Grand nom mondial de l’industrie pharmaceutique, Sanofi s’est taillé une place de choix sur le marché du médicament. Cette entreprise a su allier ambitions internationales, stratégie d’implantation et diversification de ses activités pour parvenir, hier à exister, aujourd’hui à dominer bien des secteurs du monde médical.
Si la pandémie de Covid-19 a eu des impacts négatifs sur de nombreuses entreprises françaises, celles à caractère pharmaceutique en ont bénéficié. Et parmi elles, Sanofi. Créée il y a près d’un demi-siècle par Jean-René Sautier, elle est devenue un des leaders mondiaux sur le marché des vaccins humains et des traitements contre le diabète. Forte de son statut de septième opérateur mondial de l’industrie pharmaceutique, elle possède une répartition géographique équilibrée de son chiffre d’affaires et dispose d’une présence significative sur les marchés émergents. Le tout soutenu par un budget recherche et développement (R&D) en constante augmentation depuis cinq ans. Autant d’éléments qui permettent de prendre la mesure de son importance et de ses ambitions.
Une entreprise française aux ambitions internationales
Dans un but de diversification de son activité, la société d’extraction pétrolière ELF Aquitaine crée, en 1973, une filiale spécialisée dans le secteur de l’hygiène et de la santé, qui prend le nom d’Omnium financier Aquitaine pour l’hygiène et la santé. Sanofi était née. Cette nouvelle start-up de dix employés grandit rapidement au fil des acquisitions de parts d’entreprises pharmaceutiques, avec notamment une prise de participation de 51 % dans l’Institut Pasteur production en 1980. C’est par ailleurs à l’aube des années 1980 que Sanofi fait son entrée en Bourse et devient un groupe fort de 120 sociétés (60 françaises et 60 étrangères). Mais c’est certainement l’acquisition, en 1994, de la spécialisation des activités des médicaments sur ordonnance de Sterling Winthrop Pharmaceuticals, qui lui offre une ampleur internationale.
En 1999, Sanofi et la filiale pharmaceutique de L’Oréal, Synthélabo, fusionnent leurs groupes. Sanofi-Synthélabo devient alors le nouveau leader de la pharmacie en France. Sur sa lancée, le groupe acquiert l’entreprise agrochimique et pharmaceutique Aventis en 2004, ce qui permet au nouveau Sanofi-Aventis de devenir le troisième groupe mondial de la pharmacie. Et ce, en à peine trente ans d’existence.
A écouter également : Podcast : Géopolitique de la santé. Patrick de Casanove
Le succès appelant le succès, le groupe acquiert, en 2011, l’entreprise américaine Genzyme, spécialisée dans les biotechnologies. Il change de nom : Sanofi-Aventis redevient Sanofi. Toujours sur le territoire des États-Unis, en 2015, Sanofi entame une collaboration avec Google Life Sciences, département du géant numérique qui regroupe toutes les activités liées à la santé, afin d’améliorer les résultats cliniques dans le diabète. Notons également deux autres acquisitions : celle de 2018 avec l’achat des entreprises américaine Bioverativ, spécialisée dans le traitement de l’hémophilie, et belge Ablynx, spécialisée dans les nanobodies ; et celle de 2020 avec l’acquisition de la société américaine de biotechnologie Synthrox.
Ces différentes acquisitions ou partenariats, dont ne sont citées ici que de bien maigres illustrations, mettent en lumière les ambitions de ce nouveau géant français. Disposant en 2020 d’un chiffre d’affaires de près de 36 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de 22 % en dix ans, Sanofi se positionne aujourd’hui comme le premier groupe pharmaceutique européen. Son résultat net, atteignant aujourd’hui 12 milliards d’euros, a été multiplié par six par rapport à 2019. D’autre part, et signe de son envergure, le groupe emploie pas moins de 100 000 personnes et est implanté dans 32 pays, via 73 sites de production. Mais ces chiffres cachent une tout autre réalité. En effet la crise sanitaire nous a rappelé que ses principaux concurrents, que sont l’américain Pfizer, les suisses Roche et Novartis, et l’anglais Glaxosmithkline, demeurent toutefois devant Sanofi et ce, dans bien des domaines.
