Amérique latine : la Révolution n’est jamais morte

20 juillet 2021

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Équateur, 24 mai 2021, Changement de commandement présidentiel, prestation de serment de M. Guillermo Lasso Mendoza comme président constitutionnel de la République de l'Équateur par Mme Guadalupe Llori, présidente de l'Assemblée nationale. Équipe de photographie / Assemblée nationale. Source : Wikipédia.

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Amérique latine : la Révolution n’est jamais morte

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En Amérique latine, les mythes révolutionnaires sont éternels. Mythe de la Révolution, mythe de la théologie du peuple et aujourd’hui de l’indigénisme. L’histoire semble patiner sans cesse et rester bloquée dans les années 1970.

Équateur et Pérou ont connu une élection présidentielle aux résultats contrastés, deux candidats diamétralement opposés ayant été élus.

Équateur : victoire libérale

Guillermo Lasso a fini par remporter la présidentielle lors de sa troisième participation. Banquier d’affaires, catholique assumé, opposant historique de l’ancien président Rafael Correa (2007-2017) aujourd’hui poursuivi pour corruption et réfugié en Belgique, Lasso souhaite suivre une politique économique monétariste pour redresser son pays : réduction de la dette, accroissement des échanges commerciaux avec les États-Unis, réduction des dépenses publiques. Si son opposant socialiste, Andrés Arauz, est largement arrivé en tête au premier tour (32.72% des voix), Lasso ne s’y est qualifié qu’in extremis face au candidat de la gauche indigéniste Yaku Pérez. Ce dernier était initialement donné qualifié pour le second tour, avant que Lasso ne reprenne l’avantage après trois jours de dépouillement (19.74% contre 19.39%). La carte des résultats électoraux montre un pays coupé en trois. Si les deux principales villes, Quito et Guyaquil, ont majoritairement voté pour Lasso, toutes les régions de l’ouest (la côte) ont placé Arauz en tête et les régions de l’intérieur du pays, Pérez. Au second tour, les électeurs de Pérez se sont reportés vers Lasso, lui permettant de l’emporter. Cette fracture géographique est le reflet des fractures sociales et ethniques. Le pays a connu de nombreuses manifestations, conduites notamment par l’avocat Yaku Pérez et les mouvements de défense des Indiens. Ce bouillonnement indigéniste n’a pas disparu, ce qui ne pas va faciliter le mandat de Guillermo Lasso.

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Pérou : à gauche toute

Chez le voisin péruvien, c’est Pedro Castillo qui l’a emporté de peu contre Keiko Fujimori, fille de l’ancien président Alberto Fujimori. Castillo a un profil atypique. Comme Yaku Pérez, il se veut le représentant des indigènes de son pays, mais loin d’être un avocat brillant, il est issu d’une famille pauvre et illettrée. Syndicaliste, il a conduit et dirigé d’importantes grèves et manifestations en 2017 qui ont contribué à le faire connaitre. Classé comme membre de « la gauche radicale », il souhaite davantage d’intervention de l’État et soutien les nationalisations. Mais catholique revendiqué, il s’est aussi opposé à la légalisation de l’avortement et au mariage entre personnes du même sexe. Cela fait de lui un profil atypique pour la gauche européenne, qui n’aura pas avec lui un allié inconditionnel sur tous les sujets.

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Colombie : l’état d’urgence

La situation se dégrade dangereusement en Colombie où les manifestations sont de plus en plus dures. Plusieurs causes sont responsables de cette situation.

Causes lointaines : le pays est structurellement fragile, du fait de son inégalité de développement et de la présence des forces armées révolutionnaires dans les montagnes du sud (ex-Farc).

Causes récentes : la venue de près de 2 millions de Vénézuéliens fuyant la misère a accentué la fragilité du pays. Il a fallu trouver logement et travail à ces populations et aplanir les tensions sociales que cette migration massive a provoquées. Les relations déjà tendues avec le voisin vénézuélien n’ont fait que s’accroître.

Causes immédiates : l’augmentation d’une taxe sur la consommation a cristallisé la colère et a suscité les grandes manifestations. Toutes les difficultés et rancœurs accumulées par les faits précédents ont explosé. En dépit de la démission du ministre de l’Économie, la colère ne s’est pas réduite. Le gouvernement craint une ingérence du Venezuela, accusé de manipuler les manifestants en sous-main. Les dirigeants de ce pays ont des liens forts avec les narcos, qui assurent les devises nécessaires au paiement de l’armée et donc au maintien du gouvernement de Nicola Maduro.

À écouter : Podcast. L’Amérique latine

Chili : l’élection des dangers

La présidentielle de l’automne risque d’embraser le pays. Les projets de nouvelle constitution n’ont pas calmé les ardeurs des partis de gauche toujours mus par leur « impulsion destructrice » (Pablo Ortuzar) au risque de casser l’un des rares pays du continent qui fonctionne bien. Dans le sud, les revendications indigénistes des Mapuches témoignent de la renaissance de ce courant qui, comme en Europe, reprend à son compte le discours révolutionnaire. Jamais morte, la Révolution est néanmoins prête à tuer les pays qui l’abritent.

Venezuela : la fin du socialisme ?

La bonne surprise vient du Venezuela où Nicola Maduro a opéré un grand virage économique. Fini le socialisme, le nouveau ministre de l’Économie a opté pour le libéralisme en ouvrant les frontières et en baissant les taxes. Les monnaies étrangères sont de nouveau acceptées, notamment le dollar et l’euro. 60% des échanges se font désormais en dollar, et même parfois en euro, le tout très souvent en billet. Les banques suivent le mouvement en permettant les paiements en devises étrangères et en acceptant les dépôts sur les comptes. Les résultats de cette libéralisation sont visibles : les produits de base se trouvent de nouveau en magasin. Les pénuries sont finies, les Vénézuéliens peuvent, au moins dans les villes, acheter de la nourriture, du sucre, des produits hygiéniques, toute chose qui faisaient jusqu’alors défaut. Les magasins d’État ont été privatisés, mettant un terme aux longues queues d’attente. L’économie du pays est en train de se redresser, même s’il reste encore beaucoup à faire. Près de 5 millions de Vénézuéliens sont partis, sans qu’ils soient certains qu’ils reviennent dans leur pays. L’ouverture de l’économie et du marché ne s’accompagne pas encore d’une ouverture politique. Maduro demeure méfiant quant aux orientations prises par son ministre de l’Economie : il craint de finir comme Gorbatchev et d’être renversé à l’issue de cette perestroïka.

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Sur le plan politique en revanche, la situation a peu changé. La population ne fait plus aucune confiance dans ses dirigeants, à peine 30% des électeurs ont voté lors des dernières consultations. Si Juan Guaido dispose toujours du soutien des États-Unis et de l’Union européenne, il est peu soutenu localement. Vivant à l’étranger, il est déconnecté des populations et suscite peu d’enthousiasme. De même pour son entourage, essentiellement composé de techniciens certes très compétents, mais très peu connus. L’opposition aimerait trouver un autre candidat, mais elle est divisée et repose sur une coalition des plus fragiles. L’atonie de l’opposition est la grande chance de Maduro.

Au niveau international, celui-ci a rapproché son pays de la Russie, de l’Iran et de la Chine. Les sanctions imposées par les États-Unis ont forcé Caracas à aller voir ailleurs et à trouver d’autres soutiens. Preuves en sont les liaisons aériennes : la capitale est reliée par des vols directs à Moscou, Pékin et Téhéran, mais pas avec les États-Unis. Alors même que Miami demeure la capitale économique de l’Amérique latine et que la zone caraïbe est un espace important pour les États-Unis.

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