Quand les médias annonçaient le refroidissement climatique

25 juillet 2019

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Dans les années 1970, des scientifiques préconisaient de répandre de la suie pour faire fondre la banquise. Pauvres ours. (c) Pixabay

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Quand les médias annonçaient le refroidissement climatique

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 « Alors que durant trois quarts de siècle nous avons connu les conditions extraordinaires d’un climat tempéré, le fait majeur aujourd’hui semble indiquer que nous allons vers un refroidissement généralisé. Les climatologues sont cependant en désaccord concernant à la fois la cause et la durée de cette tendance au refroidissement et à la fois son impact sur les conditions locales du climat. […] Et si le climat se met à changer aussi durablement que le prévoient les plus pessimistes d’entre eux, les conséquences, en termes de famine, deviendront catastrophiques. »

 

C’est Newsweek qui annonce cette catastrophe, dans un article de 1975. Le refroidissement climatique est causé par l’homme et, en 2000, le monde connaîtra un nouvel âge glaciaire. Il y a urgence à agir, et cette lourde tâche revient aux hommes politiques. Mais on doute de leur volonté de créer de nouvelles taxes et de nouveaux impôts pour éviter le pire. « Les climatologues sont pessimistes quant à la volonté des leaders politiques de prendre des décisions permettant de contrebalancer les changements climatiques, voire d’en ralentir les effets. Ils admettent néanmoins que l’une des plus audacieuses solutions proposées, tel que faire fondre la calotte glaciaire en la recouvrant de suie noire ou encore détourner les fleuves de l’Arctique peuvent créer de bien plus grands problèmes. »

 

 

Le très sérieux Time avait déjà alerté ses lecteurs sur le refroidissement à venir. C’était en 1972. Il mentionnait des scientifiques qui constataient un accroissement de la calotte glaciaire et une diminution des températures depuis 1940. Il y a un refroidissement global, disait-il, et nous sommes à la veille d’un nouvel âge glaciaire. La preuve : entre 1945 et 1970, les températures n’ont cessé de baisser. De quoi effrayer les lecteurs. Cinq ans plus tard, Time réitérait ses propos avec une couverture-choc « Le Grand Froid » (The Big Freeze). En photo, un homme en passe-montagne rouge, tel un lanceur d’alerte, transi de froid et de glace. Si la Guerre froide connaissait un dégel, le monde lui se refroidissait. Il fallait bien trouver un nouvel ennemi. Journalistes et scientifiques étaient mains dans la main pour alerter sur cet imminent refroidissement. En 1977, un groupe de scientifiques regroupés sous le nom d’Impact Team publia La conspiration climatique. La venue du nouvel âge glaciaire. La couverture annonce même que le livre contient deux rapports de la CIA sur le sujet. On ignorait que les enquêteurs de la CIA étaient aussi des climatologues avertis.

 

 

En 1978, c’est le Los Angeles Times qui publie un article annonçant le refroidissement dans les trente années à venir. Décidément, l’an 2000 s’annonce bien sombre, entre crise climatique, guerre nucléaire et invasions extraterrestres. À défaut de rigueur scientifique, les Américains témoignent de leur grande imagination pour inventer des scénarios catastrophes.

 

D’autant que le club de Rome venait de publier son célèbre rapport Halte à la croissance ? (1972), connu pour évoquer la pénurie de pétrole à venir à l’horizon 2000. En 1968, c’était le livre retentissant de Paul Ehrlich, The population Bomb, qui expliquait que l’humanité allait mourir de faim. « La bataille pour nourrir l’humanité est perdue. Au cours des années 1970, des centaines de millions d’êtres humains vont mourir de faim. […] Rien ne peut empêcher une aggravation notable de la mortalité dans le monde. […] D’ici à 1985, l’humanité entrera dans une ère de pénurie des ressources et de pauvreté croissante. » Refroidissement et famine se faisant attendre, les annonces catastrophiques se sont ensuite focalisées sur les pluies acides détruisant les forêts et le trou dans la couche d’ozone (années 1980). L’homme, bien sûr, était responsable de tout cela. Puis ce fut le bug de l’an 2000, qui devait provoquer une guerre nucléaire. Mais les pluies acides n’existaient pas, la mort des arbres était la conséquence d’années de sécheresse. Quant au trou dans la couche d’ozone, il se révéla beaucoup moins important que ce qu’en disaient les journalistes.

 

Aucune catastrophe n’est venue. De quoi refroidir les prédictions alarmistes qui, pourtant, reviennent toujours.

 

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En ce milieu d’été, la France connait un nouvel épisode caniculaire. La peur du réchauffement climatique est agitée partout et les prévisions les plus catastrophiques encombrent les écrans de télévision. Rares sont les scientifiques spécialisés à qui l’on donne la parole et les voix discordantes, pourtant très nombreuses, ne sont pas médiatisées.

 

Dans les années 1970, les mêmes médias évoquaient le refroidissement climatique à venir. Leur erreur devrait inciter à la prudence et à la modestie quant aux prévisions faites pour le futur. Cet article fut publié dans le numéro de janvier 2016, dans la rubrique « Boule de cristal ». Il nous rappelle que l’homme est souvent petit face à des événements qui le dépassent.

 

C’est aussi une invitation au débat rationnel et au dialogue alors que, très souvent, le débat public tombe dans l’hystérie et les attaques. On refuse d’entendre la position des autres, de comprendre les arguments différents ; on s’arrête à des titres et des slogans sans aller au fond des sujets. Ce manque de tolérance et d’ouverture empêche toute réflexion saine et rationnelle, alors que sur des sujets aussi importants que l’environnement et la protection des générations futures, la science,  la compréhension et l’analyse rationnelle devraient primer.

 

 

 

 

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Photo : Dans les années 1970, des scientifiques préconisaient de répandre de la suie pour faire fondre la banquise. Pauvres ours. (c) Pixabay

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.
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