Les dirigeants sud et nord-coréen Moon Jae-in et Kim Jong-un se sont écrit pour parvenir à un rapprochement. Des sources gouvernementales sud-coréennes parlent d’une volonté de reconstruire le bureau de liaison conjoint de Kaesong, détruit par Pyongyang l’année dernière.
Reuters pour le South China Morning Post, 28 juillet 2021, article original à lire ici.
Traduit par Alban Wilfert pour Conflits
Corée du Nord et Corée du Sud sont en pourparlers en vue de la réouverture d’un bureau de liaison conjoint que Pyongyang a démoli et de l’organisation d’un sommet. Cela s’inscrit dans la lignée des efforts visant au rétablissement de relations, ont déclaré mercredi trois sources gouvernementales sud-coréennes au fait de la question.
Dans un échange de lettres en cours depuis le mois d’avril, le président sud-coréen Moon Jae-in et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un ont sondé les moyens de détendre les relations, selon des sources qui, étant donné la sensibilité diplomatique du sujet, ont fait le choix de l’anonymat.
Les discussions indiquent une amélioration des liens qui s’étaient détériorés l’année passée, après les promesses de paix et de réconciliation issues des trois sommets de 2018.
Ces tractations nord-coréennes pourraient également contribuer à relancer les négociations bloquées entre Pyongyang et Washington, discussions visant à démanteler les programmes nucléaires et balistiques de la Corée du Nord en échange d’un allègement des sanctions.
C’est une question essentielle pour M. Moon, dont la dernière année de mandat est marquée par une baisse de popularité. L’héritage de ce chef d’État qui a amélioré les relations avec le Nord et contribué à l’organisation de rencontres historiques en 2018 et 2019 entre M. Kim et le président des États-Unis d’alors, Donald Trump, est en jeu.
Les deux Corées, qui sont toujours techniquement en guerre étant donné que seul un cessez-le-feu a mis un terme aux hostilités de 1950-1953, ont reconnecté les lignes de communication coupées par le Nord en juin de l’année dernière.
Deux sources font état de discussions quant à la reconstruction du bureau de liaison conjoint à Panmunjeom, village de l’armistice proche de la frontière. En 2020, Pyongyang a détruit avec fracas l’ancien bureau dans la ville frontalière de Kaesong. Ils cherchent également à organiser un sommet entre MM. Moon et Kim, mais aucun calendrier ou autre détail n’a pour l’heure été évoqué, pandémie de coronavirus oblige, ont précisé les sources.
La Corée du Nord n’a confirmé aucun cas de Covid-19, mais elle a fermé ses frontières et imposé des mesures de prévention strictes, qualifiant la pandémie comme une question de survie nationale.
« Les discussions sont toujours en cours, et le Covid-19 devrait en constituer le facteur le plus important », déclare une source. « Une rencontre en personne serait idéale, mais, avec un peu de chance, la situation ira en s’améliorant ». Contacté, l’entourage de M. Moon n’a pas souhaité commenter. Mardi, son secrétaire de presse Park Soo-hyun a déclaré qu’il fallait discuter du rétablissement du bureau de liaison et que, pour l’heure, les dirigeants n’envisageaient pas de sommet.
Une autre source a indiqué qu’un sommet virtuel n’était pas une option à exclure. Cela dépendrait alors de la disposition de la Corée du Nord à organiser une rencontre en personne dans le contexte de la pandémie. « Si nous pouvons le faire et que le Nord y est prêt, cela permettrait de faire bouger les choses et ouvrirait bien des fenêtres d’opportunité, ce qui contribuerait à relancer les discussions avec les États-Unis ».
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Des lettres « franches »
Moon Jae-in avait déjà appelé à la reprise des lignes directes et proposé un sommet par visioconférence avec Kim Jong-un, mais Pyongyang avait déjà répondu publiquement par des critiques cinglantes, affirmant qu’il n’avait aucune intention de parler à Séoul.
À en croire notre première source, les chefs d’État ont échangé des lettres « franches » à plus de dix reprises, ce qui a conduit à l’ouverture d’un canal de communication entre les services de renseignement de Séoul et la sœur du dirigeant de Pyongyang, Kim Yo-jong. Bien que « des hauts et des bas » se soient fait jour dans les échanges, les deux parties ont convenu pendant le week-end d’effectuer un premier pas en réactivant les lignes directes.
Au vu de cette décision, M. Kim semble avoir la volonté de répondre aux suggestions d’échanges faites par les États-Unis, à l’heure où l’administration du Président Joe Biden a promis d’adopter une approche pratique de la question et de ne pas nommer d’envoyé pour les questions relatives aux droits de l’Homme en Corée du Nord, indique notre source.
« Quelques éléments tangibles sont là, comme la poursuite d’une approche progressive, pas-à-pas, et la nomination d’un négociateur sur le nucléaire plutôt que d’un envoyé pour les droits de l’Homme », ajoute-t-elle. « Après tout, Washington a dévoilé sa politique et le Nord ne peut rester les bras croisés, aussi les liens intercoréens apparaissent-ils comme un point de départ ».
Antony Blinken, secrétaire d’État américain, avait déclaré en juin que l’administration Biden était déterminée à nommer un envoyé pour les droits de l’Homme en Corée du Nord, mais sans proposer de calendrier.
L’ambassade des États-Unis à Séoul s’est refusée à tout commentaire, renvoyant les questions au département d’État, lequel n’a pas répondu immédiatement aux demandes de commentaires.
Mardi, le département d’État a salué les efforts visant à améliorer les relations entre les deux Corées. « C’est une étape positive », écrit-il dans un communiqué. « La diplomatie et le dialogue sont essentiels pour parvenir à une dénucléarisation totale et à une paix définitive sur la péninsule coréenne ».
Une troisième source a affirmé que la réouverture des lignes directes n’a été annoncée que faute de progrès significatifs sur d’autres questions, notamment celle des excuses du Nord pour avoir fait exploser le bureau de liaison.
Frappée par la pandémie et les typhons de l’année dernière, la Corée du Nord est confrontée à la pire crise économique depuis la famine des années 1990, laquelle a causé 3 millions de morts. Toutefois, on ne relève que peu de décès dus à la faim selon notre première source : le pays bénéficie d’une aide chinoise et du déblocage de réserves militaires et d’urgence.
La Corée du Nord devrait reprendre ses échanges avec la Chine dès le mois d’août, notamment par le biais de services de trains de marchandises. Elle avait abandonné ses projets en avril, notamment en raison des inquiétudes suscitées par les variants du Covid-19, plus contagieux, a indiqué la source.
Contacté, le ministère des Affaires étrangères de Pékin n’a pas immédiatement voulu commenter, et les appels à l’ambassade de Chine à Séoul sont restés sans réponse.
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