Cette petite cellule passe au crible du terrain et des opérations les prototypes des industriels. Objectif : accélérer l’émergence des bonnes idées et éviter de perdre du temps avec les autres.
Sur le plateau de Satory, l’équipe du colonel Sébastien, composée d’une quinzaine de militaires et de civils de la défense, constitue le cœur battant d’un vaste réseau connectant les experts et les acteurs de l’innovation technologique au service des forces terrestres. Créée il y a deux ans au sein de l’état-major de l’armée de terre, cette cellule a véritablement pris son essor cette année. Sa mission est très opérationnelle : optimiser les investissements auxquels l’institution est prête à consentir. En « explorant » du point de vue de ses utilisateurs les bonnes idées et prototypes repérés ou proposés. Et, le cas échéant, en levant en amont les risques liés au « passage à l’échelle », autrement dit à la phase de l’industrialisation. Ne pas avoir pris en compte la cyberdéfense d’un système, un problème de propriété intellectuelle ou de concurrence peut conduire à l’échec. Le col. Sébastien explique : « Le Battle Lab Terre est un endroit où remontent les bonnes idées, où on les décortique et on imagine comment on pourrait les développer – ou non. Le mot clé est exploration, car nous pensons le risque comme une opportunité. En acceptant par notre entremise de présenter leurs trouvailles sur le terrain et de les confier aux mains d’opérationnels, les industriels y gagnent. Ils peuvent aussitôt tirer parti des constats pour les faire évoluer. De notre côté, aucune exploration n’est vaine, chacune fait progresser la réflexion doctrinale. »
Comme le flux est important, le Battle Lab Terre sélectionne ses sujets en fonction de son fil rouge : « le combat collaboratif ». Il passe ainsi beaucoup de temps sur les systèmes automatisés, le travail en essaim ou la mobilité autonome des véhicules. Son action s’inscrit dans trois temporalités différentes. Le court terme, s’agissant d’un objet. Le moyen terme pour les solutions inabouties dont il est envisageable d’accélérer la maturité. Le long terme, enfin, pour les projets comme celui du véhicule autonome : les avancées profiteront au MCGS, le système qui remplacera le char Leclerc en 2040. Le Battle Lab Terre dispose d’un budget d’environ 1,5 million d’euros par an pour explorer le champ des possibles. Cette année, un projet conduit par le lieutenant-colonel Nicolas a pris forme et été récompensé par un prix du ministère des Armées : la mise au point du P3TS, premier récepteur militarisé recueillant et synchronisant les signaux de géolocalisation par satellite à la fois du système GPS américain, du Glonass russe et du Galileo européen. La précision obtenue permet de limiter les tirs fratricides et d’optimiser la coordination tactique. Une autre équipe évalue la technologie en devenir de « caisse à sable numérique immersive », un projet piloté par Thalès. Avant l’action, les opérationnels se rassemblent autour d’une représentation miniature du terrain pour rejouer les différentes phases de la mission à venir, de façon à ce que chacun comprenne bien son rôle. Grâce à une table à carte tactile couplée à de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle, il devient possible de créer un PC virtuel où les opérateurs, sans se déplacer et en chaussant un casque HoloLens de Microsoft, pourront manier cartes, images satellites et autres données en vue de modéliser en 3D une opération future. Le Battle Lab Terre passe au crible la maturité des technologies, la pertinence des fonctions, leur simplicité d’utilisation, les champs des possibles et les écueils potentiels. « Nous avons le devoir d’essayer », déclare le colonel Sébastien.
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