Rencontre avec Rocco Ferreri, PDG de Mecobat, société spécialisée dans l’ingénierie civile. Ingénieur, entrepreneur, constructeur, qui cette année 2023 aura passé la première moitié de sa vie en Italie et la seconde moitié en France. Sa double formation et culture franco-italienne, son groupe de sociétés Mecobat France et Mecobat Italia, sont un exemple d’organisation d’entreprise capable d’allier technique, architecture, développement durable, économie circulaire, inclusion sociale, que ce soit dans la construction de bâtiments publics ou privés, dans les équipements de luxe ou dans l’habitat à loyer modéré.
Rocco Ferreri nous explique son approche sans frontières d’entrepreneur engagé qui lui a permis de constituer une vraie chaîne de valeurs tout au long des processus de construction, à travers le partage, le partenariat, la territorialité.
Propos recueillis par la rédaction.
Vous êtes ingénieur diplômé à l’École polytechnique de Turin et à l’École des ponts et chaussées de Paris. Pouvez-vous nous indiquer quels sont les atouts du double bagage académique ? Pouvez-vous identifier les différences et les similitudes entre les deux systèmes de formation ? Et au point de vue de l’activité, constatez-vous des approches différentes entre la France et l’Italie ?
Le Polytechnique en Italie a forgé mon esprit analytique, il m’a appris à décortiquer les sujets d’ingénierie et les phénomènes qui en sont à la base, pour comprendre l’origine des formules et des règles de calcul avant de les appliquer. L’École des ponts et chaussées en France m’a permis de développer le sens relationnel, de faire du networking, d’intégrer un projet de recherche et d’ingénierie appliquée.
La valeur ajoutée de mon double parcours réside dans la complémentarité des deux approches : en Italie la théorie est poussée tout au long du cursus académique, en France les élèves ingénieurs créent les rapports et les synergies avec le monde entrepreneurial. Pour donner un exemple : les professeurs que j’ai eus aux Ponts et Chaussées étaient des directeurs de grandes sociétés, comme la SNCF, Setra, Bouygues, Setec… Les cours traitaient des sujets d’ingénierie, de règlementations et de normes, de gestion de projets, de cas pratiques.
Mon parcours Italie-France m’a donné un esprit analytique et une vision managériale. J’ai pu ainsi exercer la profession d’ingénieur « sans frontières » et développer Mecobat, une entreprise de dimension internationale et à taille humaine.
Le groupe Mecobat est présent en France et en Italie, vous en êtes le fondateur et directeur général. Pourriez-vous nous parler de l’origine de Mecobat, de ses valeurs, de ses activités, de ses étapes clefs qui vous ont permis de constituer et développer son organisation ?
J’ai créé Mecobat en 2008 en région parisienne. Mon groupe opère maintenant en France, en Italie, et dans le cadre des rapports économiques entre les deux pays. Notre métier porte sur la réalisation de projets de construction neuve et de réhabilitation, de bâtiments dans tous les secteurs : résidentiel, hébergement, hôtelier, commercial, administratif, logistique, sportif, enseignement, culture.
Nos donneurs d’ordre sont publics et privés « corporate ». Le particulier n’est pas notre cible puisque nous sommes spécialisés dans les opérations plus complexes et articulées, nécessitant du management important.
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Nos clients publics sont les régions, les départements, les villes, les agglomérations, les SEM, les groupes de bailleurs sociaux, les établissements publics financiers. Nous sommes titulaires aussi d’accord-cadre, par exemple au ministère de l’Économie et des Finances, la Banque de France, Action Logement. Nos clients privés sont les retails, hôtels, enseignes commerciales, développeurs immobiliers, banques privées…
Mon équipe en France est composée d’une quinzaine de collaborateurs, la volonté est de rester une organisation à taille et connotation humaine. À cette équipe s’ajoutent les adhérents à PIQ, le label que j’ai lancé en 2021 d’abord en Italie et qui se développe aussi en France.
Au travers de PIQ, Mecobat s’est muni d’un modèle d’organisation génératif, évolutif, dans lequel les compétences sont déployées et partagées efficacement à l’enseigne de la charte de valeur et du code éthique de Mecobat.
Les adhérents sont architectes, ingénieurs, entreprises de toute taille, fabricants, distributeurs, partenaires publics et privés. Grâce à cette organisation, nous déployons sur tous nos projets les ressources les plus adaptées aux spécificités programmatiques et aussi à la zone géographique lorsque le projet demande une notion de proximité.
La force de Mecobat est celle d’avoir une organisation à la fois structurée et humaine, qui permet d’allier la rigueur et la réactivité.
