<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Systèmes de santé en Europe : des contrastes

12 novembre 2020

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Systèmes de santé en Europe : des contrastes

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Le Covid-19 a mis en évidence la plus ou moins grande fragilité, ou solidité, des systèmes de santé. Celle-ci s’apprécie, dans ce contexte, à leur capacité à encaisser le pic épidémique sans que les structures, en particulier hospitalières, ne soient débordées. C’est en gardant une totale disponibilité de tous les moyens, diagnostics et thérapeutiques, quelle que soit la pathologie. L’épidémie a aussi mis en évidence la plus ou moins mauvaise ou bonne gestion par les États. Cette gestion étant le principal facteur de réussite ou d’échec dans la prise en charge de l’épidémie. La principale cause de mortalité n’est pas liée au virus, mais aux décisions des gouvernements. Le gouvernement français s’étant illustré par sa gestion désastreuse, qui a entraîné la mort de personnes qui n’auraient pas dû mourir, qui a ruiné l’économie et qui a été le prétexte à une réduction des libertés publiques.

La gestion des systèmes de santé en Europe est très diversifiée en fonction des pays : certains sont très étatisés, d’autres très peu, certains sont restés bloqués depuis leur création, d’autres ont été réformés et adaptés. Nous nous limiterons ici à la présentation de quelques-uns d’entre eux afin d’illustrer cette diversité européenne. Ce que montre cette comparaison, c’est qu’il n’y a pas de lien direct entre « dépenser plus » et « soigner mieux ». Plusieurs pays ont de meilleurs résultats sanitaires avec des dépenses moins importantes. Les Français connaissent à peu près bien leur « Sécu ». Ils y sont, à tort ou à raison, très attachés, mais ils connaissent moins les systèmes de santé de leurs voisins.

Grande-Bretagne

Le système de santé anglais est très étatisé. Il a été conçu dans les années 1940 par lord Beveridge qui voulait créer un système assurant une véritable « sécurité sociale » : revenus, emplois, santé, retraite, etc. Son but était de protéger tous les citoyens contre les aléas de la vie. C’est ce système qui a inspiré les gaullistes et les communistes à la Libération. Beveridge mit en place le National Health Service en 1948. Ce système est financé par l’impôt. Il a connu une augmentation massive de ses ressources au cours des dernières années, atteignant un dixième du PIB en 2010 (contre 5 % dans les années 1980). Le fonctionnement du NHS, très rigide au départ, a été assoupli sans pour autant faire vraiment une plus grande place au privé. Les Britanniques sont très attachés au NHS qui pourtant a eu des difficultés dès le début. Il y a bénéficié de plusieurs « réformes », toutes paramétriques. Les réformes de Margaret Thatcher n’ont pas eu l’audace de ses réformes politiques et économiques. Elles avaient transféré les compétences de gestion aux médecins généralistes, les GPs (GP-fundholders), qui disposaient d’un budget annuel leur permettant d’acheter les soins nécessaires aux populations du secteur dont ils avaient la charge. Chaque patient résidant au Royaume-Uni est libre de choisir son médecin traitant parmi ceux agréés par le NHS de son lieu de résidence. Les soins sont gratuits. Lorsque l’intéressé s’adresse à un médecin privé non agréé par le NHS, il ne peut obtenir aucun remboursement. Le spécialiste ne peut, en règle générale, être consulté que sur demande écrite du médecin généraliste. L’hospitalisation se fait normalement sur prescription du médecin généraliste, sauf en cas d’urgence. Le patient peut choisir l’hôpital agréé par le NHS dans lequel il souhaite recevoir ses soins. Les séjours dans ces hôpitaux sont gratuits. À l’opposé de la Grande-Bretagne, les Pays-Bas ou l’Allemagne n’ont pas hésité à entreprendre des réformes de fond.

Pays-Bas

Les Pays-Bas ont profondément réformé le fonctionnement de leur assurance maladie. Le 1er janvier 2006, les caisses publiques d’assurance maladie ont été supprimées. Tous les assurés sont obligés de souscrire à l’assurance privée de leur choix. Afin de garantir une assurance aux plus démunis et aux plus jeunes, un mécanisme de solidarité a été conservé : une cotisation patronale est destinée à alimenter un fonds pour subventionner les ménages les plus pauvres et les assurés mineurs. Les assureurs privés ont l’interdiction de distinguer les primes d’assurance selon les risques. La prime est modulée en fonction de la franchise choisie. Pour un même contrat d’assurance, tous les assurés payent une prime identique. Pour éviter que cela conduise au phénomène de « chasse aux bons risques », il existe un fonds de péréquation. Aux Pays-Bas, les risques sont différenciés sur la base de plus de 90 critères, et un fonds central de solidarité collecte les cotisations des assurés, avant de verser aux assureurs des paiements par capitation, corrigés en fonction des risques de leurs assurés. Les fonds sont réalloués aux caisses au début de chaque exercice, ce qui contraint les assureurs à anticiper et maîtriser les dépenses puisqu’elles ne recevront plus de fonds jusqu’au début de l’exercice suivant. Les assureurs sont libres de négocier directement et individuellement avec chaque prestataire afin d’obtenir des prix inférieurs aux tarifs conventionnés. Depuis 2006, la création d’un système universel d’assurance maladie a entraîné une concurrence régulée entre différents assureurs en santé et le gouvernement n’a conservé qu’un rôle de superviseur et de facilitateur des marchés de la santé. La tendance à la décentralisation croissante des soins de santé et des services sociaux, en particulier ceux destinés aux personnes âgées et aux patients atteints de maladies chroniques, a créé un rôle plus important pour les municipalités. La loi facilite la possibilité pour les assurés de changer d’assureur.

