<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> 1999-2019 : 20 ans d’évolution

31 janvier 2020

Temps de lecture : 6 minutes

Photo : Vladimir Poutine salue ses partisans après sa victoire à l'élection présidentielle, le 18 mars 2018, Auteurs : Alexander Zemlianichenko/AP/SIPA, Numéro de reportage : AP22179649_000212.

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1999-2019 : 20 ans d’évolution

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Vingt ans : voilà ce qu’il aura fallu à Vladimir Poutine pour redorer le blason de la Russie. A l’agonie en 1999, elle est, une génération plus tard, une véritable puissance politique, économique et diplomatique. Les réformes, les sacrifices, le volontarisme d’un Président soutenu par son peuple, les circonstances mais aussi les maladresses occidentales permettent à la nouvelle Russie de redevenir, aujourd’hui, ce qu’elle fut par le passé. Analyse d’une renaissance.

La Russie revient de loin. Il était difficile de penser, en 1995, que la Russie parviendrait à un tel redressement. La chute de l’URSS semblait devoir emporter avec elle non seulement tout l’appareil obsolète d’un pays décadent, mais la possibilité même d’un avenir. Au cours des années 1990, la Russie n’a cessé de s’effondrer, emportant avec elle les dernières chimères communistes : obsolescence de son appareil de production, réseaux mafieux, décomposition morale de la société, dissolution de l’administration, perte de tout prestige international. Le succès de Vladimir Poutine fut d’abord de restaurer la verticalité du pouvoir. Il a réussi un travail colossal de redressement d’un pays qui était ruiné et détruit après plus de soixante-dix ans d’exercice de la dictature communiste. D’où les scores obtenus à la présidentielle de mars 2018 : une participation de 67,47 % des électeurs inscrits (soit plus de 73 millions de suffrages exprimés) et un score de 76,6 % des voix, permirent à Vladimir Poutine d’effectuer un quatrième mandat. Peut-être que les réticences de beaucoup de chefs politiques de l’Ouest à l’égard de Poutine viennent aussi de ses succès à lui, qui, en miroir, les renvoie à leurs échecs à eux.

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En 1999, une autre voie pouvait s’engager pour la Russie. Celle de la faillite économique complète, de la mainmise définitive des oligarques et des mafieux sur les secteurs économiques, de la dissolution territoriale. Tout cela a été arrêté et rebâti. Le gouvernement a eu également à lutter contre la partition tchétchène et le terrorisme islamiste. Loin d’être un État uniforme, la Russie comprend 200 nationalités et 83 territoires de statuts divers : villes fédérales, oblasts, kraïs, okrougs, républiques autonomes. Nous sommes donc très loin d’une république jacobine centralisatrice ou d’une Union européenne uniformisatrice.

 

Des victoires économiques

En 2020, la Russie est capable de nourrir sa population. Le secteur agricole a été modernisé et rendu performant, ce que jamais l’Union soviétique n’avait pu faire. Au cours des années 2000-2010, le niveau de vie des Russes a été multiplié par trois et une classe moyenne est apparue. Fini les magasins vides des époques Brejnev et Gorbatchev. Fini les longues files d’attente. Fini la surveillance et la répression politique. N’importe quel visiteur qui a connu la Russie en 1988 et la compare à aujourd’hui peut mesurer le chemin parcouru. Pour beaucoup d’Européens de l’Ouest, qui sont restés marxistes dans leur approche du monde et qui n’ont jamais intégré l’aspect intrinsèquement pervers du communisme, cette réussite matérielle et sociale évidente est l’une des raisons non avouées de leur hostilité à la Russie d’aujourd’hui.

Depuis 2000, la croissance annuelle russe s’échelonne autour de 7 % par an. L’hyper inflation des années 1990 a été stoppée. L’Indice de développement humain (IDH) n’a cessé de diminuer dans les années 1990, avant de remonter pour atteindre 0,69 en 2000 et 0,80 en 2015 (0,9 en France). La Russie a même poursuivi son développement en dépit de la chute des cours des hydrocarbures amorcée en 2014, preuve qu’elle a réussi à diversifier son économie.

Le Goum, ancien magasin soviétique où l’époque des privations est revue avec nostalgie.

La Russie d’aujourd’hui a mis en place un taux d’imposition unique (flat tax) de 13 %, afin de décourager l’évasion fiscale. Le taux de chômage est maintenu sous les 5 % et la dette publique est de 22 % du PIB (contre 100 % pour la France). Le pays est en train de passer d’une économie de rente à une économie d’industrie et de services. C’est une transition toujours délicate à opérer, mais qui assure la modernisation technologique et humaine du pays.

