Poutine, de Frédéric Pons

28 février 2016

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Poutine, de Frédéric Pons

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« Poutine est une lame. » Cette confidence d’Hubert Védrine que cite Frédéric Pons pourrait servir de fil directeur à la biographie qu’il consacre à Vladimir Poutine. Un portrait favorable sans être complaisant, car Frédéric Pons n’élude pas les critiques souvent adressées au président russe, citant de nombreux ouvrages hostiles.

Un espion ? Il montre que son rôle au sein du KGB fut celui, peu glorieux, d’un modeste bureaucrate entre fichage et rédaction de rapports. Pas de quoi se vanter, mais rien non plus pour alimenter la thèse d’un expert en coups tordus et en assassinats ciblés.

Un autocrate qui a fait fortune au détriment de son pays ? Rien n’alimente cette thèse sinon une obscure histoire à Saint-Pétersbourg, lors des débuts de sa carrière.

Poutine, de Frédéric Pons

Poutine, de Frédéric Pons

Un anti-libéral sommaire ? Vladimir Poutine n’est pas revenu sur les réformes des années 1990, il en a simplement combattu les excès en s’en prenant entre autres aux oligarques. En revanche, il est vrai qu’il a voulu préserver le rôle directeur de l’État, en particulier en matière d’exploitation des hydrocarbures qui alimentent l’économie et la géopolitique du pays.

Un dictateur appuyé sur les « structures de force » héritées de l’ancien KGB ? Frédéric Pons fait la liste des plus éminents dirigeants russes qui, pour beaucoup, n’en sont pas issus, à commencer par Dmitri Medvedev et Sergueï Lavrov. Sans doute les « siloviki » (membres des structures de force) sont-ils nombreux à des postes de responsabilité, mais il en allait de même sous Eltsine. Et, comme le reconnaît un ancien ambassadeur de France, ils ont eu le mérite de « tenir la maison et d’éviter le pire ». Dans la Russie en décomposition de la fin des années 1990, sur quoi de solide pouvait s’appuyer le nouveau président ?

Un admirateur de Staline ? Certainement pas, mais le Président se refuse à faire repentance et accepte tous les héritages du passé russe, y compris les plus douloureux, à la manière d’un Barrès confronté à l’histoire de France et à ses guerres civiles à répétition. Quant au communisme, il l’a enterré d’une formule, « un couloir aveugle, loin du courant dominant de la civilisation ».

Un ennemi acharné de l’Europe et de ses valeurs ? Poutine a pourtant essayé de se rapprocher d’elle autant que possible, avant d’être déçu par son alignement sur les États-Unis. Il développe alors l’idée d’une civilisation russe originale, européenne sans doute, mais avec ses spécificités dont, au premier plan, l’orthodoxie et la position géographique. C’est le thème de l’Eurasie qui n’apparaît, finalement, que tardivement dans la géopolitique poutinienne.

De l’image de la lame, la plupart des observateurs retiendront peut-être celle de la violence de la bourrasque ou bien la roideur de l’épée, en accord avec la brutalité et la froideur attribuées au personnage. Le grand mérite de l’ouvrage de Frédéric Pons est de nous ramener à une autre image, celle de l’acier qui se courbe avant de reprendre sa forme. Comme le métal, Poutine ne renonce pas à la mission qu’il s’est donnée, refonder la puissance russe, comme lui, il fait preuve d’un pragmatisme souvent ignoré à l’ouest.

Comment expliquer autrement la carrière étonnante de cet enfant de famille pauvre de Saint-Pétersbourg, élève indiscipliné sauvé de la délinquance par le judo où il s’est promis d’exceller, déçu par son passage au KGB, entrant dans l’administration de sa ville où il excelle jusqu’à être repéré par le clan Eltsine, rassurant ces hommes qu’il méprise pour la plupart et séduisant les oligarques qu’il mettra ensuite au pas afin d’arriver au poste suprême. Les dirigeants occidentaux ne devraient pas l’oublier après l’affaire ukrainienne. Réaliste, il accepte aujourd’hui un rapprochement de Kiev et des pays occidentaux ; mais il pense sans aucun doute au « coup d’après ».

P. G.

[colored_box bgColor= »#DCEDC8″ textColor= »#222222″]Frédéric Pons, Poutine, Calmann-Lévy, 364 pages 19,90 euros[/colored_box]

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Pascal Gauchon

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