En complément à l’article consacré au Hamas dans ce même numéro, nous nous proposons ici de fournir des éléments de base additionnels pour tenter de mieux appréhender scientifiquement cette organisation à partir des données actuellement disponibles de la GTD (Global Terrorism Database). Cette approche est d’autant plus nécessaire que les attaques du 7 octobre 2023 ont spectaculairement montré les limites des connaissances disponibles sur cette entité, et que l’on assiste actuellement à une (timide) réévaluation critique de leurs conditions de production[i]. La carte et l’histogramme permettent notamment de formuler trois séries de constats, qui sont autant de points de départ pour des hypothèses de travail destinées à susciter de futures recherches.
D’abord, ces documents confirment que le Hamas, loin d’être exclusivement une « organisation terroriste », a une pratique diversifiée de la violence, où la part de la guérilla (essentiellement urbaine) est importante. En outre, ce fait est faiblement influencé dans l’ensemble par le retrait israélien de la bande de Gaza en 2005, comme on aurait pu le penser initialement. En revanche, on perçoit nettement l’effet de la deuxième intifada (2000-2005) sur le recours aux actes terroristes. Les incursions israéliennes à Gaza, par ailleurs, apparaissent associées (en 2007 et 2014) à une augmentation des actions de guérilla, ce qui ne se confirme pas en 2012, et mérite donc des recherches ultérieures.
Ensuite, la carte fait apparaître que si on concentre l’attention seulement sur la bande de Gaza, le retrait israélien a effectivement modifié significativement la nature des actions violentes : la disparition de cibles israéliennes proches a conduit le Hamas à privilégier des infiltrations en territoire ennemi et à utiliser des roquettes. Ce point est d’autant plus important qu’il met en évidence une réelle souplesse opérationnelle et tactique, donnée dont la prise en compte est partiellement empêchée lorsque, sous l’effet de considérations principalement polémiques, on considère cette organisation simplement comme « terroriste ».
Enfin, point important, en territoire israélien et en Cisjordanie occupée, le Hamas recourt presque exclusivement au terrorisme, ce qui confirme une fois de plus le caractère urbain de cette forme de violence politique. Les rares actions de guérilla, ciblant donc des militaires, des policiers et d’autres fonctionnaires israéliens, se limitent surtout à Jérusalem et, dans une moindre mesure, Tel-Aviv et concernent sans doute la période de la seconde intifada.
Il n’est pas nécessaire d’approfondir ici l’analyse de ces documents, dont l’intérêt majeur consiste à montrer l’importance de disposer, comme base de recherches ultérieures, d’une représentation préliminaire de l’empreinte spatio-temporelle du Hamas. Car engager l’analyse à partir de faits localisés et datés de manière fiable, comme ceux de la GTD malgré ses imperfections, contribue très probablement à éviter dans une certaine mesure le coût exorbitant des surprises stratégiques.
[i] Voir, par exemple : Erik Skare, « Texts or Praxes ? How Do We Best Understand Hamas and Palestinian Islamic Jihad After October 7, », CTC Sentinel, p. 34-39, vol. 16, no 10, 2023.