<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Transformation du dispositif français au Sahel : quel impact sur le narcotrafic au Mali ?

25 août 2021

Temps de lecture : 11 minutes

Photo : Déplacements en véhicules blindes et hélicoptères militaires a MÃ'naka et Gao toujours sous la protection de la force Barkhane.//JDD_1247075/2102141426/Credit:ERIC DESSONS/JDD/SIPA/2102141437

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Transformation du dispositif français au Sahel : quel impact sur le narcotrafic au Mali ?

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L’Afrique de l’Ouest connait un accroissement des activités des trafiquants de drogue. La réduction des effectifs de Barkhane et la réorganisation du dispositif français dans la zone des trois frontières auront des conséquences sur l’activité de ces trafics. Éléments d’analyse de l’évolution possible de ceux-ci.

La réduction des effectifs de la force Barkhane,  annoncée au début du mois de juin dernier par le président Macron, s’est précisée le vendredi 9 juillet à l’occasion d’un sommet entre le chef d’État français et le G5 Sahel. La moitié des 5 100 militaires qui composent la force sera retirée à l’horizon 2022, et son action évoluera pour se concentrer principalement sur la région des trois frontières (Mali, Burkina Fasso, Niger). Les marges délaissées du pays pourraient ainsi connaître un regain d’instabilité qui pourrait profiter aux trafiquants de drogue, après huit ans d’intervention française.

L’Afrique de l’Ouest est familière avec le trafic de drogues : cannabis, amphétamines et héroïne y transitent depuis des décennies, en parallèle d’autres flux illégaux comme le trafic d’armes ou l’immigration clandestine. Le trafic de cocaïne y a gagné en importance depuis les années 2000 : il s’y est étendu jusqu’aux marges les plus enclavées tout en contribuant à la déstabilisation de la région, en synergie avec le terrorisme islamiste. Le rôle historique du territoire malien en tant que plaque tournante du commerce terrestre de la région ainsi que ses inégalités territoriales et sociales contemporaines expliquent la facilité avec laquelle ses routes transsahariennes ont surgi à nouveau des sables après des siècles d’oubli, au profit d’un commerce cette fois-ci illégal.

Le Mali, pôle historique du commerce transsaharien

La position géographique centrale du Mali en a fait un important pôle économique pendant de nombreux siècles. Espace de flux humains et commerciaux depuis des millénaires, la région connaît un âge d’or au XIIIe siècle sous l’action des azalaïs touareg (1) qui la sillonnent et en dynamisent l’économie. Ces échanges transsahariens ont tissé des liens commerciaux et culturels solides entre le bassin méditerranéen et le golfe de Guinée, ainsi qu’entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est. Le Mali en est un des acteurs principaux en vertu du rayonnement d’un certain nombre de ses villes (Tombouctou, Mopti, Bamako…). Il a notamment été au cœur de trois grands empires entre le IVe et le XVIe siècle : l’empire du Ghana, l’empire du Mali et l’empire Songhaï. Le pèlerinage à la Mecque du roi malien Mansa Musa (1312-1337), qui dépensa tant d’or au cours de son périple qu’il fit chuter le cours du précieux métal pendant plusieurs années, est un exemple parlant de l’ère de prospérité qu’a connue l’Afrique de l’Ouest (2).

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Le commerce transsaharien finit par décliner à compter du XVIe siècle du fait de l’essor du commerce maritime européen sur la côte atlantique : il est résiduel au moment de la colonisation du continent par les puissances européennes. Cherchant aujourd’hui des routes secondaires à un trafic maritime de plus en plus surveillé, les narcotrafiquants ont profité de la « résurrection » du commerce transsaharien dans les années 1960 et 1970, devenu le fait de flux illégaux tel que le trafic d’armes, de biens, de cigarettes ou l’immigration clandestine. Porte historique du Maghreb, le Mali est aujourd’hui devenu la porte de l’Europe en vertu des liens étroits qui l’unissent toujours à la France depuis la colonisation (1890-1960). Les bonnes relations diplomatiques et l’apprentissage du français, qui est toujours la langue officielle du Mali, ont facilité une diaspora en France dont le volume est aujourd’hui estimé à quelque 200 000 ressortissants maliens. Les acteurs des divers trafics illégaux peuvent profiter de ces nombreux interlocuteurs et points de chute en France et en Europe pour proposer autant d’alternatives à des itinéraires plus classiques et donc mieux surveillés.

