De juin à août 1944, de nombreuses opérations « commandos » furent conduites par les SAS, ces hommes du Special Air Service, français appartenant aux Forces françaises libres. Déployés dans la nuit du 5 au 6 juin 1944 sur le territoire breton, ces soldats d’élite ont joué un rôle clé dans la réussite du Débarquement de Normandie.
La création du 3rd SAS et du 4th SAS, soit du 3e RCP et du 2e RCP
C’est d’abord en janvier 1942 que le major britannique Archibald Stirling (1915-1990), fondateur et chef des Special Air Service (SAS), intègre à sa SAS Brigade les premiers parachutistes de France libre de la 1re compagnie d’Infanterie de l’air, sous le commandement du capitaine Georges Bergé. Tout au long de l’année 1942 et 1943, il effectue des missions de renseignement, de sabotage et de harcèlement sur des théâtres d’opérations multiples, souvent dernières les lignes ennemies. En novembre 1943, les parachutistes français vont se diviser en deux bataillons d’infanterie de l’air : le 3e BIA (3rd SAS), sous les ordres du capitaine Pierre Chateau-Jobert, et le 4e BIA (4th SAS), sous les ordres du commandant Pierre-Louis Bourgoin. Ils deviendront par la suite, dès avril 1944, le 3rd et 4th SAS Regiment, et seront placés sous le commandement du général Roddy McLeod.
L’Opération Fortitude
L’opération Fortitude est une grande opération de désinformation menée par les Alliés dans les années et les mois qui précèdent le Débarquement de juin 1944. Le but de cette opération a été de faire croire à un débarquement des forces alliées vers le Pas-de-Calais, ou du moins que le débarquement de Normandie n’était qu’un débarquement diversif, afin de retarder au maximum l’arrivée des renforts allemands sur le front normand.
C’est notamment dans le cadre de cette opération que le haut commandement allié choisit d’envoyer 450 soldats français en Bretagne afin de déstabiliser les troupes allemandes et leur possible avancée vers la Normandie. Dans son ensemble, l’opération Fortitude devait faire douter les forces allemandes et limiter leurs capacités de réponse.
Les opérations du commando
Le 5 juin 1944, à l’aube du plus grand débarquement de l’histoire, environ 36 commandos du 4th SAS Regiment sont parachutés en Bretagne. Divisés en différents sticks regroupant 3 à 5 soldats, deux groupes de 18 commandos sont parachutés et avec un rôle bien défini : ce sont les opérations Dingson et Samwest.
L’opération Dingson
Vers 22h30 heure locale, dix-huit commandos du 4th SAS Regiment, sous les ordres des lieutenants Pierre Marienne et Henri Duplante, sont parachutés entre Plumelec et Guéhenno (dans le Morbihan). Alors qu’ils recherchent leur matériel parachuté avec eux, le caporal Emile Bouétard, ainsi que trois autres membres de son équipe radio, sont décelés par des troupes allemandes et sont faits prisonniers. Blessé, Émile Bouétard, né à Pleudihen-sur-Rance, près de Saint-Malo, sera achevé sur place par les Allemands, devenant ainsi le premier soldat tué lors de l’opération Overlord. Pierre Marienne est obligé de se disperser avec ses hommes dans les alentours de Saint-Jean-Brévelay. Le matin du 6 juin 1944, il prend contact avec des résistants locaux et sera orienté vers le maquis de Saint-Marcel, fort d’environ 2 500 hommes dont il prend le commandement. Très rapidement, le maquis devient un centre d’approvisionnement et une base d’attaques importante dans la région. Dans la nuit du 10 au 11 juin, le commandant Pierre-Louis Bourgoin, commandant le régiment, rejoint le maquis de Saint-Marcel. En l’espace de seulement deux semaines, 160 parachutistes du 4th SAS Regiment sont largués sur zone avec du matériel (des jeeps, des mitrailleuses) et des vivres.
