La réflexion sur les interactions complexes entre terrorisme, antiterrorisme et insurrection trouve une partie de ses fondements dans l’apport de militaires Français confrontés à des conflits irréguliers entre 1945 et 1962. Cet héritage intellectuel, dont certains aspects pratiques demeurent pertinents de nos jours, est aussi un maillon trop peu connu dans le développement des études sur le terrorisme.
Marie-Danielle Demélas, Daniel Dory (éd.), Terrorisme et contre-insurrection en Algérie (1958). Un texte inédit de Roger Trinquier, VA éditions, Versailles, 2022, 182 p.
Cette édition critique d’un texte de Roger Trinquier apporte quelque nouveauté à ce qu’on croyait savoir de La Guerre moderne qui fut l’un des produits de l’école française de contre-insurrection, pour cela oublié, et revenu en grâce après avoir intéressé le général Petraeus empêtré en Irak. En dépit de cette renaissance, Trinquier a continué d’apparaître comme un auteur perspicace, mais sommaire, en retrait par rapport au traité de David Galula. L’un des apports de cet essai, qui a été rédigé en 1958, est de permettre un autre regard. On y découvre non pas un soldat expéditif, mais un auteur qui avait alors tiré les meilleures leçons de son expérience et qui défrichait en solitaire un terrain jusqu’alors déserté.
Une biographie du colonel précédant le document illustre ce qu’a pu être la carrière et la riche expérience des officiers des troupes de marine, et une mise en contexte théorique place sa réflexion originale dans le cadre des terrorism studies. À la différence d’auteurs et d’hommes politiques d’aujourd’hui, Trinquier a précocement donné au terrorisme la place qui lui revient, celle d’une technique de contrôle de la population par les affects, la peur pour les uns, la revanche et un succès bon marché pour les autres, et il introduisait un nouvel acteur dans le théâtre de la guerre, l’habitant. Il n’ambitionnait pas d’en conquérir le cœur et l’esprit, mais cherchait à l’associer à sa propre défense pour en faire, à sa façon, un combattant. Et, intuition majeure, il annonçait que la guerre, dans la plupart de ses modalités, s’annonçait irrégulière dans le futur.
L’ouvrage s’accompagne d’une bibliographie de Trinquier, qui a beaucoup écrit, ainsi que d’une chronologie des guerres auxquelles il a participé et d’un index.
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