Analyse de la politique étrangère de Donald Trump par un enquêteur obstiné. Faillite ou puissance de l’Empire américain ? La question est sans cesse posée et Ronan Farrow apporte ici son analyse complémentaire.
Ronan Farrow, jeune journaliste d’investigation qui écrit pour The New Yorker et conçoit des documentaires pour HBO, a aussi été reporter pour NBC News et éditorialiste pour The Wall Street Journal et The Washington Post. Il est lauréat du Prix Pulitzer et a été nommé par le magazine Time comme l’une des 100 personnes les plus influentes de l’année. Il a également exercé la profession d’avocat. Il analyse la politique étrangère de Donald Trump dont la diplomatie traditionnelle a pratiquement été jetée par-dessus bord. Des dizaines de diplomates de carrière ont donné leur démission, de nombreux postes de responsabilité n’ont pas été pourvus. Convient-il même de mentionner qu’à l’heure du tweet souverain, le traditionnel télégramme diplomatique n’a guère la cote auprès du locataire de la Maison-Blanche qui ne les lit guère. Les institutions diplomatiques souffrent de drastiques coupes budgétaires et les émissaires qui ont permis les plus fines négociations et protégés partout leurs expatriés sont démis de leurs fonctions du jour au lendemain. Alors qu’à Washington, les bureaux du ministère des Affaires étrangères, appelés Foggy Botton, se vident, dans le reste du monde, ce sont l’industrie et l’armée qui reprennent les rênes autrefois tenues par les artisans de la paix.
Il n’en a pas toujours été ainsi, car les annales de la diplomatie participent au mythe fondateur de l’Amérique. Sans les pourparlers de Benjamin Franklin avec les Français, il n’y aurait eu pas de traité d’alliance ni de soutien naval pour assurer l’indépendance. Sans la négociation du traité de Paris par Franklin, John Adams, et John Jay, il n’aurait jamais été mis fin à la guerre avec les Britanniques. Du rôle vital joué par le président Wilson, qui joua un rôle décisif dans la création de la SDN aux conférences de Yalta et de Postdam, en passant par le Pacte Briand-Kellogg, de renonciation à la guerre, on ne compte plus l’apport de la diplomatie à l’édification de l’ordre mondial.
Les diplomates ou la guerre
Dans une exploration fascinante des coulisses du pouvoir, de la Maison-Blanche jusqu’aux zones les plus isolées et dangereuses de la planète, Irak, Syrie, péninsule arabique, Corne de l’Afrique, etc., Ronan Farrow met en lumière l’un des changements les plus conséquents et les moins compris. Grâce à ses recherches Paix en guerre nous alerte sur une profession en voie d’extinction, celle des défenseurs de la paix, et se lit comme un reportage immersif, qui s’appuie sur des documents inédits, et enrichis de multiples interviews exclusives d’éminences politiques, de Henry Kissinger à John Kerry et Hillary Clinton. L’auteur montre que la diplomatie devrait être l’instrument du premier recours sur la scène internationale. Elle obtient parfois des résultats bien moins coûteux que l’option militaire, en termes financiers, mais aussi en vies américaines. Malgré cette réflexion on aura du mal à infléchir la tendance vers une politique définie par les militaires. Parmi les nombreux exemples fournis par l’auteur figure celui de Richard Holbrooke, une des étoiles de la diplomatie américaine qui a œuvré pour restaure la paix en Bosnie et a été chargé de la zone hautement sensible de l’AFPAK, Afghanistan-Pakistan. Celui avait été impressionné par la fameuse phrase de John Kennedy, qui a demandé aux jeunes ce qu’ils pouvaient faire pour leur pays. Car dans un monde où le pouvoir est plus diffus où, tant de choses sont en perpétuelle mutation, la diplomatie est plus d’actualité que jamais contrairement à ce que voudrait faire croire la question incontournable : à l’âge de la technologie de l’informant « qui a besoin des ambassades ». Comme l’a dit à l’auteur un de ses interlocuteurs : « Une politique étrangère sans professionnels est par définition une politique étrangère d’amateurs ». Donald Trump, grand admirateur de la chose militaire préfère sûrement à la devise du 13e régiment DBLE de la Légion étrangère More majorum, « A la manière des Anciens », celle du 1er REC Nec pluri bus impar « Au-dessus de tous ».
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Paix en guerre (Ronan Farrow), Calmann-Lévy éditeur, avril 2019 (576 pages).