[colored_box bgColor= »#f7c101″ textColor= »#222222″]Cette recension a été publiée dans le numéro 8 de Conflits. Si vous souhaitez acheter ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique de Conflits en cliquant ici.[/colored_box]
Écrire une géopolitique du Vatican n’allait pas de soi. Mon royaume n’est pas de ce monde, proclame Jésus-Christ. Par ailleurs la Cité-État du Vatican, Saint-Siège de l’Église catholique et universelle, incarne la négation d’une politique de puissance reposant sur la géographie. Notre collaborateur Jean-Baptiste Noé s’est attelé à la tâche.
Servi par une écriture fluide, écartant tous les fantasmes que suscite la discrétion, pour ne pas dire le secret, qui entoure la diplomatie vaticane, il développe sa thèse avec conviction : de la faiblesse matérielle de l’Église naît sa force.
Il entraîne le lecteur dans une réflexion stimulante sur les points forts et points faibles de la diplomatie vaticane dont le réseau d’informateurs, de diocèses, de nonciatures sont autant de relais d’influence. La faiblesse matérielle du Vatican donne à son action un caractère désintéressé ou neutre, comme un facilitateur de la communauté internationale. « Vous ne serez pas les promoteurs d’aucune raison d’État » prescrit Jean-Paul II à l’Académie pontificale (l’école des ambassadeurs du Saint-Siège).
L’auteur est toutefois lucide. Le Saint-Siège a multiplié les échecs depuis son retour dans le concert des nations. Ses appels à la paix restent sans réponse et sa médiation n’a su prévenir ni les deux guerres mondiales ni la guerre froide. « Jamais plus les uns contre les autres, jamais, plus jamais ! (…) jamais plus la guerre, jamais plus la guerre » s’écrie Paul VI en 1965 à la tribune des Nations unies. Pour autant, le discours par définition moral de l’Église n’empêche pas les prélats du Vatican de s’adresser à tous y compris les plus infréquentables des criminels (à tout pécheur miséricorde…). L’Église n’a jamais dédaigné discuter avec les nazis, les communistes et les dictateurs les plus sanguinaires de la planète. Ad maiora mala vitanda (pour éviter de plus grands maux). Cette devise est sans doute la clé de sa réussite à Cuba, en Syrie, en Centrafrique, au Mexique et ailleurs. L’Église dont ses fidèles et son clergé sont disséminés dans le monde n’a pas vraiment le choix. Elle a un devoir de protection qui l’oblige à une certaine prudence vis-à-vis des régimes qui la persécutent ici ou là. Cette ambivalence a nourri les polémiques, d’autant que Rome est une institution qui a aussi ses propres fragilités et ses rivalités internes, y compris géopolitiques !
Jean-Baptiste Noë, auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire de Rome, ne fait pas dans le sensationnel ou la « François mania ». Du sérieux, beaucoup d’idées (les dangers des Églises émergentes et le renouveau de la vieille Europe, la « romanité » ou l’identité éminemment occidentale de l’Église, les dangers d’une religion séculière) et de la clarté ; ce sont les marques de fabrique de l’ouvrage. Il conclut sur le paradoxe du « rayonnement du méprisé ». L’Église est à contre-courant, elle est en décalage avec les valeurs du monde. Dans le monde sans être du monde, elle est à l’image de saint Paul : c’est quand elle est faible qu’elle est forte. À méditer.
H.D.
[colored_box bgColor= »#DCEDC8″ textColor= »#222222″]Jean-Baptiste Noé, Géopolitique du Vatican, PUF, octobre 2015, Paris, 252 pages, 20 euros[/colored_box]
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