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Allemagne

En Allemagne, une dimension fondamentale du système de santé est le partage des pouvoirs de décision entre les régions (Länder), le gouvernement fédéral et les organisations professionnelles légales. Les autorités compétentes fédérales et régionales délèguent leurs compétences à des institutions de sécurité sociale et à des prestataires de santé. Les relations entre prestataires de soins et assureurs sont réglementées. Les caisses de maladie, leurs associations et les associations de médecins affiliés gèrent le financement et les prestations couvertes par système légal d’assurance maladie. Ils définissent les prestations, les prix et les normes (niveau fédéral). Les négociations se font collectivement entre les assureurs et chaque prestataire et donnent lieu à des conventions tarifaires identiques pour l’ensemble des caisses. Toute la population est soumise à une obligation générale d’affiliation au régime légal d’assurance maladie ou à l’assurance maladie privée (obligation de s’assurer pour l’individu, de contracter pour l’assureur). L’obligation d’affiliation à l’assurance maladie légale ne s’applique pas au salarié dont la rémunération annuelle dépasse 62 550 € (56 250 € pour les membres d’une assurance privée au 31 décembre 2002). Ces personnes doivent obligatoirement contracter une assurance maladie auprès d’un assureur privé si elles n’optent pas pour une assurance volontaire dans le régime d’assurance maladie légale.

Moins de la moitié des personnes éligibles quittent le système public. La raison est simple : bien que le système privé soit comparativement plus rentable, il ne couvre pas les ayants droit. Par ailleurs, il n’est pas possible de revenir au régime général une fois qu’on l’a quitté. D’après le Trésor, l’assurance privée primaire concerne 11 % des assurés et représente 11 % des dépenses totales de santé. Par ailleurs, il n’est pas possible d’imposer des primes plus élevées en fonction des revenus, de l’âge ou des risques. La prime d’assurance est déterminée en fonction des prestations garanties dans le contrat. Elle s’impose ensuite de façon identique à tous les assurés ayant choisi le même contrat. La péréquation des risques est fondée sur une quarantaine de critères dont l’âge, le sexe, la taille de la famille de l’assuré et ses revenus.

La réforme a permis de regrouper les équipes médicales et équipements médicaux par spécialités afin de bénéficier d’économie d’échelle et de gains de productivité. Les hôpitaux déficitaires ont été mis sous tutelle et restructurés, ce qui a donné lieu à une baisse du nombre d’hôpitaux publics de 15 % entre 2003 et 2007 compensées par une hausse de 19 % des hôpitaux privés. En Allemagne, il existe une plus forte densité d’hôpitaux dans les zones où l’opérateur est privé. Les institutions privées investissent beaucoup plus dans l’équipement que les institutions publiques. Les hôpitaux privés assurent un traitement moderne et réduisent les coûts d’exploitation grâce à l’utilisation efficace des nouvelles technologies. Les patients sont pris en charge plus rapidement. Les hôpitaux privés ont des résultats qualité supérieurs aux publics. En ce qui concerne le financement, la réforme Merkel a institué un fonds de péréquation destiné à récolter les cotisations et les redistribuer aux caisses en fonction des risques qu’elles supportent. Les montants alloués par le fonds sont versés aux caisses sous forme de forfait au début de chaque exercice afin de renforcer l’incitation à la maîtrise des budgets. La péréquation est moins précise qu’aux Pays-Bas et les caisses soumises à concurrence sont en majorité publiques. La concurrence dans la négociation des tarifs et des services avec les prestataires est inexistante puisque les conventions se font collectivement. L’État continue de subventionner le régime.

