<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La police française face au crime organisé

25 novembre 2019

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Policier, un métier à risque, comme en témoigne le nombre croissant de suicides. Ici, l’évacuation d’un camp de migrants, porte d’Aubervilliers (Paris). (c) SIPA

Abonnement Conflits

La police française face au crime organisé

par

Le Bureau fédéral d’investigation américain (FBI) définit la criminalité organisée comme « une entreprise criminelle permanente. Sa structure est organisée ; il repose sur la peur, la corruption et a pour motif la recherche du profit [simple_tooltip content=’Thierry Cretin, Mafias du monde, 1re éd., p. 137, PUF, juin 1997.’](1)[/simple_tooltip] ». De manière classique, la criminalité organisée est associée à la mafia, ou au « milieu » des organisations criminelles françaises. Mais en réalité, la criminalité organisée recouvre de nombreux modèles, de la délinquance spécialisée, la criminalité en col blanc en passant par l’économie souterraine, devenue une économie parallèle : elle représente en effet aujourd’hui 12 % du produit intérieur brut (PIB) français.

C’est à la Direction centrale de la police judiciaire de mener à bien ces différentes missions de lutte contre la criminalité organisée. Plus précisément, et sans dresser une liste exhaustive de tous les services, il est intéressant d’observer l’action des deux structures les plus liées à notre étude. Ainsi, l’Office central de lutte contre le crime organisé et l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants sont les services de police principaux spécialisés dans la lutte contre la criminalité organisée.

Association de malfaiteurs corso-marseillais

Le Service d’information et de renseignement d’analyse stratégique sur la criminalité organisée (Sirasco) affirme expressément qu’il n’y a pas de « mafia française [simple_tooltip content=’Fabrice Rizzoli et Thierry Colombie, « Le crime organisé en France : puissance et impunité », p. 34-35, Diplomatie, n° 26, avril-mai 2016.’](2)[/simple_tooltip] », même s’il y a bien des organisations criminelles traditionnelles en France. Celles-ci sont principalement incarnées par « les clans corses, en lien avec d’autres organisations criminelles avec lesquelles ils constituent un corps social appelé “les Corso-Marseillais” [simple_tooltip content=’Ibid.’](3)[/simple_tooltip] ». Encore actif dans le sud-est de la France, le banditisme a subi les contrecoups des actions répressives menées par les services de renseignement et les services de police français, comme l’arrestation en juin 2010 de deux membres importants du milieu marseillais Bernard Barresi et Gérald Campanella. La recomposition du banditisme après la répression policière a amené à une restructuration dont le corollaire a été le règlement de comptes entre membres du milieu corso-marseillais, mais aussi entre les membres du milieu et ceux du banditisme issu des banlieues [simple_tooltip content=’Jean Pradel et Jacques Dallest, La Criminalité organisée. Droit français, droit international et droit comparé, p. 36, LexisNexis, 2012.’](4)[/simple_tooltip].

Dans le cadre de la lutte contre les menaces criminelles organisées, l’Office central de lutte contre le crime organisé (OCLCO) a pour but notamment d’animer et de coordonner sur le territoire national et sur le plan opérationnel, les investigations de police judiciaire relatives aux infractions liées à la criminalité organisée. Outre cet élément principal, il lui appartient aussi « d’observer et d’étudier les comportements les plus caractéristiques des auteurs et complices ; de centraliser les informations relatives à cette forme de délinquance en favorisant leur meilleure circulation [simple_tooltip content=’D. n° 2006-518 du 6 mai 2006 portant sur la création d’un Office central de lutte contre le crime organisé, JORF, n° 107, 7 mai 2006, p. 6 778, texte n° 3., art. 3.’](5)[/simple_tooltip] ».

A lire aussi : L’explosion de l’insécurité du quotidien

Le travail de surveillance et d’interpellation est effectué par les unités d’intervention propres à la police judiciaire, les Brigades de recherche et d’intervention (BRI). La mission de ces Brigades dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée s’effectue plus précisément au sein de cet Office par le biais de la « Brigade de recherche et d’intervention criminelle nationale, chargée des recherches visant à détecter, surveiller et interpeller les auteurs et complices d’actes relevant de la délinquance spécialisée et de la criminalité organisée et de veiller à la coordination des opérations d’une particulière importance menées par les Brigades de recherche et d’intervention [simple_tooltip content=’Arr. du 27 août 2010 modifiant l’arr. du 5 août 2009 relatif aux missions et à l’organisation de la Direction centrale de la police judiciaire, JORF, n° 20, 29 août 2010, texte n° 8, art. 1 II.’](6)[/simple_tooltip] ».

Répression des trafics illicites et des stupéfiants

La lutte contre le trafic de stupéfiants est du domaine de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS). Il a pour mission l’animation et la coordination des services extérieurs. En ce sens, il définit la politique générale des services de police à l’échelon national, pour la répression et la prévention au regard de l’évolution de la situation tant en France qu’à l’étranger. C’est la raison pour laquelle il sert aussi « de liaison en tant que correspondant d’Interpol pour les questions qui relèvent de son domaine de compétence entre les services extérieurs et les services étrangers [simple_tooltip content=’Jean-Michel Colombani, « La lutte contre le trafic de stupéfiants », p 73-80, Cahiers de la sécurité, n° 5, p. 74, juillet-septembre 2008.’](7)[/simple_tooltip] ». Depuis 2010, cet Office dispose aussi d’une Division du renseignement et de la stratégie (DRS) « chargée d’améliorer la coordination de la lutte contre les trafics transnationaux de stupéfiants et de renforcer les capacités d’analyse et de traitement des menaces liées à ces trafics ».

Le travail de ce service de répression du trafic de stupéfiants est indispensable, car la France est un axe de communication nécessaire pour aller du nord au sud de l’Europe, par la situation aussi des îles Caraïbes par rapport au trafic provenant d’Amérique latine, et enfin parce que « la suppression des contrôles aux frontières internes de l’Union européenne ont permis aux trafiquants de drogue, non seulement de dégager dans ces pays de nouveaux marchés d’approvisionnement, mais également d’y blanchir l’argent provenant du trafic [simple_tooltip content=’Jean-Michel Colombani, op. cit., p. 75, juillet-septembre 2008.’](8)[/simple_tooltip] ».

Au regard des sources de l’OCRTIS, on ne peut que saluer le travail de cet Office dont les chiffres montrent une évolution flagrante des saisies (tous produits confondus). S’il y avait 129 529 saisies en 2011, ce chiffre est passé à 157 395 en 2017, avec plus de 80 tonnes de cannabis, presque 18 tonnes de cocaïne et plus de 600 kilos d’héroïne pour la seule année 2017.

Finalement, pour le seul domaine de la criminalité organisée – certes très vaste [simple_tooltip content=’Nous n’avons pas cité l’Office central pour la répression du faux monnayage, l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels ou encore l’Office central pour la répression des violences faites aux personnes, sans compter la nouvelle sous-direction de la lutte contre la criminalité financière, une structure à part entière.’](9)[/simple_tooltip] –, nous retrouvons une multitude de structures de police judiciaire. Cela s’explique tout simplement par le caractère spécialisé des différents services de police, même si une interaction entre ces structures est toujours possible.

Il serait cependant salutaire que ces structures puissent bénéficier d’une augmentation significative en moyens tant financiers qu’humains, surtout dans un monde globalisé qui a perdu ses frontières et qui facilite l’échange des biens, notamment ceux liés à la criminalité organisée.

À propos de l’auteur
Alexis Deprau

Alexis Deprau

Docteur en droit de la sécurité et de la défense.

Voir aussi