Corruption, pauvreté, marges délaissées : terreau du narcotrafic

Médiatiquement discret par rapport au terrorisme et à l’immigration clandestine, le trafic de cocaïne s’est profondément enraciné dans la région depuis près de deux décennies, en parallèle d’autres trafics de drogues plus anciens (cannabis, héroïne…). Un certain nombre de facteurs socio-économiques l’y ont aidé. La misère en est le principal : 42,3% de la population malienne vit sous le seuil de la pauvreté en 2019 (3). Corolaire de cette pauvreté, la corruption y prolifère et fragilise État et forces de l’ordre, créant un sentiment de défiance au sein de la population. Luttant faiblement contre ces trafics, la compromission de certains officiels et membre des forces de l’ordre fait que les autorités livrent par leur absence ou leur collaboration directe une zone de transit idéale pour le tout illégal à destination du Maghreb et de l’Europe. Encadré par deux États à la présence institutionnelle qui semble plus marquée, la Mauritanie à l’ouest et le Niger à l’est, le Mali s’attire une partie non négligeable des trafics de la région orientée sud-nord. Les revendications historiques des populations touareg du nord du Mali, qui ont engendré cinq révoltes dont la répression dans la violence a démultiplié les tensions interethniques, ont offert des alliances d’opportunité fructueuses aux djihadistes comme aux trafiquants.

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D’autres facteurs laissent présager le pire pour l’avenir : la croissance démographique malienne qui est une des plus fortes au monde (5,88 enfants par femme en 2018) contraindra une population déjà extrêmement pauvre à partager des ressources limitées. Les sécheresses, intensifiées par le changement climatique et la déforestation, ont pour leur part détruit de nombreux moyens de subsistance classiques (cheptels, cultures) et ont poussé nombre de Maliens vers les trafics illicites, devenus leur seule source de revenus possible. Enfin, la pandémie de COVID-19 a aggravé depuis 2020 une situation déjà précaire au Mali en réduisant considérablement le flux d’aide humanitaire, les échanges régionaux et l’activité économique en général du fait de la fermeture des frontières. Dans ce contexte, le narcotrafic fait figure d’employeur de choix. Le revenu mensuel moyen par habitant au Mali s’élevant à 61,42 euros et le prix d’un gramme de cocaïne allant jusqu’à 135 euros en Europe, il est facile d’en comprendre l’attrait, surtout dans un pays où un seul revenu fait vivre des dizaines de personnes.

Déséquilibre territorial : le nord Mali, marge délaissée

Un déséquilibre territorial marqué, à l’origine des ruptures sociales et économiques qui animent le pays depuis son indépendance, profite également au narcotrafic qui prospère dans les marges délaissées. Vaste comme deux fois la France, mais peuplé pour le moment de vingt millions d’habitants, le Mali a conservé les frontières au tracé particulier du Soudan français après son indépendance en 1960. Pays homogènement plat, les distinctions géographiques entre ses régions sont avant tout climatiques. Deux principaux ensembles s’y opposent. Le sud Mali est composé de vastes terres agricoles où la densité de peuplement est la plus forte (70 habitants/km² en moyenne). Le Nord fait quant à lui office de marge délaissée : le Sahel et le Sahara s’y rencontrent en un ensemble très aride, et plusieurs ethnies largement minoritaires et nomades y subsistent grâce au commerce et au pastoralisme en dépit de la rareté de l’eau et de la végétation. Le réseau routier est peu développé dans l’ensemble du pays, mais il se concentre surtout dans sa partie sud, tout comme l’urbanisation, les infrastructures aéroportuaires et les échanges commerciaux transfrontaliers. Au Nord, seule une poignée de villes carrefours se distingue : Tombouctou, Kidal, Gao…

