Un concert pour la paix. Les 18 et 20 septembre, le pianiste Omar Harfouch donnera, au Théâtre parisien des Champs-Élysées ainsi qu’aux Nations unies de Genève, une série de deux représentations musicales, notamment dédiées à la condition des Libanaises.
Un sujet qui tient particulièrement au cœur de celui qui, bien qu’il réside en France depuis maintenant trois décennies, a toujours conservé des liens étroits avec son pays d’origine. En 2020 déjà, quelques jours seulement après la terrible explosion qui a soufflé le port et la ville de Beyrouth, Omar Harfouch avait, au piano, rendu au Sénat français un émouvant hommage aux victimes et à « l’âme » de la capitale libanaise.
Connu du public français pour ses apparitions hautes en couleur dans divers programmes télévisés, Omar Harfouch continue ainsi d’exprimer, toujours sur scène, mais de manière plus discrète, son engagement artistique et social en faveur de la paix, et notamment celle du Liban. Conçues comme de véritables plateformes de sensibilisation et de soutien aux causes défendues par le pianiste, ses performances dépassent le strict cadre musical pour s’imposer comme des appels à l’action, à l’espoir et à la solidarité. Notamment en faveur des femmes qui, dans un Liban en proie aux plus grandes difficultés, subissent en quelque sorte une double peine.
Les Libanaises sous le joug des traditions
Guerre, déplacements forcés, crise économique, chômage, violences sexuelles et sexistes, mais aussi poids des traditions, du patriarcat et des religions : dans un pays en pleine déréliction sociale, financière et politique, les Libanaises sont bien souvent les premières victimes. Au pays du cèdre, un certain nombre de lois, normes et habitus discriminent, en effet, les femmes au quotidien. Par exemple, de la loi sur le statut personnel, en vertu de laquelle une femme est considérée comme « récalcitrante » si elle quitte le domicile conjugal sans raison jugée légitime par les tribunaux religieux – ces derniers arbitrant, au Liban, les problématiques qui relèveraient, en France, du Code civil.
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Ce sont ces mêmes cours confessionnels qui statuent, en cas de divorce, systématiquement en faveur des hommes. Les mêmes cours qui privent les femmes de pension alimentaire ou de la garde de leurs enfants. La loi libanaise n’est pas davantage à leur avantage : ainsi, au Liban, seuls les hommes ont le droit de transmettre la nationalité à leurs enfants ou à leur conjointe étrangère. La loi étant muette sur la question de l’âge minimal pour se marier, il n’est pas rare que les tribunaux religieux autorisent le mariage de filles âgées d’à peine 12 ans. Enfin, la loi libanaise entretient un flou juridique autour des rapports sexuels hors mariage avec des mineures.
En dépit de l’adoption, en 2014, d’une loi criminalisant la violence maritale – mais pas le viol conjugal en tant que tel –, les violences domestiques n’ont eu de cesse d’augmenter au Liban, exacerbées par la crise économique, la pauvreté et les confinements dus à la pandémie de Covid-19. Selon les médias locaux, les crimes contre les femmes auraient ainsi plus que doublé (+107%) entre 2019 et 2020. Enfin, dans un pays où huit habitants sur dix vivent en dessous du seuil de pauvreté et où le chômage frappe près de 33 % des Libanaises, trois femmes sur quatre souffrent de précarité menstruelle.
Résistance culturelle
Ce constat amer était encore relayé en décembre dernier dans un rapport publié par l’ONU Femmes, selon lequel les Libanaises souffrent de « difficultés économiques, d’une immense détresse émotionnelle, de préoccupations en matière de sécurité et de frustrations liées à des systèmes de soutien inadéquats ». Et, si des organisations locales comme internationales tentent bien de faire bouger les choses, leurs efforts se heurtent au poids des traditions.
Face à l’inertie sociétale qui entrave les avancées féministes au Liban, la culture et la musique restent donc des armes qui, à défaut de rebattre les cartes, offrent un écho à la cause des Libanaises. Véritables actes de résistance culturelle, les concerts d’Omar Harfouch donnent ainsi, sur les scènes musicales occidentales, une voix à celles qui en sont privées.
L’engagement de l’artiste ne s’arrête pas là. En œuvrant pour une réforme du Code civil libanais, Harfouch s’attaque aux racines mêmes des inégalités, cherchant à ancrer dans le droit l’image d’une femme libre. Cette double action, artistique et juridique, dessine les contours d’un Liban où l’égalité homme-femme ne serait plus un lointain idéal, mais une réalité tangible. Harfouch démontre ainsi que l’art et l’engagement citoyen, loin d’être antagonistes, peuvent composer une partition harmonieuse pour le changement social.
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