Hommage à Roger Scruton

16 janvier 2020

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Investitures at Buckingham Palace, London, UK - 25 Nov 2016 (c) Sipa REX40469213_000004

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Hommage à Roger Scruton

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Le regretté Sir Roger Scruton, éminent philosophe de l’esthétique, de la politique, de la liberté et de la culture, est retourné auprès de son Créateur dimanche dernier.


 

Scruton est célèbre, entre autres, pour avoir dirigé une université clandestine pour les dissidents tchécoslovaques pendant le régime communiste tout en leur enseignant la philosophie, l’histoire et la littérature occidentales. Il est un ardent défenseur de l’économie créative de marché. Il est devenu le principal défenseur intellectuel des valeurs judéo-chrétiennes conservatrices dans l’Anglosphère après le décès du grand philosophe américain Russell Kirk.

Par-dessus tout, Roger Scruton est réputé pour défendre avec acharnement l’importance de la beauté. À maintes reprises, il s’est trouvé confronté aux nihilistes culturels modernes, expliquant pourquoi la culture de la beauté quotidienne est importante. Il n’a jamais hésité à la défendre pour le maintien d’une société humaine morale, vertueuse, centrée sur Dieu et, surtout, créative – et non destructrice.

Peu de philosophes pragmatiques ou relativistes d’aujourd’hui feraient ces sublimes connexions existentielles, mais Scruton les a faites.

Pour Roger Scruton, la civilisation occidentale contemporaine a en fait renoncé à se consacrer à de véritables formes de beauté. Contrairement aux siècles précédents, l’art d’aujourd’hui suit des schémas inquiétants inspirés par les penchants nombrilistes des artistes eux-mêmes pour le hasard, l’égoïsme, la superficialité ou le simple aspect pratique. C’est la source même de la laideur qui répugne Scruton, car un art aussi mauvais – si l’on peut pour autant l’appeler art – ne reflète pas la profondeur et l’ampleur de l’esprit humain.  Les vraies formes d’art devraient et pourraient tenter d’imiter le génie créateur de Dieu avec les plus hautes expressions esthétiques de l’homme.

Dans son documentaire de la BBC intitulé Why Beauty Matters, Scruton a parlé sans détour de l’enlaidissement du propre écosystème artistique naturel de l’homme, c’est-à-dire des quartiers et des lieux de travail érigés et entretenus par ceux qu’il a vilipendés comme « vandales des arts ».

« Partout où l’on se tourne, il y a de la laideur et des mutilations. Les bureaux et la gare routière ont été abandonnés ; les seules choses qui sont chez nous ici, ce sont les pigeons qui encrassent les trottoirs. Tout a été vandalisé, mais il ne faut pas blâmer les vandales. Ils [ont été] construits par des vandales et ceux qui ont ajouté les graffitis ont simplement terminé le travail », dit-il dans ce documentaire.

Pour Scruton, le bel art n’est pas seulement l’éclaboussure aléatoire de peinture sur une toile ou pulvérisée à partir d’un bidon pour graffitis sur un mur de la ville. Ce n’est pas la cacophonie assourdissante de notes de musique non coordonnées. Ce n’est pas un urinoir signé exposé au Metropolitan Museum. Il ne s’agit pas non plus de structures architecturales utilitaires plates et sans ornements dans les centres-villes mornes et les communautés résidentielles à l’emporte-pièce. En bref, la beauté n’est pas le produit d’un désordre irrationnel, mais d’un ordre hautement rationnel et d’un mystère divin.

Si l’art se concentre sur l’utilité, il est paradoxalement et finalement abandonné. Tout en poursuivant sa promenade dans un quartier sordide de Redding, Scruton note dans son documentaire : « Ce bâtiment est barricadé, car personne n’en a l’utilité. Personne n’en a l’usage parce que personne ne veut y être. Personne ne veut y être, parce que ce truc est si… laid. »

Le bel art est finalement quelque chose de si complexe, si perspicace, si parfait, et si ordonné, si ingénieux qu’il semble que quelqu’un de plus grand que l’homme lui-même en soit responsable. L’art le plus élevé créé par l’homme semble venir de Dieu qui a tenu la main de l’artiste et lui a fourni la connaissance directe et l’habileté pour accomplir un artefact d’une brillance extraordinaire et merveilleuse.

Le bel art nous remplit du genre de crainte et d’émerveillement qui contemple son impossibilité même dans le domaine des capacités humaines. Sa seule utilité réelle est de nous inspirer à rechercher des créations plus parfaitement belles et à chercher à être en présence des meilleurs créateurs. La beauté pose les pavés de la contemplation céleste et de la coexistence avec Dieu dans la vie éternelle.

Pour Scruton, depuis les années 1920 et jusqu’à l’esprit violent de 1968 dont il a été témoin en tant qu’étudiant à Paris, la tradition artistique occidentale a explosé sur un chemin auto-destructeur de nihilisme, d’érotisme et de fonctionnalisme. Cet anéantissement de la beauté a été favorisé par le marxisme culturel qui a abaissé l’art et la musique populaires pour servir la propagande politique et a utilisé l’architecture pour ériger des structures plates et impersonnelles pour des bureaucraties d’État géantes et encore plus impersonnelles et des agents du communisme froids et insensibles.

La culture athée marxiste, en particulier, vise à extirper la beauté, précisément parce que la beauté est une force spirituelle pour contempler le divin et pour inspirer la pensée créative au-delà de la mentalité de commandement et de contrôle, insouciante et servile.

En moins de 50 ans, l’Occident s’est effondré devant le monde marxiste, morne, plat et sans dieu, qui abhorre la forme humaine et son esprit de grande portée pour la beauté céleste. Cette dernière a été échangée contre la protection d’un paradis terrestre sûr, ennuyeux et bureaucratique.

L’art et l’architecture d’aujourd’hui embourbent l’âme humaine dans une recherche grossière, égoïste, relative et, pire encore, impie de sens existentiel.

Scruton lui-même ne voit aucun conflit entre les plus hautes formes d’art et les plus hautes manifestations de la croyance religieuse. Pour lui, l’art et la religion ne sont pas rivaux. Au contraire : « Le sacré et le beau se tiennent côte à côte, deux portes qui s’ouvrent sur un seul espace et dans cet espace nous trouvons notre maison », dit Scruton à la fin de son documentaire.

Nous savons maintenant pourquoi, jusqu’à son dernier souffle, l’existence de Roger Scruton a compté et compte encore pour les générations à venir.  Son héritage sera à jamais conditionnel : si nous perdons la beauté, nous perdons la culture, et donc le culte, l’œuvre de Dieu. Nous ne perdons pas n’importe quelle culture, mais une culture créative qui cherche Dieu et qui regarde le ciel.

Traduction de Conflits.

Publié sur le site de l’Acton Institute

 

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À propos de l’auteur
Michael Severance

Michael Severance

Michael Severance est directeur de l'Institut Acton à Rome.

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