Abbatiale du XIIe siècle, nichée dans un vallon entouré de bois, l’abbaye de Saint Amand surplombe l’un des plus beaux villages de France.
À 8 kilomètres de la grotte de Lascaux, cette ancienne abbaye augustinienne n’est plus que vestige aujourd’hui. Seule l’église abbatiale résiste au temps, aux conflits et aux intempéries, entourée des ruines d’une enceinte fortifiée.
L’histoire d’une destruction
Vers 558, alors que le royaume est gouverné par le roi Clotaire Ier, le moine Saint Sore et ses disciples, Amand et Cyprien, s’établissent sur ce domaine mérovingien de Genouillac, aux confins du Limousin et du Périgord, pour y consacrer leur vie à Dieu, en âmes solitaires. En 585, le roi Gontran, fils de Clotaire, est alors en poursuite de Gondovald, fils naturel de son père, au cœur d’une guerre de succession. À cette occasion, il visite le moine Sore et lui accorde des propriétés afin de fonder une communauté chrétienne. La construction d’un premier oratoire est alors réalisée en l’honneur du martyr Julien de Brioude, avec l’aide d’Arédius, abbé du monastère d’Attane, à Saint Yrieix. À sa mort, le saint est enterré dans la basilique par ses deux disciples. Puis Amand se retire dans une grotte et évangélise la population locale. Après sa disparition, une communauté monastique s’enracine sur ce lieu, qui deviendra Saint Amand. Aux VIIIe et IXe siècles, de nombreux édifices religieux, églises et prieurés, sont érigés par la communauté dans la région. En 833, l’empereur Louis le Pieux concède à l’abbaye Saint Martial de Limoges un diplôme lui restituant l’église de Genouillac, l’abbaye de Saint Sore. Celle-ci est détruite quelques années plus tard, lors des guerres d’Aquitaine, par une incursion de Normands qui remontaient la Vézère.
Odon, abbé de Cluny, ressuscite les deux abbayes. En visitant celle de Saint Sore en 937, il a le malheur de constater qu’elle est tout simplement spoliée par les comtes du Périgord, desquels il obtient que l’édifice soit placé sous la sujétion du roi. Au début du XIIe siècle, l’abbaye Saint Martial soumet à son obédience celle de Saint Sore et lui impose la réforme bénédictine clunisienne. Certains moines refusant cette mainmise optent pour la règle augustinienne et quittent l’abbaye de Saint Sore pour s’installer à Saint Amand. Le premier abbé, Guillaume, y bâtit la première église, avant que l’abbaye ne soit rattachée à la papauté. C’est le prélude d’une grande période de prospérité de l’abbaye, qui étend son influence jusqu’à la fin du Moyen-Âge. Mais en 1347, seulement sept moines occupent les lieux consacrés.
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La guerre de Cent Ans est pour eux une période difficile, ils ont à peine de quoi vivre. Lorsque la paix revient, l’abbaye et le village sont détruits en grande partie. Grâce à l’appui de Jean de Bretagne, lieutenant-général de Charles VII, les chanoines reconstruisent partiellement leur demeure. En 1483, ils sont douze, et l’année suivante, ils peuvent se réunir dans le chœur. Le cloître et la salle capitulaire, incendiés, sont abandonnés. Les Guerres de Religion interrompent ces efforts. Le couvent est occupé par une troupe protestante commandée par Jean de Cugnac. Le sénéchal de Bourdeille ne parvenant pas à le déloger, c’est Henri de Noailles, neveu de l’abbé commendataire, qui, s’emparant de canons à Brive, fait bombarder les lieux six jours de suite. L’abbé Gilles de Noailles lève lui-même une petite troupe pour défendre l’abbaye. Sommairement restaurée à la fin du XVIe siècle, elle demeure dans un état déplorable.
En 1760, les habitants se plaignent de l’état du bâtiment qui menace de s’écrouler. Le nombre de religieux a diminué de façon drastique. Devant cet état d’urgence, Louis XV autorise alors la suppression pure et simple de l’abbaye. Les biens sont vendus à un paysan durant la Révolution française. Celui-ci démolit le corps de logis couronnant les remparts. Puis l’église devient paroissiale. Envahi par la végétation et les déblais, son état de délabrement est alarmant. Enfin, en 1877, aidé de 423 paroissiens, l’abbé Carrier s’attelle à sa réhabilitation.
Les vestiges d’un fort
À partir du XIIe siècle et successivement sont édifiés le transept nord, le chœur, la chapelle, le transept sud, puis la nef et le portail. L’église et le couvent étaient alors entourés de remparts, des saillies révèlent l’existence de tours carrées ponctuant une haute muraille. Des débris d’escaliers étroits, des archères, des consoles de mâchicoulis, des bretèches et des chemins de ronde accusent une forteresse puissante. Avec les pierres sarladaises et le loze typique du Périgord noir, Saint Amand de Coly est incontestablement la plus belle église fortifiée de la région. Son clocher-porche, haut de 30 mètres, accole une immense voûte en arc brisé encadrant la porte d’entrée de l’église, la plus solidement fortifiée du Périgord. Aujourd’hui demeurent très peu de vestiges de l’abbaye, mais l’abbatiale est encore présente, elle est l’une des mieux conservées de la région. Sa pierre jaune, en provenance des carrières des Eyzies, et son lauze calcaire et gris qui couvre ses toits, s’accordent parfaitement avec les autres bâtiments qui jalonnent les ruelles du petit village : la maison des gardes, le vieil hôpital, le lavoir ou bien la maison au balcon.