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Il reste encore de nombreux défis à relever. Construire et entretenir des infrastructures, dans un pays immense et au climat difficile. L’autoroute reliant Moscou et Saint-Pétersbourg a été inaugurée en décembre 2019. Construite par Vinci, elle a coûté 6,5 Mds€. 100 Mds$ d’investissements sont prévus jusqu’en 2024. La Russie doit aussi voir émerger une classe moyenne entrepreneuriale, capable de créer des PME et de les développer. Enfin, il lui faut organiser son territoire pour développer l’ensemble des régions, et non pas les seuls pôles industriels classiques et les métropoles que sont Moscou et Saint-Pétersbourg. La Sibérie reste à cet égard une immense région à intégrer. Mais après les désastreuses années 1980-1990, les travaux effectués par Vladimir Poutine au cours de ses vingt années d’exercice du pouvoir sont remarquables et expliquent, malgré tout, sa popularité dans la population.

Le terrorisme en Russie. Principaux attentats commis par les islamistes.

1995 : Prise d’otages de l’hôpital de Boudionnovsk. 150 morts.

1999 : Série de cinq attentats contre des immeubles d’habitations, entre le 31 août et le 16 septembre 1999, dans plusieurs villes de Russie. 290 morts et 1 000 blessés.

2002 : Prise d’otages dans un théâtre de Moscou. 128 morts civils.

2004 : Attentat dans le métro de Moscou. 40 morts.

2004 : Prise d’otages à l’école de Beslan (Ossétie du Nord). 344 morts dont 186 enfants.

2004 : Attentats contre deux avions de ligne. 89 morts.

2005 : Attentat contre des bâtiments des forces de l’ordre. 137 morts.

2010 : Attentat dans le métro de Moscou. 39 morts, 102 blessés.

2011 : Attentat à l’aéroport de Moscou. 35 morts, 180 blessés.

2013 : Attentat à Volgograd. 30 morts.

2017 : Attentat dans le métro de Saint-Pétersbourg. 14 morts. 51 blessés.

 

La démographie. La grande fragilité

 

En juillet 2000, Vladimir Poutine déclarait qu’« un pays aussi vaste que la Russie devrait avoir au moins 500 millions d’habitants ». Elle en est loin, puisqu’à la même date elle comptait 146,4 millions d’habitants puis 143,9 millions en 2015. Soit un dépeuplement de près de 3 millions de personnes en quinze ans. Sous-peuplée, la Russie est donc confrontée à une dépression démographique qu’elle ne parvient pas à juguler. Ce dépeuplement n’est pas dû à l’émigration russe, mais à un excédent des décès sur les naissances. Gérard-François Dumont donne les chiffres suivants : de 1960 à 1965, le nombre de naissances est supérieur à celui des décès de plus d’un million. De 1965 à 1988, il reste dans une fourchette comprise entre 677 000 et 987 000. Puis il baisse rapidement à partir des années 1990 pour devenir négatif à partir de 1992. La courbe déflationniste n’a pas pu être enrayée. Non seulement il y a moins de naissances, mais les décès ont augmenté. La Russie compte 2,49 millions de naissances en 1987 et 1,37 million en 1993, soit une baisse de 45 % en six ans. Le choc politique de l’implosion de l’URSS s’est donc aussi traduit dans le domaine démographique et de cela, la Russie ne s’est pas encore remise. L’indice synthétique de fécondité était de 2,5 enfants dans les années 1960 puis 1,8 enfant dans les années 1980 et 1,17 en 1999. La diminution de la natalité a donc débuté sous la période soviétique, les événements de 1991 n’ayant fait qu’accentuer le phénomène.

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Projection de la population, en millions (données : ONU)

À cette faible natalité, due notamment à l’entrée dans la vie active des générations avec peu de femmes en âge de procréer, s’ajoute l’accroissement de la mortalité. Elle atteint 2 millions en 1993, chiffre qui se maintient au cours des années 2000. L’espérance de vie des hommes à la naissance est passée de 63,2 ans dans les années 1960 à 58,3 ans dans les années 2000. L’alcoolisme, les suicides, les homicides et les mauvais soins sont les facteurs explicatifs de cette détérioration des conditions sanitaires.

 

Quelle politique nataliste ?

Conscient de ce drame démographique et sanitaire, les différents gouvernements ont mis en place des politiques natalistes volontaristes. Aide financière pour le deuxième enfant, amélioration du système de santé pour suivre les femmes enceintes, création de jardins d’enfants. La fécondité est remontée à 1,3 enfant en 2005 et à 1,8 en 2017, soit un niveau supérieur à la moyenne de l’UE. La mortalité a diminué et l’espérance de vie a augmenté (64,7 ans pour les hommes). C’est incontestablement un succès, même si cela ne suffit pas encore à enrayer la dénatalité.

 

(Tous les chiffres sont issus de Gérard-François Dumont, « Le défi démographique russe », in Géopolitique de la Russie, SPM, 2019.)

À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

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