Le mouvement « Black Lives Matter » est devenu une déferlante mondiale uniquement grâce à la couverture complaisante des médias, et ce n’est pas rassurant.
Le discours journalistique est censé rendre compte du réel dans sa complexité : non seulement nous donner à voir ce qui est trop loin pour que nous puissions en avoir connaissance, mais aussi nous aider à comprendre le monde en opérant les distinguos nécessaires, sans lesquels on tombe dans la simplification et, en fin de compte, dans l’erreur. Mais la perversité de toute idéologie fait que cette dérive s’impose d’une manière d’autant plus inévitable quand, précisément, n’ayant pas de contact direct avec les faits, nous ne les recevons que par un prisme composé de photographies et vidéos choisies, et de mots consciemment ou instinctivement sélectionnés.
Des raccourcis trompeurs
Dès le début du scandale George Floyd, des raccourcis trompeurs sont venus brouiller les faits, répandus par des militants vindicatifs et paranoïaques, ou seulement stupides, et relayés par les médias du monde entier. Ce qui retient en premier l’attention est ce lien de causalité fallacieux : tuer un Noir ou le brutaliser serait nécessairement un acte raciste. Autrement dit, on ne s’en prendrait à un Noir que parce qu’il est noir. Voilà qui doit être soigneusement démontré au cas par cas ; pourtant, qui s’embarrasse de ce souci ? Il est vrai que les médias ont déjà pris le pli d’employer le terme de « féminicide » pour désigner le meurtre d’une femme par son époux. Or, la logique est la même : on considère abusivement que c’est parce que la victime est une femme qu’elle a été tuée. On a ainsi créé un type spécifique de meurtre, de manière totalement illégitime.
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En effet, à quel titre peut-on établir que le crime est plus grave quand un homme tue sa femme que lorsqu’un homme tue son mari, lorsqu’une femme tue sa femme ou lorsqu’une femme tue son mari ? Le terme de « féminicide » a tout bonnement fait sombrer ces meurtres conjugaux-là dans le gouffre de l’inexistant. De même, à quel titre l’assassinat d’un Blanc par un Noir serait-il systématiquement absous par principe du soupçon de racisme ? Là aussi, la focalisation essentielle sur un certain type d’assassinat raciste ou supposé tel relativise, voire nie la réalité d’autres crimes pourtant nettement similaires, mais inadmissibles pour l’idéologie dominante, vision du monde qui postule des catégories invariantes de coupables et de victimes.
La perte de toute proportion
Le second point qui doit nous interpeller est la proportion que l’on confère au phénomène. Au lieu de rendre aux faits leur juste mesure et de leur accorder une place limitée dans la richesse écrasante de l’actualité, nos médias font proliférer des débats aberrants sur les déboulonnages de statues, s’interrogeant avec sérieux sur leur potentielle légitimité. Pire, ils établissent ou laissent établir sans broncher des similitudes contestables, portées par des voix militantes qui se voient ainsi validées par l’autorité de la parole journalistique. Ainsi en va-t-il du rapprochement martelé entre le sort de George Floyd et l’affaire Adama Traoré.
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Sur cette base, la manipulation se greffe, à l’insu de ceux qui la pratiquent. « Comment lutter contre le racisme au sein de la police ? » Cette question lance les interviews et sert de titre à des débats, à des reportages. C’est pourtant une question-piège qui comporte un présupposé, contestable au titre de la pétition de principe : l’idée qu’il y a effectivement du racisme au sein de la police et même (car on peut bien trouver du racisme à peu près partout), qu’il y a un problème spécifique de racisme au sein de cette profession. Répondre à cette question, c’est en accepter le présupposé, l’implicite, le non-dit accusatoire. C’est tomber dans le piège tendu par des journalistes victimes et complices d’un emballement médiatique dont les conséquences peuvent être lourdes pour la paix civile. Et quand un tel emballement contamine tant de pays, culpabilisant comme esclavagistes des nations qui ont aboli l’esclavage depuis longtemps, sans inquiéter celles qui le pratiquent encore aujourd’hui, il y a lieu de s’inquiéter.