Il s’est écoulé depuis la démission de M. Gorbatchev le 25 décembre 1991 presque la moitié du temps qu’a duré l’URSS, si l’on prend comme point de départ sa constitution en 1922 et non la révolution d’octobre 1917. Durant ce laps de temps déjà important, la nouvelle Russie a traversé deux périodes bien distinctes. Une période Boris Eltsine (1992-1999) marquée par la rupture brutale avec le communisme, la thérapie de choc et l’instabilité lors des heurts d’octobre 1993 lorsque le chef de l’État a donné l’ordre de tirer sur ses opposants réfugiés à la maison blanche, siège alors du Parlement, devenu celui du Premier ministre.
Après ces ruptures politiques brutales, la Russie a connu une restauration de l’autorité de l’Etat, la verticale du pouvoir, la dictature de la loi. La société russe, fort diversifiée, compte plus de 160 groupes ethniques et a vécu ces transformations dans un contexte d’ouverture sur le monde extérieur, d’instauration de nouvelles règles économiques et, récemment, de passage au numérique. La Russie n’est plus l’URSS, elle n’est pas non plus la démocratie libérale qu’espéraient de manière bien téméraire les réformateurs du début des années 1990. Le pouvoir russe revendique sa « souveraineté » pour justifier, écrit l’auteur, la voie autoritaire qu’il a choisie et réprimer les contestations et les critiques. Ce point de vue qui constitue une certaine vulgate sur ce pays fort complexe que l’on croit connaître et dont on ne retient trop souvent que des clichés ne dit sûrement pas toute la réalité. On est frappé par le contraste existant entre la politique intérieure, où le pouvoir a continué à « serrer les vis », et la politique extérieure. Loin d’être isolée, la Russie, bien que toujours sujette aux sanctions, s’est montrée incontournable dans bien des dossiers (Syrie, nucléaire iranien, Venezuela …) au point qu’après la visite de Vladimir Poutine à Brégançon et le G7 de Biarritz, un fort courant d’opinion s’est manifesté pour sa réintégration au sein du G7, comme elle vient de réintégrer les rangs du Conseil de l’Europe dont elle avait été exclue en 2014. Dans le même temps, bien qu’encore peu représentée diplomatiquement sur le continent africain, la Russie y poursuit sa percée, en usant une palette d’outils (accords de défense et de sécurité, ventes d’armes, envoi de « mercenaires », activités de ses entreprises d’hydrocarbures). Quant à l’évolution de la société russe, il convient de mettre l’accent sur l’apparition d’une véritable société civile surtout parmi les jeunes qui n’ont connu que Poutine, désireux de participer à la vie politique et qui se mobilisent pour défendre l’environnement, les services publics, une culture plus libre et une information moins « contrôlée ». Sur le plan économique, force est de constater que la Russie, malgré ses atouts naturels et sa saine gestion macroéconomique, n’a pas enregistré une croissance soutenue, évolution qui ne manquera pas de peser sur ces capacités d’action, comme sur ses dépenses militaires passées désormais au 7e rang mondial. En tout cas, elle cherche à renforcer sa souveraineté économique en devenant de plus en plus autosuffisante sur le plan alimentaire et en se rendant moins dépendante du dollar, en achetant notamment de l’or.
Bien que descendu de son piédestal, sur le plan du degré d’approbation dont il jouit au sein de l’opinion passée de 80 à 60%, Vladimir Poutine fait preuve d’une remarquable résilience, au terme de ses vingt ans à la tête du pays. Entretenant un savant halo sur sa succession, qui ne devrait intervenir qu’en 2024, mais qui mobilise déjà amplement responsables et experts politiques, il fait toujours figure d’un des grands de ce monde, qui entretient des rapports avec une très large palette de chefs d’État et de gouvernement pour bon nombre desquels il est devenu sinon le partenaire privilégié, mais souvent incontournable.