Au milieu de la guerre de Trente Ans, le siège de La Rochelle est un événement important pour le XVIIe siècle. Alors que la ville protestante vient défier l’absolutisme royal, Louis XIII envoie son principal ministre, le cardinal de Richelieu, pour mettre fin à la rébellion.
En avril 1598, après plus de 30 ans de guerres de religion en France, le roi Henri IV, tout récemment converti au catholicisme, décide de signer l’édit de Nantes. Cet édit de tolérance permet le retour de la paix dans un pays déchiré depuis 1562 entre les protestants calvinistes et les catholiques. L’édit apaise alors les tensions entre les deux camps, tout en accordant aux protestants des droits religieux, civils et politiques, ainsi qu’une soixantaine de lieux de sûreté dans tout le pays. S’il a le mérite de ramener la paix dans le pays, l’Édit de Nantes permet aussi aux cités protestantes de devenir de véritables « États dans l’État ».
La Rochelle devient alors la place forte de la religion protestante en France, avec une population très majoritairement protestante (18 000 sur les 28 000 habitants de la ville). De par sa proximité et son orientation religieuse, elle est en relation avec l’Angleterre et les Provinces-Unies. En mai 1621, la ville portuaire proclame son indépendance et établit une « Nouvelle République de La Rochelle ».
Craignant que la ville devienne puissante et qu’elle puisse étendre son influence à l’ensemble du territoire français, Louis XIII (roi de France depuis la mort d’Henri IV en 1610) voit d’un mauvais œil cette opposition protestante qui commence à se soulever contre le roi, sous l’influence de leur voisin anglais.
Le 12 juillet 1627, le duc de Buckingham mène une armée forte d’une centaine de navires et d’environ 6 000 soldats anglais au large de l’île de Ré pour assiéger Saint-Martin-de-Ré et soutenir les huguenots de La Rochelle dans leur rébellion. Le roi de France réplique en y envoyant son armée, menée par son principal ministre, le cardinal de Richelieu.
Le siège de La Rochelle par les troupes royales
Le 10 septembre 1627, en réaction au déploiement des forces du duc de Buckingham et à l’insubordination des protestants, Richelieu ordonne le siège du bastion protestant en France. L’armée royale, forte de près de 20 000 hommes, commence le siège de la ville et renforce les îles de Ré et d’Oléron. Installé en face de la ville, il organise un blocus de la place forte protestante en installant un réseau de forts interconnectés autour de la ville pour empêcher tout ravitaillement.
Mais ce que craint le plus le cardinal, c’est le soutien des Anglais aux protestants de La Rochelle. C’est pourquoi, en plus d’un blocage terrestre, Richelieu ordonne, le 30 novembre 1627, la construction d’une digue, afin d’empêcher le ravitaillement de la ville par les navires anglais. S’appuyant sur pas moins de 59 bateaux remplis de pierre et coulés, 4 000 ouvriers s’attardent à l’édification d’une digue haute de vingt mètres et qui s’étend sur plus de 1 500 mètres de long, le tout renforcé par des canons et des pieux qui en empêchent toute approche par les navires anglais. Ainsi, le port de La Rochelle se retrouve très vite sans aucun soutien de l’extérieur, malgré les nombreux efforts de la flotte anglaise.
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La déroute anglaise
Les opérations de la flotte anglaise au large de La Rochelle se divisent en trois expéditions qui furent chacune plus catastrophique.
La première expédition anglaise est menée par une flotte de 80 navires, menée par le Duc de Buckingham dès juillet 1627 contre la ville fortifiée de Saint-Martin-de-Ré, sur l’île de Ré. Cette dernière, restée fidèle au roi Louis XIII, est défendue par Jean de Toiras et résiste au siège imposé par la marine anglaise. Décimées par la maladie, les troupes britanniques perdent beaucoup d’hommes, et sur les 6 000 marins envoyés en juillet, seuls 2 000 sont de retour lors de la levée du siège par le duc de Buckingham le 8 novembre 1627. Malgré cette première déroute, la flotte anglaise va tout de même essayer de venir en aide aux habitants de La Rochelle.
La deuxième expédition anglaise, composée de 60 navires, est dirigée par le comte de Denbigh, William Feilding. Arrivée en mai 1628 au large de la ville portuaire, la flotte anglaise repart aussitôt pour Portsmouth, sans s’être battue. William Feilding se justifiera en affirmant que sa mission n’était pas de mettre en danger les vaisseaux du roi « dans un combat incertain ».
Enfin, une troisième flotte anglaise est envoyée en août 1628, cette fois-ci sous les ordres du comte de Lindsey, l’amiral Robert Bertie. Cette flotte, composée de 29 navires de guerre et de 31 navires marchands, avait pour but de forcer la digue mise en place au large du port et de délivrer des vivres à la population de la ville assiégée. Ce nouvel échec des Anglais marque la fin des espoirs des habitants de La Rochelle qui, affamés après des mois de siège, sont contraints de se rendre et d’implorer le pardon du roi de France.
Une résistance farouche
La résistance de La Rochelle fut surtout l’œuvre de son maire, Jean Guiton, élu en 1628. Il incarne la résistance de la religion réformée contre l’absolutisme de Louis XIII dans la ville portuaire. Alors qu’il est institué à la mairie de La Rochelle, en plein milieu du siège, il fait le serment de tuer le premier qui parlerait de se rendre, en affirmant : « Pourvu qu’il reste un homme pour fermer les portes, c’est assez ! ». Les vivres commencent à se faire rares dans la ville, et la décision est prise de faire sortir de l’enceinte de la ville les « bouches inutiles ». Le reste de la population se nourrit alors de rats, de chiens et de chevaux, et continue d’opposer à Louis XIII une vive et farouche résistance, jusqu’à la capitulation le 30 octobre 1628.
Sur les 28 000 habitants au début du siège, la population de la ville en octobre 1628 est réduite à environ 5 400 habitants, qui durent même pratiquer le cannibalisme pour survivre.
La fin du siège et le pardon du roi
Le 27 octobre, les représentants de la ville assiégée rencontrent le cardinal de Richelieu. S’ils ne peuvent pas négocier au nom du parti huguenot, ils signent tout de même la capitulation et le port de La Rochelle est remis au roi, perdant ainsi la plupart de ses privilèges et de ses libertés. Louis XIII entre en vainqueur dans la ville le 1er novembre 1628 et y signe, deux jours plus tard, un édit royal qui règle le sort de la ville.
Les termes de l’édit de Nantes sont respectés et la ville garde le libre exercice de la religion protestante. Néanmoins, la capitulation des protestants est inconditionnelle et les murailles de la ville sont rasées, tandis que la paix d’Alès, signée quelques mois plus tard en 28 juin 1629, retire aux huguenots leurs droits politiques, militaires et territoriaux.
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