<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> « Plus on est riche, plus on pollue ». Mais pourquoi ?

19 janvier 2021

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Le bateau affrété par l'ONG Greenpeace, à laquelle on doit le slogan "Plus on est riche, plus on pollue". (c) Sipa Shutterstock40795777_000001

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« Plus on est riche, plus on pollue ». Mais pourquoi ?

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Voici un slogan fort opportunément sorti de l’imagination, fertile en la matière, de l’ONG Greenpeace, usine à « motto » renommée, déjà responsable du « septième continent » plastique dans les océans. Il est promis à un grand avenir, en particulier dans notre pays, car il conjugue les deux détestations par où peuvent se rejoindre les segments épars de ce qui fut la gauche : la haine des riches ou des bourgeois, et la haine du capitalisme industriel. À l’heure où le seul argument que semble capable de produire la gauche contre Emmanuel Macron est le « président des riches » – ce qui est bien sûr une insulte –, comment ne pas y voir un angle d’attaque pour la future campagne présidentielle ?

 

 

La phrase a pour elle l’apparence de la simplicité et de la véracité : plus on gagne d’argent, plus on en dépense, donc plus on achète d’objets fabriqués à l’autre bout de la terre, plus on « commet » des voyages en avion, plus on achète de grosses voitures qui consomment plus d’essence (c’est l’idée de la taxation au poids récemment « découverte » par un panel aléatoire de citoyens). Elle est transposable à toutes les échelles : culpabilisant les individus, elle peut aussi bien vouer aux gémonies les nations industrialisées, ou « pays riches » dans la vulgate altermondialiste, qui sont évidemment les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre (GES) par tête d’habitant. Un diagramme fourni par l’ONG confirme que les 10 % les plus riches produisent 40 % des gaz à effet de serre.

L’utilisation quasi pavlovienne de l’adjectif riche en ces circonstances mériterait pourtant d’être interrogée. Le mot a une connotation patrimoniale – le riche est celui qui possède –, alors que le PIB mesure des valeurs ajoutées, donc une production de richesses, ce qui n’est pas du tout la même chose. Rien d’étonnant en conséquence à ce que les plus productifs soient aussi plus polluants puisqu’ils consomment de l’énergie, se déplacent, etc. Mais les pauvres en bénéficient aussi : les victimes de la faim dans le monde seraient beaucoup plus nombreuses sans les exportations agricoles des économies développées. Et beaucoup de produits des pays pauvres ne leur rapporteraient rien sans les consommateurs du nord.

L’argument est de plus incomplet, car il est statique, et ignore donc les évolutions en cours. Ainsi, Greenpeace se garde bien de communiquer les mesures publiées par la Banque mondiale en 2020, montrant que sur la période 1990-2017, les émissions de GES de l’Europe ont reculé de 19 %, celles des États-Unis n’ont augmenté que de 0,4 %, quand la croissance des émissions chinoises atteignait… 353 % ! On pourrait donc quasiment inverser la formulation : avec le temps, plus on est riche, moins on pollue !

Si nous revenons maintenant au niveau individuel, le simplisme qui sous-tend l’argumentation ne manque pas d’étonner de la part d’esprits qui le dénoncent si souvent chez leurs contradicteurs. Prenons l’exemple des SUV, ces véhicules qui déchaînent les foudres écologistes : lier leur achat à la réaffirmation d’une virilité incertaine[1], c’est faire peu de cas du réel gain de sécurité que procurent un habitacle surélevé et une transmission intégrale, sans parler d’une carrosserie renforcée et de divers équipements en dotation sur ces véhicules plutôt haut de gamme.

Diaboliser les riches pourrait aussi avoir des effets contre-productifs pour la cause que défend Greenpeace, car les comportements vertueux que recommandent les écologistes sont coûteux : les ménages locavores, ceux qui privilégient le bio et sont prêts à payer plus cher pour sauver les emplois français, ne sont pas issus des derniers déciles de la pyramide des revenus ! Au contraire, les ménages les plus modestes achètent des textiles du Bangladesh ou du Kenya, des appareils électroménagers montés au Vietnam ou en Pologne et des voitures low cost qui ont créé plus d’emplois au Maroc ou en Roumanie qu’en Bourgogne, même si les profits tombent dans l’escarcelle d’un groupe français. Et la sociologie de la consommation nous apprend que ce sont les populations pauvres qui cherchent à imiter les riches, plus rarement le contraire.

 

A lire aussi : Énergies et écologie au XXe siècle

 

[1] Le maire de Grenoble, une référence des édiles écologistes, a récemment estimé que la 5G ne servait qu’à « regarder des films porno même […] dans un ascenseur »… Qui défend un ordre moral ?

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À propos de l’auteur
Pierre Royer

Pierre Royer

Agrégé d’histoire et diplômé de Sciences-Po Paris, Pierre Royer, 53 ans, enseigne au lycée Claude Monet et en classes préparatoires privées dans le groupe Ipesup-Prepasup à Paris. Ses centres d’intérêt sont l’histoire des conflits, en particulier au xxe siècle, et la géopolitique des océans. Dernier ouvrage paru : Dicoatlas de la Grande Guerre, Belin, 2013.

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