Bien qu’il représente les deux tiers de la surface du Mali, il abrite moins du quart de la population malienne et les infrastructures publiques y sont quasiment inexistantes. En plus de ses particularités géographiques, ce territoire a une identité politique conflictuelle : nommé Azawad par les populations touareg qui en revendiquent l’indépendance face aux ethnies majoritaires du sud, il est la source de tensions politiques depuis les années 1960 (4). Les deux grands ensembles nord et sud font jonction dans la région de Mopti, verrou territorial où les frontières se resserrent entre la Mauritanie et le Burkina Faso en une bande de 300km de large. Les contrastes climatiques et géographiques entre un nord désertique et stérile et un sud bien plus dynamique ont logiquement causé le déséquilibre démographique et économique actuel. Ces fortes tensions ethno-démographiques ont gangréné le pays depuis son indépendance, principalement entre les Touaregs très minoritaires au Nord (2% de la population) et les Bambaras quasi majoritaires au Sud (40% de la population). Le nord Mali fait donc figure de marge délaissée dans un pays qui compte parmi les plus pauvres au monde. Incidemment, il s’agit de la région qui est au cœur des troubles qui secouent le pays depuis une décennie, et qui sera privée de la présence des forces françaises dans quelques mois.

L’or blanc des narcos en Afrique : implantation du  trafic au Mali

Le trafic de drogue africain comprend le cannabis et le tramadol qui sont produits et consommés dans le continent, mais aussi l’héroïne et la cocaïne qui sont des drogues de transit bien plus lucratives. Dans les années 1990, la saturation du marché de la cocaïne aux États-Unis et l’efficacité de la lutte anticriminalité dans les Caraïbes ont poussé les trafiquants à réorienter une part importante de leur production vers l’Europe, marché prometteur qui peut être atteint par voie maritime ou aérienne. L’Afrique devient rapidement une étape de choix, d’abord parce qu’elle est à mi-chemin entre les pays producteurs et l’Europe, mais aussi parce que la faiblesse des États africains, la pauvreté et la corruption facilitent grandement la mise en place des réseaux du narcotrafic. Le volume des saisies de cocaïne est multiplié par cinq au cours de l’année charnière de 2004. L’Afrique de l’Ouest représente 54% des saisies de cocaïne de tout le continent à ce moment-là : en 2020, ce chiffre monte à 80%. Elle fait office de plaque tournante du trafic à destination de l’Europe, un quart de la cocaïne européenne empruntant cette voie pour atteindre le vieux continent (5).

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Au cœur de cette région, le Mali est d’abord épargné par ces flux puisqu’ils sont principalement maritimes : mais le trafic de cocaïne y gagne de plus en plus d’importance à la fin des années 2000 du fait de l’apparition de routes secondaires aériennes et terrestres. Un système d’importation par voie aérienne s’appuyant sur un réseau de complices locaux est baptisé « air cocaïne », après la découverte en 2009 d’un Boeing 727 ayant transporté plusieurs tonnes de la drogue éponyme depuis le Venezuela. Ces cargaisons importantes sont morcelées pour être acheminées jusqu’en Europe de plusieurs manières. Une partie est souvent prise en charge par des mules qui empruntent des vols commerciaux à destination de l’Europe, principalement depuis l’aéroport de Bamako ; une autre emprunte les routes terrestres transsahariennes. Probablement surestimé, le phénomène du trafic aérien montre cependant que la recherche de routes secondaires accorde une importance grandissante aux pays enclavés. L’essentiel des saisies se faisant dans le point d’entrée du trafic en Afrique de l’Ouest (golfe de Guinée) et dans son point de sortie (Algérie, Maroc), il est logique pour les trafiquants d’investir les zones lacunaires pour contourner les autorités. Le Mali fait donc de plus en plus office de point de transit et d’éclatement sûr quand d’autres routes plus importantes sont bloquées. La cocaïne entre par voie terrestre au Mali depuis le narco-État de Guinée-Bissau et le Sénégal à l’ouest et depuis le golfe de Guinée au sud, notamment par le Burkina Faso. Elle quitte le territoire à destination de la Libye dont le point d’entrée est la passe de Salvador, empruntant pour l’atteindre les marges frontalières du Niger et de l’Algérie. Une route secondaire passe quant à elle par le nord-ouest vers le Maghreb.

