<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Pétrole, le vrai nerf de la guerre

24 novembre 2022

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Pétrole, le vrai nerf de la guerre

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L’électrification du champ de bataille n’est pas pour la prochaine guerre

Le lien entre guerre et pétrole nous semble être évident : depuis plus d’un siècle, les hydrocarbures sont la principale source d’énergie ainsi qu’une matière première importante (par exemple pour la production de plastique) dans les économies développées. Avoir le contrôle sur l’approvisionnement (disponibilité, prix) est donc un enjeu majeur pour tous les États et un enjeu vital pour les puissances. Impossible d’être une puissance sans pouvoir s’assurer que cette ressource soit disponible sans interruption et abordable. Pour cela, il faut créer et contrôler une chaîne d’approvisionnement et de stockage allant du champ de production jusqu’à l’utilisateur final en passant par l’acheminement par la terre et la mer et le raffinement. Il faut également s’assurer de l’existence et de la bonne santé d’un immense écosystème : l’industrie (pétrochimie, mais aussi les filières d’ingénierie et technologie produisant des machines et des tubes), les services, la formation pour les différents métiers, l’exploration (pour chercher les champs qui produiront dans dix ou vingt ans) et d’autres chaînons importants comme les professionnels du financement de ces différentes activités.

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Nécessité de l’écosystème du pétrole

Cependant, avec la transition énergétique, les politiques et les opinions publiques se détournent du pétrole et dans une moindre mesure du gaz, pour investir et développer des énergies renouvelables et non carbonées. Investir dans le pétrole devient de plus en plus compliqué : l’Agence internationale de l’énergie (AIE) recommande de cesser de construire de nouvelles installations, les jeunes se détournent des métiers liés à cet écosystème et petit à petit des compétences et des capacités se perdent.

Dans la perspective d’une transition vers une mobilité électrique et d’une électricité produite de plus en plus par le nucléaire, le solaire et le vent, le déclin et le dépérissement de l’écosystème du pétrole semblent à la fois inéluctables et désirables. Certes, il existe des secteurs et des activités où les solutions de rechange sont loin, voire inexistantes (l’aviation par exemple), mais globalement, la fin du pétrole ou au moins sa marginalisation sont largement acceptées. Mais sans pétrole, il est impossible de faire la guerre et aussi longtemps que la Chine et la Russie continuent la poursuite de leurs stratégies de puissance appuyées sur des grandes armées de chars, blindés, frégates et avions, renoncer à la possibilité de s’approvisionner en pétrole abondant et pas trop cher revient tout simplement à se désarmer.

Pas de guerre sans pétrole

Si nous connaissons déjà des moyens de transport disponibles et efficaces qui n’ont pas besoin de pétrole (voiture électrique avec pile chimique ou hydrogène), ces technologies sont totalement inadaptées aux armées. Des chars électriques à batterie posent tellement de problèmes techniques et logistiques qu’il faut les considérer comme impossibles, tout comme tout ce qui roule sur terre (véhicules blindés, artilleries, engins de génie, véhicules légers tout-terrain, camions). Le moteur à combustion interne et son carburant sont tellement efficaces et souples qu’il serait suicidaire de les remplacer.

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Pour l’armée de l’air, la démonstration est encore plus facile : qui peut imaginer un Rafale ou un C-130 électriques ? Dans la marine, une motorisation nucléaire est envisageable technologiquement, mais à très long terme et pas partout.

Plusieurs armées se sont déjà lancées dans le développement d’une nouvelle génération de véhicules électriques. Pour ce qui concerne le véhicule individuel et ses performances, des prototypes sont déjà testés aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie par exemple. Certains engins jouissent d’une autonomie de 300-350 km, c’est-à-dire à peu près comme leurs jumeaux à diesel. Pour autant, allons-nous voir dans un avenir pertinent des brigades de combat qui s’appuieront sur l’électricité pour répondre à leurs besoins en énergie ? Très probablement non. L’un des obstacles majeurs est la capacité de recharge. Pour les camions de ravitaillement opérant à l’arrière, ce ne sera pas un problème. Mais déployer des bornes sur le champ de bataille, des stations de recharge opérationnelles et fiables, capables de recharger rapidement plusieurs véhicules simultanément près du front et du feu de l’ennemi, est une autre affaire.

Problème d’usage des batteries

Aujourd’hui, aucune armée ne dispose de la capacité de recharger un véhicule tactique ou de combat entièrement électrique ou électrique rechargeable dans un environnement de champ de bataille d’une grande intensité comme en Ukraine. Bien que les armées puissent tirer parti de la technologie, des techniques et de l’expérience de recharge développées et cumulées pour les véhicules électriques civils, l’environnement du combat présente quelques exigences particulières. Les stations de recharge commerciales sont fixes et lourdes tandis que les forces terrestres ont besoin de chargeurs mobiles qui peuvent être rapidement transportés d’un endroit à l’autre dans des conditions de combat, en terrain difficile et dans des conditions météorologiques complexes. Ce niveau de mobilité et de flexibilité rend impossible l’alimentation par un réseau électrique. Les chargeurs à usage civil sont bien sûr câblés sur le réseau commercial. Cela signifie qu’il faut développer une capacité de production d’énergie de plusieurs mégawatts à l’intérieur du chargeur.

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Autre problème : les chargeurs commerciaux varient entre 400 kilowatts et 400 mégawatts. Mais, compte tenu de la taille des véhicules militaires et le besoin impératif de recharger rapidement et simultanément plusieurs plates-formes à partir d’un seul chargeur, il faudrait disposer de chargeurs beaucoup plus grands. Enfin, ces stations de chargement devraient opérer efficacement dans le désert comme dans la jungle dans des conditions de températures extrêmes, d’exposition au sel et au sable, et de chocs et vibrations importants.

Ce problème de recharge tactique limite fortement la capacité à exploiter les avantages des véhicules militaires hautement électrifiés, et elles sont nombreuses et non négligeables : en premier lieu la furtivité (peu de bruit, pas de fumée, très peu de chaleur) et la logistique simplifiée (moins de pièces de rechange, pas besoin d’acheminer du pétrole et des huiles, maintenance plus facile).

La conclusion est simple. Pour plusieurs décennies encore, notre capacité à mener des conflits de haute intensité et de longue durée face à des adversaires étatiques puissants dépend du pétrole. Et pour pouvoir en disposer, il faut s’assurer que nous maintenions en bon état toutes les filières de production et d’approvisionnement. Sinon, dans une prochaine guerre, avant de manquer d’hommes, de munitions et de volonté, nous subirons une panne sèche. Aujourd’hui et pour longtemps encore, le pétrole est l’ultime garant de notre liberté.

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À propos de l’auteur
Gil Mihaely

Gil Mihaely

Journaliste. Directeur de la rédaction de Causeur.

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