La pandémie de Covid-19 profite-t-elle aux intérêts de l’entreprise ?
Début 2020, Sanofi se lance dans le développement de deux vaccins. Mais dans cette course effrénée au sérum, qui en fait par ailleurs un enjeu géopolitique de taille, le géant français est à la peine. Sur la production de vaccins, l’entreprise est doublée par les américains Pfizer/BioNTech, Moderna, et probablement par l’allemand Curevac avec la technologie ARNm, mais aussi par le britannique AstraZeneca. Si la pandémie a certainement permis à Sanofi d’engranger de nouveaux bénéfices, elle a également mis en relief ses limites et ses faiblesses. Sa forte dépendance au chiffre d’affaires des blockbusters (les médicaments à succès du groupe représentent près de 20 % de son chiffre d’affaires) et la montée en puissance de la concurrence en sont des illustrations. L’accroissement du nombre de cyberattaques comme revers de la surnumérisation de l’industrie et le développement de la contrefaçon peuvent également être un frein, sinon une menace, au développement du groupe.
A lire également : Les laboratoires pharmaceutiques n’échappent pas aux cyberattaques
Un élément doit toutefois nous alerter sur la stratégie de Sanofi. Le 13 mai 2020, le directeur général du groupe, Paul Hudson, déclare que le gouvernement des États-Unis « a le droit aux plus grosses pré-commandes », si les recherches sur un vaccin contre la Covid-19 débouchent. Cette situation révèle, plus qu’aucune autre, l’opportunisme du groupe français. Fort de ses nombreux débouchés sur le continent nord-américain, l’entreprise se devra sans doute d’accentuer ses efforts en direction des États-Unis, ce qui pourrait l’obliger à délaisser une partie de ses implantations françaises. Dans le monde médical, le pragmatisme est encore roi.
Il y a également le problème des effectifs humains. En effet, Sanofi a vu son nombre d’employés diminuer au cours des cinq dernières années. En 2016, le groupe possédait 113 816 personnels, un chiffre qui atteint aujourd’hui 100 409. Et la pandémie y est pour quelque chose.
A lire également : Pharmacie : un atout français
Mais avec la hausse du vieillissement de la population et le développement des médicaments, les activités de Sanofi sont appelées à croître. C’est également avec l’ouverture de nouveaux marchés à travers le monde, l’essor d’outils industriels modernes et l’arrivée du big data et des technologies numériques, que le groupe se renforcera tant ces opportunités sont autant de moteurs pour le maintien de sa position. En définitive, et bien que de nombreux défis contraindront inévitablement les ambitions du géant, il peut toutefois compter sur une réserve financière conséquente. Et de ce point de vue, la pandémie y est pour beaucoup.
Une implantation territoriale stratégique
D’un point de vue mondial, les effectifs de Sanofi sont principalement situés en Europe (45 %), dans les pays émergents (36 %) et aux États-Unis (12 %). Toutefois, ce sont bien les États-Unis qui forment le premier marché mondial du médicament (41 % des ventes), loin devant l’Europe (14 %) ou la Chine (11 %). En ce sens, les États-Unis sont logiquement le premier marché de Sanofi car ils représentent un tiers du chiffre d’affaires consolidé du groupe. Les pays émergents représentent, quant à eux, 30 % de ses ventes et l’Europe, 24 %. Désireuse, donc, de s’établir sur des marchés étrangers et émergents, Sanofi garde toutefois une forte empreinte française. À ce titre, il est intéressant de constater que l’entreprise s’est établie dans des zones périphériques et provinciales, dans des « territoires » comme il est de bon ton de parler aujourd’hui. Sisteron et Aramon sur la Côte d’Azur, Saint-Loubès et Ambarès au bord de la Garonne, Ploërmel en terre armoricaine, Lisieux, Trait et Saint-Aubin-lès-Elbeuf en pays normand : voilà quelques exemples d’une implantation géographique diversifiée et, en ce sens, rayonnante.
