Récemment, la Turquie, l’Iran et le Pakistan ont annoncé qu’ils allaient relancer la ligne ferroviaire Istanbul-Téhéran-Islamabad (ITI), un projet lancé en 2009. Malgré plusieurs essais, la liaison ferroviaire n’était pas encore pleinement opérationnelle. Certains obstacles d’infrastructures doivent encore être surmontés avant de pouvoir lancer ces importants itinéraires ferroviaires dans le cadre de l’initiative « Belt and Road » de la Chine.
Article du South China Morning Post. Traduction de Conflits.
Lors de la réunion des ministres des transports et des communications de l’Organisation de coopération économique qui s’est tenue à distance le mois dernier, le ministre turc des transports Adil Karaismailoglu a annoncé que le projet serait relancé cette année. Après avoir finalisé les taux tarifaires et un calendrier, le service assurera dans un premier temps le transport de conteneurs ; des services de fret sur des wagons conventionnels seront ajoutés en temps voulu.
Une fois pleinement opérationnel, le chemin de fer pourra stimuler le commerce dans d’autres pays, notamment en Afghanistan, en Azerbaïdjan et dans les cinq États d’Asie centrale, dans le cadre de l’Organisation de coopération économique, une plateforme de développement, de commerce et d’investissement fondée en 1985 par les dirigeants de l’Iran, de la Turquie et du Pakistan. Le train peut parcourir les 6 500 km qui séparent le Pakistan de la Turquie en seulement 11,5 jours, contre 45 jours par voie maritime.
Selon de récents rapports des médias, le service pourrait également être relié au Xinjiang en Chine par la ligne ferroviaire Mainline-1 du Pakistan. Le projet ML-1, dans le cadre duquel les voies ferrées existantes du Pakistan seront modernisées pour permettre aux trains de circuler deux fois plus vite qu’actuellement, est l’un des projets les plus importants du corridor économique Chine-Pakistan (CPEC).
Approuvé par la principale instance économique du Pakistan en août 2020, le projet coûtera 6,8 milliards de dollars américains, la Chine fournissant 90 % du financement. Il devrait être achevé d’ici la fin de l’année 2026.
Malgré ses énormes avantages pour la région, le projet ferroviaire ITI a été retardé pendant plus d’une décennie. L’un des principaux obstacles a été la réalisation de transactions commerciales avec l’Iran après l’imposition de sanctions économiques.
Des commerçants pakistanais de la Chambre de commerce de Quetta ont même suggéré un accord de troc ou le recours à des banques exemptes de restrictions pour les transactions financières, mais cela n’a jamais abouti.
Deuxièmement, en raison de l’insuffisance des infrastructures, seuls des voyages en train de marchandises ont été testés, même si la route a été reconnue comme un corridor international par les Nations unies. Selon le précédent ministre pakistanais des chemins de fer, Ghulam Ahmed Bilour, un service de passagers sera envisagé une fois que le service de trains de marchandises sera pleinement opérationnel.
Enfin, les liaisons ferroviaires pakistanaises ont besoin d’une mise à niveau standard pour pouvoir être reliées aux lignes internationales. Le chemin de fer pakistanais sera relié à la ligne ferroviaire ITI via Quetta dans la province du sud-ouest du Baloutchistan. La voie ferrée Quetta-Taftan, qui sera utilisée pour le train ITI, a été construite il y a un siècle et a grandement besoin d’être modernisée.
En août dernier, le ministre pakistanais des chemins de fer a annoncé qu’une étude de faisabilité pour la modernisation proposée avait été réalisée et que 112 milliards de roupies pakistanaises (694 millions de dollars US) seraient dépensés pour les réparations. Ce processus devra être achevé rapidement pour que le train ITI puisse être mis en service dans les délais prévus.
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Les pépins et les retards auxquels le service est confronté rappellent le projet d’autoroute de la Coopération régionale pour le développement entre les trois mêmes pays. L’autoroute fut leur première tentative pour stimuler le commerce par des liaisons routières et ferroviaires dans le cadre de la plateforme de Coopération Régionale pour le Développement, qui a été créée en 1964.
Le chemin de fer ITI est particulièrement attractif pour l’Iran car il peut contribuer à stimuler l’économie du pays battue par les sanctions américaines. Lukasz Przybyszewski, analyste de l’Asie occidentale pour le Centre de recherche asiatique de l’Académie des études sur la guerre de Varsovie, a noté que « pour Téhéran, c’est une route commerciale alternative attrayante car les pays de l’OCE commercent en monnaie locale », ajoutant « qu’en temps de crise et de guerre, ces routes commerciales terrestres alternatives sont très précieuses et rentables ».
Le projet de train ITI peut également donner un coup de fouet à d’importantes routes ferroviaires dans le cadre de l’initiative chinoise « Belt and Road ». Selon M. Przybyszewski, la Chine considère que les liaisons de transport iraniennes font partie de l’initiative.
La Chine souhaite également établir des liaisons ferroviaires avec la Turquie depuis longtemps. Le 4 décembre, un train d’exportation en provenance de Turquie est parti pour la Chine et est arrivé à Xian dans la province de Shaanxi le 19 décembre, devenant ainsi le premier train reliant la Turquie à la Chine.
Le train a suivi la route de transit international de la mer Caspienne via la voie ferrée Bakou-Tbilissi-Kars. En comparaison, l’itinéraire ITI est beaucoup moins compliqué et, en reliant Pékin à l’Iran et à la Turquie via le Pakistan, il peut devenir une partie intrinsèque de l’initiative chinoise « Belt and Road ».
L’itinéraire du train ITI ajoute également à l’importance stratégique et économique du Pakistan. Toutefois, cela ne se produira que si Islamabad peut renforcer son infrastructure ferroviaire.