La question climatique est un enjeu essentiel de l’aménagement et du développement de l’Afrique. Accès à l’eau douce, dégradation des sols, protection des espaces boisés, autant de défis pour l’Afrique du XXIe siècle.
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Si les effets du changement climatique ont été fortement perçus dans les pays industrialisés en 2022, ils n’ont pas épargné l’Afrique, où les catastrophes naturelles se multiplient également : vagues de chaleur et incendies en Afrique du Nord, sécheresses au Sahel, dans la Corne de l’Afrique et dans la région australe, cyclones de plus en plus fréquents sur la façade orientale, érosion côtière en Afrique de l’Ouest, montée du niveau de la mer, extinction d’espèces animales, etc. Ces quelques exemples soulignent combien le continent africain apparaît comme l’une des régions du monde les plus vulnérables aux dégradations environnementales, du fait notamment de son système climatique complexe[1] et de l’interaction de celui-ci avec les enjeux socio-économiques qui le caractérisent actuellement. En provoquant une dégradation des ressources en eau douce et de la qualité des sols, une baisse de la production agricole, une augmentation des phénomènes extrêmes ou bien encore des mouvements migratoires nouveaux, le changement climatique agit alors comme un catalyseur de défis pour un continent marqué, depuis la période des indépendances, par d’importantes transformations liées à l’augmentation de sa population et de ses besoins[2], ainsi que par de nombreuses crises politiques.
Un nouveau contexte
Or, dans ce contexte nouveau où les menaces liées aux dégradations environnementales sont de plus en plus diversifiées, les États n’ont pas les mêmes moyens pour y faire face. Selon la Banque mondiale, l’Afrique reste caractérisée par une proportion élevée de pauvreté au sein de sa population, avec un taux moyen établi à 35 % en 2022[3], et la rapidité des changements climatiques y remet en cause directement la capacité des États à s’adapter à de tels chocs, accentuant alors les zones de fragilités et de tensions. D’après les Nations Unies, ce sont plus de 100 millions d’Africains qui sont menacés par le réchauffement climatique d’ici à 2030[4] et le continent devra faire face, dans les prochaines années, à une aggravation de l’insécurité alimentaire, de la pauvreté et des déplacements de population. Cela va poser, avec acuité, la question de la stabilité des États africains sur fond de dépendance croissante de l’économie mondiale à des ressources limitées. Le changement climatique apparaît dès lors comme une menace pour la croissance économique et le développement durable ainsi que pour la réduction de la pauvreté et la sécurité humaine en générale.
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Pour autant, en Afrique, comme sur les autres continents, les réponses apportées aux défis environnementaux restent équivoques. Les pays en développement sont souvent réticents à s’engager sur le terrain des questions environnementales car il conduit, selon eux, à occulter les principales réponses à apporter à leurs problèmes de développement. Certes, les spécificités du continent, notamment sa vulnérabilité au changement climatique, sont désormais pleinement prises en compte dans les diverses enceintes internationales. Néanmoins, la question du réchauffement climatique, et plus généralement celle des défis environnementaux en Afrique, apparaît désormais indissociable de la problématique du développement et donc des limites qui la caractérisent. L’enjeu est alors de savoir comment atténuer les menaces posées par la modification du climat sans compromettre l’objectif de forte croissance indispensable pour faire face au défi démographique et réduire durablement la pauvreté et les inégalités frappant le continent.
Un développement en question
Pour conclure, si les défis contemporains auxquels l’Afrique doit faire face sont nombreux et complexes, l’accélération du dérèglement climatique et le contexte géopolitique actuel sur le continent devraient finalement imposer, à la fois aux gouvernements nationaux ainsi qu’à leurs partenaires techniques et financiers, de traiter systématiquement des questions environnementales dans leurs stratégies de développement et de sécurité. Ce changement de paradigme, déjà en cours, devra probablement passer par une meilleure gestion de l’incertitude climatique par les États africains, tant au niveau national que régional, avec notamment la mise en place de systèmes efficients de prévisions saisonnières et d’alerte précoce ainsi que la définition de mécanismes d’atténuation des impacts (meilleure gestion de l’eau et de l’insécurité alimentaire, politique commune de gestion des forêts, etc.). Le Forum International de Dakar sur la Paix et la Sécurité en Afrique sera ainsi l’occasion d’aborder ces problématiques, dont les conséquences risquent d’exacerber la vulnérabilité du continent, tout en menaçant la sécurité des populations.
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[1] Il coexiste en Afrique plusieurs régimes climatiques et différentes zones écologiques, révélant des écosystèmes extrêmement variés allant du désert du Sahara aux forêts tropicales humides de l’Afrique centrale en passant par les plateaux rutilants le long de la vallée du Rift.
[2] Selon les Nations Unies, l’Afrique comptait, en 2020, près de 1,2 milliards d’habitants ; elle pourrait multiplier sa population par deux d’ici 2050 avec 2,5 milliards d’habitants (soit 25 % de la population mondiale contre environ 15 % aujourd’hui).
[3] L’Afrique concentre actuellement près de 60 % des personnes les plus pauvres au monde. Le produit intérieur brut par habitant en Afrique est, en moyenne, entre huit et dix fois inférieur à celui des pays industrialisés.
[4] « Plus de 100 millions d’Africains menacés par le réchauffement climatique d’ici à 2030, selon l’ONU », Le Monde Afrique, octobre 2021.