Petit-fils de Russes blancs, économiste de formation, Alexandre Keltchewsky aura consacré une grande partie de sa carrière diplomatique aux relations Est-Ouest. Après notamment plusieurs postes dans des pays de l’Est – Belgrade, Moscou (à l’époque soviétique puis à l’époque actuelle), Saint-Pétersbourg, Astana (Kazakhstan) – il dirige des missions d’observation électorale pour le compte de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la Coopération en Europe) principalement dans les pays de l’ex-URSS.
Il dresse un panorama actuel et pertinent des pays issus de l’ex URSS, en laissant de côté le cas des pays baltes, incorporés dans l’URSS pendant la guerre, dont la tradition politique et sociale s’apparente plutôt à celle des pays de l’Europe centrale. Trente ans ont passé depuis l’éclatement de l’URSS, qu’en est-il de la transition démocratique engagée par les pays qui en sont issus ? Que peut-on en attendre dans l’avenir ? Les espoirs nés de l’effondrement de l’URSS et de son régime totalitaire doivent-ils être définitivement enterrés ? La polarisation des médias sur la Russie et son président, et depuis l’été dernier sur la Biélorussie du fait de l’élection contestée de Loukachenko, l’inamovible satrape du pays en place depuis 1994 ou l’Ukraine, avec tous ses retournements, ses drames, sa guerre civile, lorsque l’actualité le commande, laisse le plus souvent dans l’ombre les autres pays issus de l’éclatement de l’Union soviétique. Pourtant, ayant longtemps partagé un destin commun et ayant recouvré leur indépendance au même moment, ces pays ont entrepris alors un processus commun : transition économique vers l’économie de marché, transition politique vers des institutions et des pratiques démocratiques. D’où l’intérêt de porter un regard d’ensemble au travers des mêmes interrogations. Le regard, en l’occurrence, d’un diplomate longtemps au contact du dialogue Est-Ouest et des réalités du terrain. Un regard doublé de l’expérience plus rare et pourtant si riche en enseignements de la conduite de missions internationales d’observation électorale dans les pays considérés. Combinant ces diverses expériences, le présent ouvrage offre au lecteur un document vivant et accessible sur un sujet rarement abordé dans la littérature académique – française et étrangère – et jamais, en tout cas, sous cet angle. Un document stimulant pour l’esprit.
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Au-delà de la description du cas de chaque pays, l’originalité de l’ouvrage d’Alexandre Keltchewsky est de procéder à une description complète des processus d’observation des élections mis en place par l’OSCE dans ces pays, des missions qui se déroulent, parfois sur des mois. Quels pays sont choisis et sur quels critères, quelle est la composition des missions, leur mandat, leurs conclusions. Ce sont de riches enseignements que l’on peut tirer de ces missions. Ces dernières étudient dans le détail les lois électorales, l’établissement des listes, le déroulement des campagnes, la disponibilité de l’accès aux médias, le déroulement et le dépouillement des scrutins, autant de points de comparaison à établir et d’enseignements à tirer.
Si l’on prend l’alternance au pouvoir comme étalon de la démocratie ce qui peut paraître contestable, car c’est aussi un signe d’instabilité, seuls la Géorgie, l’Ukraine, la Moldavie et l’Arménie ont connu des alternances. Mais dans chacun de ces pays bien d’autres forces plus ou moins occultes tirent souvent les ficelles. Le bilan que dresse l’auteur apparaît donc désenchanté. Il se demande si les Occidentaux auraient pu faire plus pour ancrer ces pays dans le monde démocratique. Lorsque que l’on voit qu’au sein de l’Union européenne la Pologne et la Hongrie, et à une moindre titre la République tchèque ont pris le chemin des démocraties illibérales, que pouvions nous faire pour influencer le cours de pays comme l’Azerbaïdjan, du Turkménistan et du Tadjikistan ?
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Au final l’auteur reste relativement optimiste voyant quelques signes d’espoir dans l’émergence de sociétés civiles, le traitement accordé aux minorités. On ne peut espérer accélérer les choses, sortir du « Tout Etat » qui a duré 70, ans n’est pas aisé.