En quelques pages brèves et denses, Thomas Edward Lawrence dresse les grandes lignes de ce qu’est la guérilla et de la façon dont elle doit être menée. Un manuel de stratégie militaire d’une grande clarté, qui peut encore inspirer de nombreux officiers.
Alors que la Première Guerre mondiale fait rage en Europe, la révolte arabe contre l’Empire Ottoman éclate en 1916 avec pour objectif de libérer la Péninsule arabique alors sous l’autorité ottomane. La révolte est conduite par le chérif de la Mecque, Hussein ben Ali, qui est accompagné de Thomas Edward Lawrence.
Ce dernier, plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie est l’auteur des Sept piliers de la sagesse mais aussi de Guérilla dans le désert qui en est une forme de synthèse reprenant les grands principes militaires du premier.
Dans ce bréviaire d’une petite vingtaine de pages, l’archéologue nous livre un tableau de la Grande révolte arabe de 1916 qu’il coucha par écrit alors qu’il souffrait de maladies. Dans un style simple, clair et concis, Lawrence d’Arabie nous décrit brièvement les principes de la Guérilla, vue par les yeux d’un guérilleros, véritable guerre d’usure où l’on se doit d’être insaisissable, où l’on ne doit jamais offrir à l’ennemi le luxe de lui servir de cible, où la surprise et la rapidité d’un petit nombre d’hommes doit permettre de vaincre un ennemi supérieur en nombre, parfois mieux armé mais plus lent.
L’expression d’une pensée
Écrivain talentueux, mais aussi aventurier de renom, Lawrence d’Arabie fut avant tout un théoricien hors-pair. Il livre dans cette œuvre, qui fit longtemps office de livre de chevet au général Giap qui s’en inspira en Indochine, une analyse remarquable des méthodes de guerres modernes (en 1916 du moins) reposant sur l’utilisation de l’espace et du temps afin de ne jamais s’opposer frontalement aux forces adverses mais, pour reprendre en substance les parole du Maréchal de Saxe, de gagner la guerre sans livrer bataille. Pour cela, il convient non seulement de le diviser mais aussi de l’épuiser, de ne lui laisser aucun répit. C’est une véritable guerre d’usure faite de hit and run qu’il faut mener. Mais Lawrence ne se contente pas uniquement de théoriser les grands axes de la guérilla, il les met directement en pratique et pousse ses hommes à harceler la ligne de chemin de fer utilisée par les Turcs pour se ravitailler. Une fois ceux-ci privés de leur approvisionnement, Lawrence a poursuivi sa guerre d’usure en ordonnant des attaques systématique contre les Turcs qui ne pouvaient guère plus être attaqués, ajoutant ainsi encore à leur désorganisation une peur constante de tomber dans une embuscade. Enfin, Lawrence ajoute une dernière dimension spatiale à cette guérilla en mettant au cœur de ses plans le contrôle de lieux certes peu nombreux mais éminemment stratégique comme les routes, les carrefours et des puits de façon à ce que ses troupes puissent se rassasier au plus tous les deux jours sans pour autant gaspiller ses forces et permettre à l’ennemi de les fixer. C’est une nouvelle page de l’histoire des conflits qui s’ouvre ici.
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En somme, Guérilla dans le désert constitue un petit manuel, particulièrement novateur au début du siècle précédent dans la mesure où il introduit le concept de guerres asymétriques à une époque où – comme en Europe – les batailles étaient frontales, presque rangées et coûteuses non seulement en hommes mais aussi en matériels et en énergies. Une bonne introduction pour quiconque s’intéresse à la guérilla, en particulier au XXe siècle ou tout simplement à Lawrence d’Arabie.