Pourriez-vous nous indiquer si votre profil biculturel français et italien est un atout pour vous en tant qu’entrepreneur et pour votre société ?
Pour répondre à la question, je partirais sur une considération d’ordre général sur les deux marchés, français et italien, dans lesquels nous sommes implantés.
En France, la grande partie du marché est détenue par des structures de taille relativement importante : la conception et la direction des travaux sont confiées par les cabinets d’ingénierie et ateliers d’architecture de plus de 10-20 personnes, les travaux sont réalisés par les PME voire par les filiales de grands groupes nationaux.
En Italie, le marché est constitué par un nombre important de petites entités voire TPE, ingénieurs et architectes indépendants, entreprises de construction familiales voire artisans.
Le modèle organisationnel de Mecobat dérive de ma vision biculturelle, je suis parti des différences des tissus économiques pour définir le business modèle qui permet de tirer les avantages des deux cultures économiques professionnelles.
Le partage, le partenariat, la territorialité sont des valeurs que je mets au centre de mes choix en tant que chef d’entreprise. Les résultats sont positifs, la preuve que le modèle fonctionne.
Le domaine de la construction, vu de l’extérieur, semble extrêmement vaste et complexe étant donné le nombre d’aspects divers et variés qu’il faut prendre en compte dans un projet : décrets et lois, normes, technologies, développement durable, budget, délais et bien d’autres encore. Comment pouvez-vous maîtriser tous ces aspects au sein de Mecobat ?
Nous sommes une société d’ingénierie pluridisciplinaire et de conception intégrée, qui regarde donc les projets de manière transversale et complète.
L’art de construire est très complexe et les contraintes sont fortes, pour n’importe quelle typologie de projet. Nous encadrons la structure, le développement durable, l’économie, les réseaux, les énergies et devons faire en sorte que tout cela colle bien avec la fonctionnalité et l’architecture de l’ouvrage.
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Ce n’est qu’avec une bonne méthode et un bon management que nous pouvons concevoir et construire des bâtiments fonctionnels, conformes, confortables, durables, et sécuriser le respect du budget et des délais. La méthode est un ensemble de procédures et d’instructions, le management est la manière de se servir de ces outils, de les appliquer et aussi de les améliorer de manière continue et partagée avec l’équipe. Faire intervenir les bons profils au bon moment et au bon endroit du projet, et en même temps de garantir la souplesse, la proximité, la créativité, éléments essentiels pour la satisfaction du client et la réussite du processus de conception et réalisation dans son ensemble. Le modèle d’organisation que j’ai mis en place, Mecobat avec son réseau PIQ, permet de travailler complètement dans ce sens.
Quels sont, selon vous, les liens entre les évolutions sociétales et les évolutions du domaine de la construction ? L’activité de Mecobat est-elle concernée par les changements que nous constatons dans la société ?
En octobre 2022, le Conseil national des ingénieurs en Italie m’a invité au congrès de l’Ordre national des ingénieurs pour présenter le modèle d’entreprise innovante Mecobat / PIQ.
La société de nos jours nécessite une nouvelle manière d’organiser la profession de l’ingénierie. L’ingénieur doit lever son regard à un niveau supérieur, ne peut pas se contenter de maîtriser la technique, mais doit préserver l’environnement, favoriser l’économie circulaire, garantir l’énergie pour tous, réduire l’impact carbone, et plein d’autres aspects sociaux.
Pour maîtriser toutes ces facettes, les coordonner, les appliquer, l’ingénieur doit être doté d’un grand esprit d’analyse et de synthèse. Le nom Mecobat dérive de management des études et conception du bâtiment. C’est l’aspect management qui est mis en avant, car j’ai toujours été convaincu de son importance : avant de produire, il faut savoir organiser et gérer les dossiers.
Il ne s’agit pas de montrer une étiquette ISO ou autres outils de marketing, il s’agit d’être réellement et concrètement engagé dans une démarche de gestion des ressources et des compétences, c’est dans ce sens que j’ai souhaité constituer une chaîne de valeurs PIQ et notre propre démarche qualité Mecobat.
En vous écoutant, on découvre une approche de la profession d’ingénieur qui va au-delà de la technique, et une approche entrepreneuriale fondée sur l’humain. Que pensez-vous de cette affirmation et de ce constat ?
Ma vision en tant qu’ingénieur et chef d’entreprise est centrée sur l’humain. Les valeurs que je défends en tant qu’ingénieur et chef d’entreprise sont l’humain, le développement durable, le social. L’approche holistique oriente les projets vers les notions de bien-être des utilisateurs finaux, mais pas seulement : l’organisation d’entreprise doit être aussi centrée sur l’humain, afin de garantir les conditions optimales de travail à mes collaborateurs et partenaires.
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