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À l’échelle de la région, les trafiquants de cocaïne ne sont pas de grands barons de la drogue comme en Amérique du Sud, mais plutôt des criminels aux activités diversifiées. Ils s’appuient notamment sur les réseaux déjà éprouvés des trafics de drogue, d’armes et de cigarettes, dont les interlocuteurs sont très souvent les mêmes. Ils ne font pas partie des groupes terroristes, mais collaborent étroitement avec eux : des liens de proximité ethnique existent ou des liens familiaux sont créés entre les leaders de groupes terroristes ou indépendantistes et les grands trafiquants qui contrôlent les routes de la région. Cela permet d’instaurer un lien de dépendance direct qui assure aux terroristes un financement et un soutien logistique réguliers, et aux trafiquants la possibilité de contrôler les routes et l’intensité des conflits en fonction de leurs besoins. Le mouvement du MAA-CMA (Mouvement arabe de l’Azawad-Coordination des Mouvements de l’Azawad), qui se bat pour gagner l’indépendance du nord Mali, contrôlerait par exemple un axe Mauritanie-Tombouctou-Kidal-Lybie, s’appuyant sur de nombreux relais locaux et autant d’interlocuteurs réguliers (6). Des véhicules rustiques longuement éprouvés dans le désert (le pick-up Toyota Hilux étant le plus emblématique) effectuent des bonds de plusieurs centaines de kilomètres avec des cargaisons importantes de drogues qui peuvent changer plusieurs fois de main, en s’appuyant sur des étapes de ravitaillement. La technologie GPS et la téléphonie mobile sont employées avec succès pour communiquer et localiser les relais dans des régions extrêmement vastes et dénuées d’infrastructures routières. Au sein de ces échanges, la cocaïne est une des marchandises les plus prisées puisqu’elle dispose du meilleur rapport poids/prix à la revente.

Huit ans de présence militaire française

Le 17 janvier 2012, le MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) lance une offensive militaire contre la ville malienne de Ménaka, marquant le début de la cinquième insurrection touareg contre le gouvernement central malien depuis l’indépendance du pays en 1960. L’objectif est de faire de l’Azawad, une région correspondant aux deux tiers nord du Mali, un territoire indépendant. Cependant, et en dépit d’un certain nombre de succès militaires, les événements dépassent rapidement les instigateurs de cette rébellion : leur alliance de circonstance avec les groupes terroristes islamistes, au nombre desquels AQMI (Al-Qaeda au Maghreb Islamique) et le MUJAO (Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest), finit par voler en éclat. Les groupes terroristes prennent le dessus et tentent alors une percée jusqu’à Bamako, provoquant l’intervention des forces armées françaises le 11 janvier 2013. L’opération Serval ainsi déclenchée mobilise plusieurs milliers de militaires des trois armées et permet de reconquérir l’intégralité du territoire malien en l’espace d’un an et demi.

L’action française mute et s’étend en juillet 2014 en un dispositif de stabilisation régionale : l’opération Barkhane. La zone d’action déborde alors largement les frontières du Mali pour englober toute la région (à l’exception du territoire mauritanien), avec le concours des gouvernements du Mali, du Burkina Faso, du Niger, de la Mauritanie et du Tchad qui ont formé quelques mois plus tôt le G5 Sahel, cadre de coopération internationale régionale. L’opération Barkhane avait pour but d’appuyer une stratégie de développement et de stabilisation du Sahel par la lutte contre le terrorisme islamiste avec des moyens militaires dont ne disposaient pas les pays africains partenaires.

Épilogue de Barkhane : bilan et perspectives

Après presque huit ans d’existence, Barkhane peut se targuer d’un bilan honorable : 128 opérations de combat, 18 000 soldats africains formés, des centaines de terroristes neutralisés, des tonnes de matériel, de munitions et de drogue saisies et détruites… (7) Cependant, l’évolution de la situation sécuritaire dans la région a entraîné le réagencement de l’intervention française, sous la forme d’un retrait pas à pas pour placer les forces locales au premier plan de la lutte antiterroriste. La fin de la mission Barkhane sera concrétisée par la fermeture de trois emprises françaises (Kidal, Tessalit et Tombouctou) et par le retrait de la moitié environ des 5100 militaires français actuellement déployés. Le quartier général de l’opération Barkhane à Ndjamena (Tchad) sera également fermé, ce qui recentrera l’opération sur la région des trois frontières, avec Niamey (Niger) servant de nouveau quartier général. En parallèle se fera la montée en puissance de la task force européenne Takuba.