Forte de sa présence dans 10 des 13 régions françaises, soit 36 sites, Sanofi en devient donc un acteur clé du dynamisme local. D’autant plus que la France demeure son premier pays d’implantation et qu’elle dispose de 45 % des investissements en R&D de l’entreprise. Un élément qui nous place au cœur du dispositif d’innovation du groupe.
A lire également : Systèmes de santé en Europe : des contrastes
À titre d’exemple, cinq sites Sanofi sont installés en métropole lyonnaise. Cela contribue grandement au développement et à la compétitivité de cette dernière, en particulier dans le domaine des vaccins. Le groupe prépare même un investissement de 15 millions d’euros sur son site Sanofi Genzyme de Lyon, ce qui lui permettra de devenir la première filiale au monde de production de lots cliniques de produits de thérapie génique. Ainsi, par sa contribution à l’indépendance sanitaire de la France et à la création d’emplois au niveau local, Sanofi demeure un acteur sur lequel il faudra compter pour la relance de l’économie nationale.
Une activité diversifiée, vecteur de puissance économique
L’activité première de Sanofi constitue la fabrication de médicaments. Le groupe intervient dans la recherche, le développement, la conception et la commercialisation de ces derniers et se positionne, en ce sens, comme une chaîne de production complète. Le Lantus, pour lutter contre le diabète, demeure son produit phare. Sanofi est organisé autour de trois pôles : la pharmacie (71 % du chiffre d’affaires) où l’on retrouve notamment Sanofi Genzyme, la santé grand public (13 %) et les vaccins (16 %) avec Sanofi Pasteur. Sur les près de 100 000 salariés que compte le groupe, seulement 15 600 travaillent dans le domaine des vaccins, un élément qui pourrait expliquer les échecs de Sanofi dans la course aux vaccins contre la Covid-19.
L’activité est diversifiée sur un plan géographique car, fin 2020, le groupe disposait de 69 sites de production dans le monde avec une répartition, en termes de chiffre d’affaires, centrée sur les États-Unis, la Chine et la France.
A lire également : Le renseignement au sein des entreprises
Mais c’est surtout sur le plan des activités que la variété est importante et permet à Sanofi de posséder plusieurs cordes à son arc. Ainsi, les traitements proposés par l’entreprise se focalisent sur les maladies rares, la sclérose en plaques, le cancer, le diabète et les maladies auto-immunes, infectieuses et cardiovasculaires. Une large gamme de produits qui place Sanofi dans une position favorable dans la course à l’innovation et à la recherche.
Outre le domaine proprement pharmaceutique, qui génère les quatre cinquièmes de son chiffre d’affaires, il n’est pas anecdotique de rappeler que le groupe a disposé d’une branche beauté et parfumerie. Il a ainsi possédé une participation dans le groupe Yves Rocher entre 1973 et 2012, mais également l’exploitation de la licence des parfums Van Cleef & Arpels en 1976 et Yves Saint Laurent en 1993. Mais en 1999, l’intégralité de la branche beauté est vendue à François Pinault et intégrée à Gucci. La partie parfums et cosmétiques fut ensuite cédée en 2008 à L’Oréal, aujourd’hui premier actionnaire de Sanofi.
A lire également : Les élites françaises : Entretien avec Éric Anceau
Acteur pharmaceutique de taille mondiale, Sanofi peut être une fierté française. Dans un contexte pandémique, où la santé est devenue la valeur absolue de nos sociétés, ce groupe a de beaux jours devant lui. Mais la guerre économique, formant le véritable défi de la géopolitique des entreprises, pourra-t-elle avoir raison de Sanofi, en retard dans la nouvelle course aux vaccins ?