au regard des intentions initiales du Gouvernement, il n’est pas exclu que la juridiction administrative considère que cet « effet pratique » est ici caractérisé. De son côté, le juge constitutionnel estime que le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit pas justifiée par un motif d’intérêt général suffisant. Or, d’après l’avis rendu le Conseil d’État, les différents motifs invoqués par le Gouvernement ne permettraient pas d’éviter une censure par le Conseil constitutionnel…
La hausse des tarifs dans les ports (Le Havre et Marseille) et aéroports (ADP notamment) visés par cette taxe aura pour effet de les rendre moins compétitifs
Si cette compensation financière venait à être obtenue des juridictions saisies, elle se traduirait sans doute par une autorisation donnée aux concessionnaires de répercuter cette taxe nouvelle dans les tarifs des péages, pénalisant ainsi les usagers du réseau autoroutier.
De la même manière, la hausse des tarifs dans les ports (Le Havre et Marseille) et aéroports (ADP notamment) visés par cette taxe aura pour effet de les rendre moins compétitifs, en un mot de les affaiblir.
Cédant à un réflexe taxateur, les décideurs publics semblent de surcroît oublier que la transition écologique du secteur des transports appelle, concomitamment aux investissements publics, des investissements privés qu’un cadre juridique instable et peu prévisible n’est pas de nature à favoriser…