Dotée d’effectifs actuellement réduits (dont le nombre pourrait augmenter en fonction des changements de cap politiques des partenaires européens et des bascules inter-théâtres) et regroupant principalement des forces spéciales, cette mission multinationale est pour l’instant une composante de Barkhane qui forme et assiste les FAMa (Forces Armées Maliennes) dans la lutte contre le terrorisme. Elle aura deux objectifs : contribuer à la neutralisation du haut commandement des principaux groupes terroristes de la région et appuyer la montée en puissance des armées du G5 Sahel dans l’optique de leur passer la main. Au Mali, la base de Gao restera probablement le point d’appui principal et Menaka et Gossi les points d’appui secondaires.

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Déplacé vers le centre et le sud du pays pour suivre et combattre la descente vers le Golfe de Guinée de la menace terroriste dans la région, le point d’équilibre de l’intervention européenne et des forces conventionnelles locales se désengage sans abandonner le nord Mali qui est une zone d’instabilité connue et un havre pour les trafics illégaux. Des opérations ponctuelles, notamment spéciales, y seront probablement toujours menées, mais le départ des troupes conventionnelles françaises permettra l’usure des bénéfices de l’occupation du terrain. Le vide laissé après plusieurs années de présence pourrait redonner le champ libre aux revendications indépendantistes des Touaregs et pourrait entraîner un regain d’activité dans le couloir de transit vers la Libye, qui est toujours très instable et sujette à des influences politiques et militaires étrangères hostiles à la France (Russie, Turquie). Censées reprendre petit à petit la mission de stabilisation à leur seul compte, les FAMa et la MINUSMA souffrent encore d’un important manque de moyens (matériels, humains, techniques…) et de certaines hésitations sur le terrain. Les missions de formation à leur profit ont eu des résultats mitigés, la mission de formation européenne au Mali plus particulièrement : les parcours des 16 000 soldats maliens formés entre 2014 et 2020 sont impossibles à retracer (8).

Profitant de l’appel d’air qui attirera à la région trafiquants divers et terroristes, le narcotrafic va très probablement y connaître un regain d’activité, sans avoir été interrompu ou affaibli significativement par l’intervention française. La cocaïne plus particulièrement, dont la production a doublé entre 2014 et 2019 et dont les saisies ont quadruplé en Afrique entre 2018 et 2019, y trouvera un point de passage attrayant pour atteindre un marché européen de plus en plus lucratif. Situation similaire dans les grandes lignes à celle en cours au Mali, le rapatriement des forces américaines après vingt ans de présence en Afghanistan s’est soldé par la prise de Kaboul par les talibans le 15 août 2021, quelques mois après l’annonce du retrait des Américains (9). Si l’on ne doit pas y voir l’annonce d’un échec définitif au Sahel puisque la lutte ne fait que changer de forme, elle permet au moins d’anticiper une recrudescence de la déstabilisation de la région dont le narcotrafic sera le premier bénéficiaire ainsi que les GAT, qui seront financés plus facilement, contrairement aux États.

Notes

(1) Azalaï = caravane touareg de plusieurs centaines ou milliers de dromadaires menée deux fois par an, notamment entre Tombouctou et Taoudeni.

(2) BOUKARI-YABARA (Amzat), Mali, Bruxelles, De Boeck, 2014.

(3) https://www.banquemondiale.org/fr/country/mali/overview

(4) LUGAN (Bernard), Les guerres du Sahel : des origines à nos jours, Panissières, Bernard Lugan éditions, 2019.

(5) World Drug Report 2021, UNODC.

(6) SOTO-MAYOR (Guillaume), Trafics et trafiquants : éléments structurants des sociétés sahéliennes, Recherches internationales, n°117, janvier-mars 2020.

(7) Dossier de presse – opération Barkhane, ministère des armées, janvier 2021.

(8) http://www.opex360.com/2021/04/14/il-est-impossible-de-savoir-ce-que-sont-devenus-les-16-000-soldats-formes-par-la-mission-europeenne-eutm-mali/

(9) https://www.dailysabah.com/world/asia-pacific/taliban-enter-afghan-capital-kabul-officials

 

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Raphaël Fort

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