 

Suisse

En Suisse, le régime d’assurance primaire obligatoire est entré en vigueur en 1996. Le régime public représente 43 % des dépenses totales de santé. Les assureurs sont libres de fixer les montants des primes. L’assurance maladie obligatoire est le payeur le plus important du système de santé. Depuis la création de la fédération des assureurs (LAMal), tous les assureurs maladie statutaires sont devenus des sociétés privées. Les assureurs doivent accepter tous les citoyens qui sont disposés à souscrire une assurance auprès de leur compagnie et ne sont pas autorisés à tirer profit de leurs activités sur les contrats primaires. Ils peuvent réaliser des profits sur les assurances complémentaires. Chaque personne résidant sur le sol helvétique doit contracter une assurance maladie de base, auprès de l’assureur de son choix. (En Suisse, un expatrié à trois mois pour choisir une assurance.) Le montant de ses primes mensuelles dépend de la commune dans laquelle elle vit, de son sexe, de son âge et de la franchise choisie. Les assureurs ne sont pas autorisés à discriminer les assurés selon leur niveau de risque. Pour éviter une « chasse aux bons risques », des fonds de péréquations ont été introduits, au niveau cantonal. Ils réallouent les fonds aux assureurs de façon rétroactive. Il y a une franchise à payer pour les premiers soins. En 2010, près de 30 % de la dépense totale de santé était payée directement par les assurés. Cela vient en plus des primes d’assurance. Les patients sans ressource ont le droit à une aide sociale et ne paient pas leurs soins.

Les médecins suisses bénéficient de l’aide des « assistantes médicales ». Formées pendant trois ans, elles s’occupent des patients, se chargent de l’administratif, effectuent les analyses de laboratoire et les examens radiologiques, assistent le médecin lors d’interventions. Les moyens du cabinet médical sont importants : appareil de radiologie, matériel de biologie, box pédiatrique, salle de traitement, salle de type bloc opératoire pour faire de la petite chirurgie.

Les cantons et les communes ont des responsabilités dans plusieurs domaines importants : premièrement, ils sont chargés d’assurer la disponibilité de l’infrastructure des soins de santé, en particulier les hôpitaux, les maisons de repos et les services médicaux d’urgence. Les cantons possèdent la majorité des hôpitaux et financent environ la moitié des coûts des soins hospitaliers. Les municipalités jouent un rôle important dans le domaine des soins de longue durée (cabinets infirmiers et services de soins à domicile) et d’autres services de soutien social pour les groupes vulnérables. Les grandes municipalités et les associations de municipalités peuvent gérer leurs propres hôpitaux. Par ailleurs, ils gèrent un système de prise en charge des primes d’assurance pour les personnes à faible revenu. Enfin, les services de santé scolaires des grandes villes jouent un rôle important en matière de santé publique.

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Géorgie

Le cas de la Géorgie est très intéressant. Ancien pays communiste, il a entrepris de très profondes réformes à partir de 2004. Le gouvernement agit uniquement comme émetteur de chèques d’assurance maladie pour les éléments les plus pauvres de la société. Ces coupons permettent au tiers le plus pauvre de la population de souscrire une assurance santé dans le marché privé. Le système offre à 90 % de la population l’accès à un panier de soins hospitaliers indispensables. Les Géorgiens ont acquis une excellente opinion de leur système hospitalier, quand bien même des progrès restent à accomplir en matière de médecine générale. Les intervenants privés se sont chargés de remettre au niveau l’infrastructure de santé du pays. Plus de 100 établissements médicaux ont été construits ou rénovés. Les indicateurs de santé tels que la mortalité infantile et l’espérance de vie sont en constante amélioration. La libéralisation du système de santé a permis d’attirer des capitaux et des savoir-faire internationaux. La corruption a quasiment disparu. Les prix des services médicaux ont diminué de 40 % en parallèle à la forte modernisation du système.

Quelques chiffres

Pays Dépenses de santé en % du PIB Décès dus au Covid par million d’habitants1 Rang mondial pour les libertés économiques
Grande-Bretagne 9,8 % 620 7e
Pays-Bas 9,9 % 346 7e
Allemagne 11,2 % 111 27e
Suisse 12,2 % 198 5e
Géorgie 8 % 4,3 12e
France 11,3 % 460 64e

Que retenir ?

 

Il est possible de passer d’un système étatique à un système bien plus libre (voire d’un système communiste à un système libre) en peu de temps, pour le plus grand bien-être des populations. Ce n’est pas le montant total des dépenses qui comptent, mais que l’argent soit judicieusement dépensé. L’épidémie de Covid a démontré que les pays qui ont le mieux résisté et qui ont eu le moins de morts ne sont pas ceux qui avaient le plus de dépenses de santé, mais ceux qui avaient le système de santé le plus libre et le plus souple. Outre l’intérêt que représente un bon système de santé pour sa population, celui-ci est aussi un facteur attractif pour les populations étrangères. C’est un argument qui peut être utilisé dans la mobilité des cadres et des travailleurs pour les attirer dans un autre pays. L’efficacité du système de santé devient un argument géopolitique discriminant. La France, qui dispose d’un système très coûteux, moins efficace que ses voisins et rigide, est donc désavantagée dans la compétition européenne pour attirer les meilleurs talents.

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À propos de l’auteur
Patrick de Casanove

Patrick de Casanove

Patrick de Casanove est docteur en médecine et président du Cercle Frédéric Bastiat.
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