La chute du régime de Bachar al-Assad, survenue après plus d’une décennie de guerre civile, a intensifié la fragmentation politique, territoriale et sociale de la Syrie. Ce conflit, marqué par des dynamiques ethniques et religieuses complexes, a redessiné la carte du pays. Les Arabes sunnites, les alaouites, les Kurdes, les chrétiens levantins, les Druzes, et d’autres minorités redéfinissent leurs territoires et leurs influences, ancrant davantage les clivages identitaires et confessionnels d’une Syrie fragmentée.
Recomposition territoriale
La chute d’Assad a mis fin à une centralisation autoritaire basée à Damas, créant un vide institutionnel comblé par des entités locales et des groupes armés. Les Arabes sunnites, autrefois majoritaires et dominants, conservent leur prédominance démographique dans le centre et l’est de la Syrie, notamment à Raqqa et Deir Ezzor, mais leur influence politique est éclatée entre différentes factions. Dans le nord-ouest, Hayat Tahrir al-Cham (HTC), dirigé par Abou Mohammed al-Joulani, contrôle une grande partie de la région d’Idleb. HTC a consolidé son emprise en se positionnant comme une force pragmatique cherchant à coopérer avec certains acteurs régionaux, bien qu’il demeure classé comme organisation terroriste par plusieurs pays.
La guerre civile avait provoqué provoqué des déplacements massifs de populations non-sunnites, fuyant les zones contrôlées par les rebelles, comme Idleb, pour rejoindre des régions perçues comme plus sûres. Les chrétiens levantins se sont repliés autour de Damas et dans les montagnes du sud-ouest. Les druzes demeurent concentrés dans le Jabal al-Druze et les régions proches du plateau du Golan.
Les alaouites, musulmans chiites, identifiés en vert sur la carte, continuent de contrôler les régions côtières de Lattaquié et Tartous, bastions historiques de cette communauté. Bien que fortement affaiblis par la chute du régime, ils maintiennent leur présence grâce à des réseaux de soutien communautaire et à une alliance persistante avec certains segments pro-iraniens. Toutefois, leur rôle national a été considérablement réduit.
Dans le nord-est, les Kurdes ont consolidé leur position autour de leur administration autonome du Rojava, en jaune sur la carte. Ce territoire, structuré politiquement et militairement, reste un acteur incontournable dans la recomposition syrienne. Cependant, leur quête d’autonomie suscite de fortes tensions avec la Turquie, qui perçoit cette montée en puissance comme une menace directe à ses propres intérêts. Les incursions turques dans les zones frontalières kurdes exacerbent une instabilité régionale déjà critique.
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Recomposition démographique
La situation démographique en Syrie reste difficile à évaluer précisément. Depuis 2018, les zones contrôlées par les rebelles, comme Idleb, ont vu une arrivée massive de populations sunnites radicalisées, en faveur de la charia. Ces personnes, arrivées dernièrement à Damas, sont confrontées à des réalités sociales très différentes, comme la présence de chrétiens (en particulier des femmes non voilées), ce qui exacerbe les discriminations envers ces minorités. Par ailleurs, plusieurs millions de Syriens avaient fui le régime de Bachar al-Assad au cours de la guerre civile. Depuis sa chute, un grand nombre d’entre eux commencent à revenir. Ce retour massif modifie d’autant plus l’équilibre démographique des régions urbaines.
De même les villes historiquement mixtes, telles que Hama et Alep, ont vu leur composition démographique profondément modifiée. Cette recomposition entérine une fragmentation durable du tissu social syrien. Les communautés déplacées, privées de leurs territoires, subissent une marginalisation accrue, tandis que l’instabilité structurelle alimentée par ces déplacements limite les perspectives de reconstruction nationale. La balkanisation du pays complique tout projet de stabilisation.