Les deux septuagénaires s’affrontent pour le scrutin présidentiel du 3 novembre. Deux tempéraments et deux électorats très différents. Le coronavirus et la grave dépression économique ont changé la donne. Le vainqueur sera celui qui saura le mieux canaliser l’angoisse et incarner l’espoir du renouveau.
L’avantage initial pour Trump
Avec plus de 80 000 victimes en trois mois, plus que les pertes cumulées pendant les dix années de guerre du Vietnam (58 000 morts), l’Amérique a subi un choc sans précédent. En pleine année présidentielle, la pandémie a bouleversé la campagne électorale et clarifié la situation politique.
Face au sortant Donald Trump, 74 ans, le démocrate Joe Biden, 78 ans, a réussi à écarter son principal rival, le « gauchiste » Bernie Sanders. Malgré ses gaffes et une sordide affaire de harcèlement sexuel remontant à 1993, Joseph Robinette Biden a pris la tête des sondages, soutenu par Barack Obama et Hillary Clinton. L’ancien vice-président des États-Unis (de 2009 à 2017) pouvait-il l’emporter ? Les experts restaient partagés, tant la route paraissait encore longue. Outre les conséquences incertaines du coronavirus pour les deux candidats, Biden était fragilisé par son manque de charisme, par ce dossier de harcèlement, et par sa complaisance supposée à l’égard de Pékin. Sa trop faible avance dans les sondages annonçait un score serré.
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Donald Trump avait abordé 2020 en position plutôt favorable, grâce à l’économie. En 2016, il avait promis plus d’emplois et moins de taxes. Parole tenue : en janvier, le chômage était au plus bas. Fort de sa majorité au Sénat, Trump avait aussi su éviter la procédure de destitution lancée contre lui. À l’étranger, il parlait haut et fort à la Russie, à la Chine, à l’Iran. À l’OTAN, il exigeait de ses partenaires qu’ils paient davantage pour « partager le fardeau » de la sécurité.
A qui profite la crise?
Comme tant d’autres dirigeants occidentaux face au Covid-19, Trump a d’abord hésité. En janvier, il minimise le danger et retarde les décisions défavorables à l’économie. « Nous avons la situation en main », rassure-t-il. À l’instinct, pourtant, il décrète l’état d’urgence sanitaire et interdit tout débarquement de voyageurs étrangers venant de Chine. Il crée aussi un état-major de lutte contre le coronavirus. Il agit à son habitude, de façon intuitive, hyperpersonnalisée. Du bon sens et de la mauvaise foi. Des attaques tous azimuts – contre les experts, « les médias menteurs », ses prédécesseurs, la Chine.
Trump politise sciemment la crise. Il accuse les démocrates d’avoir ourdi une machination – « Ils ont essayé avec la Russie… puis avec la farce de la destitution, mais ça n’a pas marché, alors voilà leur nouvelle machination ». L’Amérique profonde jubile. L’électorat centriste s’inquiète. La société se divise, sans retrouver l’unité dont elle avait fait preuve après les attentats du 11 septembre 2001.
En mars, la pandémie ravage New York. À Wall Street, la Bourse s’effondre. La colère et l’angoisse minent le pays. Trump parle de « l’ennemi invisible » mais son premier discours à la nation, prononcé depuis le Bureau ovale, fait un flop. Il lui faut une autre tribune. Ce sera la ruche de son comité de lutte Covid-19. Casquette patriotique sur la tête, Trump va y multiplier les apparitions, les déclarations fracassantes. Il assure le spectacle et donne le ton : « Sans notre action, nous pourrions avoir eu plus d’un demi-million de morts. » Sa posture déterminée ralentit la poussée du terne Biden. « Joe l’endormi… », ironise Trump.
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L’enjeu de la reprise de l’activité pour Trump
L’Amérique comprend que le « boss » est au travail, pragmatique, sans états d’âme. Derrière lui, une équipe s’active, avec Mike Pence, son vice-président, à la tête du comité de lutte. Chacun son rôle : Trump protège la nation, Pence règle les détails, explique les décisions, notamment dans le domaine économique, l’axe prioritaire de la stratégie du président sortant. Trump estime que les ravages économiques de cette récession historique seraient plus préjudiciables à sa candidature que les dégâts sanitaires.
En mai, l’Amérique avait déjà perdu plus de 20 millions d’emplois. Le taux de chômage grimpait à 14 %, un niveau inédit depuis la Grande Dépression des années 1930. Pour l’emporter, Trump a donc décidé de tout miser sur la reprise de l’activité. Le Congrès a déjà voté 1 000 milliards de dollars de subventions et d’aides directes aux entreprises et, fait rare aux États-Unis, aux ménages. Les chèques seront signés du nom même du président. Pendant la crise, la campagne électorale continue.