Aussi nommé le Chaos des Causses ou encore la Cité de pierres, cet étonnant site rocailleux est un précieux écrin de verdure.
Au cœur des Grands Causses, surplombant les gorges de la Dourbie, cette véritable ville minérale s’étend sur plus de 120 hectares de causses noirs. Ce chaos rocheux ruiniforme se situe au nord-est de Millau et de son viaduc, sur la jolie commune de La Roque Sainte Marguerite. Inclus dans le parc naturel régional des Grands Causses, il s’agit d’un lieu protégé.
La cité engloutie
La Cité de pierres s’est formée dans les calcaires dolomitiques du causse. L’origine géologique des calcaires remonte à la période du Jurassique. Le bassin sédimentaire qui constitue aujourd’hui le plateau rocheux du Causse noir est le fruit des manipulations des eaux chaudes et peu profondes de la mer tropicale qui le recouvrait alors. À l’époque tertiaire, le soulèvement des massifs alpin et pyrénéen donne lieu à la formation de hauts plateaux dans les grands causses. Au fil des siècles, des cours d’eau creusent des gorges et des cavités, et l’érosion de la dolomie donne finalement naissance à ce relief ruiniforme.
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De multiples falaises et abris sous roche attestent de la présence de l’homme sur le site depuis huit millénaires. Des auvents naturels, des bergeries, des citernes en ruine témoignent d’une activité agropastorale en vigueur depuis le Néolithique ancien, soit environ 6 000 avant Jésus-Christ. Puis, durant la période gallo-romaine et jusqu’au début du Moyen-Âge, le chaos est le théâtre d’une exploitation forestière intensive destinée au chauffage et à la production de résine afin de produire la poix nécessaire à l’étanchéité des coques de bateaux. Les « terrasses » au sommet des falaises seraient alors des lieux anciens de cultes lunaires ou solaires. Ou encore des abris contre les prédateurs.
Plusieurs légendes anciennes, inspirées par le relief ruiniforme, tentent d’éclaircir l’origine de cette ville fantôme. Les hommes du Moyen-âge la croient maudite. Rares sont ceux qui s’y aventurent pour y récupérer une chèvre égarée ou pour y couper du bois. La légende la plus célèbre est celle de trois fées venues se réfugier sur le Causse pour échapper à un mauvais génie. Érigeant alors la Cité de pierres, ses remparts, ses parois, ses rues, ses ponts et ses palais, elles plantent la cité d’essences multiples telles que des pins et des chênes, et une flore abondante. L’aspect labyrinthique du lieu décourage Mourghi, le géant démoniaque, de poursuivre sa traque.
L’époque médiévale s’achevant, Montpellier-le-Vieux tombe dans l’oubli.
La « nouvelle Pompéi »
Jusqu’au XIXe siècle, le chaos est nommé « Lo clapas vielh », ce qui signifie « tas de pierres vieux » en rouergat, dialecte de l’occitan languedocien. En 1884, M. de Barbeyrac, propriétaire du site, et M. de Malafosse, président de la société géographique de Toulouse, s’adressent à un jeune et fougueux explorateur de 25 ans, futur père de la spéléologie moderne et déjà célèbre pour ses découvertes dans les gorges du Tarn : Edouard-Alfred Martel. Celui-ci s’enthousiasme. Du 11 au 14 septembre, il inspecte la cité de fond en comble. Pour lui, elle constitue une « nouvelle Pompéi », « l’acropole des Cévennes ». L’année suivante est décisive. Du 2 au 13 septembre, il trace la toute première carte de ce lieu fantasmagorique. Les premiers sentiers sont tracés, et permettent aux visiteurs de venir explorer le chaos à dos de mule.
C’est alors que « Montpellier-le-Vieux » apparaît dans l’esprit des locaux. Ce nom est imaginé par des bergers transhumants qui perçoivent ainsi la disposition quasi-architecturale des rochers. Montpellier est leur cité de référence. De surcroît, l’appellation patoise de la capitale de l’Hérault est « Lou clapas », soit « tas de pierres ». Mais dans cette langue, « vieux » se prononce « vielh », et désigne également le diable dans l’univers des récits populaires. Ainsi, les pâtres préfèrent le causse du Larzac pour faire paître leurs bêtes, contemplant de loin l’immense tas de pierres.
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La singularité et la grandeur de ces roches monolithiques confèrent à ce lieu un aspect surnaturel. On appelle alors ces roches pinacles et quilles dolomitiques. Trente rochers artistiques sont répertoriés, portant des noms poétiques ou historiques comme L’Amphore, La Cathédrale, Le Grand Sphynx, La Porte de Mycènes, L’Arc de Triomphe ou La Reine Victoria. Un fantastique enchevêtrement de ruelles et de remparts, de tours et de bastions monumentaux, de cirques et de ravins mystérieux, qui domine la vallée de la Dourbie. La foisonnante verdure de la Cité de pierre contraste avec l’aridité du Causse. Plus d’un tiers des espèces végétales de France sont représentées. L’abri des rochers et la diversité des expositions solaires favorisent grandement l’épanouissement de cette végétation si particulière.
Gérard Oury y tourna l’une des plus fameuses scènes du cinéma français : Louis de Funès sur le dos de Bourvil, tous deux accoutrés de costumes de l’armée allemande, dans La Grande Vadrouille. La porte de Mycènes y est reconnaissable.