Le 18 juin 1944, un important convoi de forces allemandes donne l’assaut contre le maquis de Saint-Marcel. La bataille de Saint-Marcel fait rage, et, malgré un soutien aérien allié important pour retarder l’arrivée du convoi allemand, les maquisards sont rapidement en sous-nombre. Après une journée de combat, les 3 000 résistants et parachutistes présents sur place profiteront de la nuit pour se replier. Blessé à la tête, Pierre Marienne, qui vient de gagner son surnom du « Lion de Saint-Marcel » pour ses actes d’héroïsme au cours de la bataille, se replie dans les alentours de Plumelec, avant d’être finalement capturé puis exécuté par les Allemands le 12 juillet 1944.
L’opération Samwest
La deuxième opération menée concomitamment par dix-huit autres commandos sera appelée opération Samwest. Sous les ordres des capitaines Deschamps et André Botella, les commandos furent parachutés, dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, à une trentaine de kilomètres de Guingamp. Ils eurent comme première mission d’établir une base dans la péninsule bretonne, afin de regrouper et d’organiser les actes de renseignement, de sabotage et de harcèlement sur les réseaux de transport allemands. Le débarquement de parachutistes (114 parachutistes français), de matériels et de vivres se fera jusqu’au 12 juin, date de l’offensive allemande face aux SAS, qui aura pour cause de les faire évacuer en direction du Morbihan. Ils rejoindront par la suite la base d’opérations Dingson.
Autres opérations annexes
Dans le cadre de l’opération Cooney Parties, 58 parachutistes français sont déployés sur le sol breton dans la nuit du 7 au 8 juin 1944. À leur arrivée dans le Morbihan et dans les Côtes-d’Armor, ils avaient pour mission de déstabiliser les réseaux électriques, les réseaux de communication et les réseaux ferrés de la Bretagne. Une fois cette mission remplie, leur tâche était de se rapatrier vers les bases Dingson (le maquis de Saint-Marcel) et Samwest afin de se réarmer et de participer à d’autres missions de sabotages des réseaux potentiellement utiles aux forces allemandes.
À partir du 13 juin 1944, le capitaine Deplante quitte la base Dingson dans le cadre de l’opération Grock. Au cours de celle-ci, son rôle est de fournir du matériel à des bataillons FFI (Forces françaises de l’Intérieur) et FTP (Francs-tireurs et partisans) et former les troupes aux nouvelles armes de guerre.
Dans la nuit du 22 au 23 juin 1944, l’opération Lost, menée sous le commandement du major britannique Carry Elwes, vise à reprendre contact avec les SAS du commandant Bourgoin à la suite de leur dispersion dans la nuit du 18 au 19 juin. L’équipe parachutée était chargée de rendre compte des forces SAS encore présentes ainsi que de renflouer l’équipe du capitaine Marienne.
La fin des opérations et les pertes alliées
Dans la nuit du 4 au 5 août 1944, 82 parachutistes français du 3rd SAS, sous les ordres du capitaine Sicaud, sont largués dans le Finistère afin de préparer la libération du territoire, en vue de l’avancée des forces alliées. À la suite de la percée d’Avranches par les forces alliées et l’insurrection déclenchée par la Résistance, la totalité de la Bretagne se retrouve libre, à l’exception des ports de Brest, Lorient et Saint-Nazaire.
Parmi les 450 membres du 4th SAS engagés en Bretagne, 70 furent tués et 197 blessés. Les Forces françaises de l’intérieur (FFI) et les Francs-tireurs et partisans (FTP), soutenus par les SAS, subirent également de lourdes pertes : 116 morts, dont une trentaine dans le maquis de Saint-Marcel. Renforcé par des volontaires FFI bretons, le 4th SAS reçut comme mission de suivre la Loire pour libérer les populations locales et repousser les Allemands tandis que le 3rd SAS fut renvoyé en Angleterre, prêt à de nouveau être parachuté en France.
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