[colored_box bgColor= »#f7c101″ textColor= »#222222″]Cette recension a été publiée dans le numéro 20 de Conflits. Si vous souhaitez acheter ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique de Conflits en cliquant ici.[/colored_box]
Étrange ouvrage. Ses prémisses sont convaincantes : nous projetons sur la Chine nos façons de penser, nous croyons qu’elle raisonne comme nous et qu’elle évoluera comme nous – telle est la conséquence de notre universalisme. L’auteur balaye l’idée que la Chine deviendra une démocratie, du moins à l’échéance de plusieurs décennies. Tout cela a été déjà expliqué par François Julien ou par James Mann.
L’intérêt de l’ouvrage tient à ce qu’il a été rédigé par un ancien dirigeant maoïste français qui, manifestement, ne regrette rien. Qu’il soit passé de la défense de Mao Zedong à celle de la Chine de Xi Jinping, il s’agit d’un transfert assez classique. Il a le mérite de dévoiler la continuité entre les deux hommes, même s’il n’en tire pas la même conclusion que nous pour qui, de Mao Zedong à Xi Jinping, la Chine reste une dictature, moins sanglante sans doute mais tout aussi étouffante, et même selon François Godement un totalitarisme.
Le problème vient plutôt de la virulence avec laquelle il dénonce tous ceux qui critiquent la Chine de Mao Zedong comme celle de Xi Jinping, en particulier le malheureux Simon Leys persécuté en son temps pour sa dénonciation du maoïsme. Philippe Barret en remet une couche ! Il va jusqu’à expliquer les positions de Simon Leys par sa naissance dans la commune bourgeoise d’Uccle, son éducation catholique ou même des « dispositions psychologiques particulières ». Chien de garde un jour, chien de garde toujours ! Fort de prémices si équilibrées, Philippe Barret s’extasie devant les proclamations de Xi Jinping en faveur du libre-échange ; il passe sous silence tous les éléments qui vont à l’encontre de sa thèse, l’espionnage industriel, le dumping, les subventions à l’exportation. Si les dirigeants chinois installent une base à Djibouti, ce n’est pas pour étendre leur influence mais pour « aider ce pays à lutter contre l’islamisme ». L’engagement de Philippe Barret devient de l’aveuglement et même de la mauvaise foi quand il s’en prend au Japon, sa cible préférée. Il va jusqu’à écrire que « les Japonais ont érigé le sanctuaire de Yasukuni à la gloire de leurs criminels de guerre » alors que le temple fut bâti au xixe siècle pour accueillir l’âme de tous les Japonais morts au combat. Le raccourci est pour le moins trompeur, et ce n’est pas le seul.
Philippe Barret ne nie pas certains problèmes comme celui de la corruption, mais la plupart du temps il adopte sans grand recul le point de vue chinois : une puissance pacifique qui entend développer des relations économiques profitables pour tous. Au moins savons-nous ce que Pékin veut que nous croyions.
P.G.
[colored_box bgColor= »#DCEDC8″ textColor= »#222222″]Philippe Barret, N’ayez pas peur de la Chine, Robert Laffont, 2018, 342 pages, 20 euros.[/colored_box]