La Géorgie pourrait-elle intégrer l’Union européenne ? L’Union européenne se réunira à nouveau autour de la question cette année. La Géorgie doit gagner sa place au mérite, mais il faut qu’elle accepte son intégration en interne.
Par Nini Gabritchidze pour Eurasianet.
Un diplomate européen a assuré que Bruxelles procédera à une évaluation « fondée sur le mérite » de la candidature de la Géorgie cet automne, alors que les responsables de Tbilissi affirment que la Géorgie a été injustement rejetée l’année dernière.
Il a toutefois laissé entendre que les nombreux problèmes de politique intérieure de Tbilissi pourraient encore influencer les positions des différents États membres, dont le consensus sera nécessaire pour que l’Union prenne la décision finale d’accorder à la Géorgie le statut de candidat tant attendu.
La Géorgie, l’Ukraine et la Moldavie ont posé leur candidature à l’adhésion à l’UE l’année dernière, dès les premières semaines de l’invasion russe en Ukraine. En juin, les deux autres pays candidats ont obtenu le statut de candidat à l’adhésion, tandis que la Géorgie a été invitée à rendre compte des progrès accomplis dans la mise en œuvre des douze réformes prioritaires définies par la Commission européenne, l’organe exécutif de l’Union européenne.
La Commission rendra compte de ces progrès à la mi-octobre.
La Géorgie doit gagner sa place au mérite
« Ce rapport sera fondé sur le mérite », a déclaré Pawel Herczynski, ambassadeur de l’UE en Géorgie, à Interpressnews, un média en ligne géorgien, le 13 février. Un rapport « très apolitique et fondé sur le mérite », a-t-il assuré.
Ses remarques font suite à une récente série de rapports analytiques que la Commission a publiés en se basant en partie sur les gros volumes de réponses aux questionnaires que les trois candidats ont soumis l’année dernière. Les rapports évaluent les progrès des trois pays en ce qui concerne leur alignement sur l’acquis communautaire, l’ensemble des droits et obligations communs de l’Union, et complètent les avis initiaux sur lesquels les décisions de l’été dernier étaient fondées.
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Les rapports, accueillis unanimement comme « positifs » par le gouvernement géorgien, l’opposition, ainsi que l’ambassadeur de l’UE, montrent les performances de la Géorgie dans divers domaines de réforme.
Si l’Ukraine dépasse la Géorgie dans certains domaines importants, ses progrès sont plus évidents par rapport à la Moldavie : La Géorgie a été évaluée comme « modérément préparée » dans neuf des 32 chapitres, contre trois dans le cas de la Moldavie et cinq dans celui de l’Ukraine. Mais seule l’Ukraine a réussi à atteindre un « bon niveau » de préparation dans quatre chapitres, dont deux dans des domaines liés à la politique étrangère, alors que ses pairs n’ont reçu ce type d’évaluation dans aucun chapitre.
Les autorités géorgiennes se sont à la fois réjouies des conclusions des rapports et se sont plaintes d’avoir été traitées injustement l’été dernier.
L’UE avait fermé les portes l’an dernier
« Cette évaluation prouve une fois de plus que, si la décision avait été fondée sur le mérite, la Géorgie aurait dû devenir un pays candidat à l’adhésion à l’UE dès l’été dernier », a écrit Shalva Papuashvili, président du Parlement, sur Facebook le 3 février.
Le Premier ministre Irakli Garibashvili et le président du parti Rêve géorgien, Irakli Kobakhidze, ont eu des réactions similaires.
« Je laisse au public le soin de juger de l’équité de la décision politique prise par les structures de l’UE l’année dernière », a déclaré M. Kobakhidze aux journalistes le 3 février, reprenant les affirmations du gouvernement selon lesquelles la décision initiale de l’UE était dictée par des considérations géopolitiques, notamment l’argument selon lequel la Géorgie est moins touchée par la guerre en Ukraine que les deux autres candidats.
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Pendant de nombreuses années, Tbilissi a été considérée comme un pionnier parmi les voisins orientaux de l’UE dans la mise en œuvre des réformes européennes. Son échec à obtenir le statut de candidat à la première tentative a été largement attribué à la polarisation politique persistante et aux défis démocratiques auxquels le pays a été confronté ces dernières années.
Un problème interne
Mais nombreux sont ceux qui pensent que le plus grand tort fait à la candidature de Tbilissi a été causé par sa propre rhétorique, qui à la fois donne le sentiment d’avoir droit à la candidature à l’adhésion et sert à promouvoir le cynisme anti-UE.
Par exemple, l’année dernière, les responsables de Rêve géorgien ont fait des adieux amers au prédécesseur de M. Herczynski, Carl Hartzel, qu’ils ont accusé de ne pas avoir fait assez pour aider la candidature de la Géorgie.
Et il y a le Pouvoir du peuple, un groupe de députés alignés sur le parti au pouvoir qui promeut des théories de conspiration sur l’Occident essayant d’entraîner la Géorgie dans la guerre en Ukraine, qui a maintenant commencé à remettre ouvertement en question les aspirations européennes de la Géorgie.
Et le récent rapport positif pourrait ne pas aider Tbilissi si elle ne parvient pas à réaliser suffisamment de progrès sur les 12 priorités de la Commission. Si beaucoup s’accordent à dire que le pays a réalisé quelques progrès au cours des derniers mois, le gouvernement et ses détracteurs ne sont pas d’accord sur la mesure dans laquelle les principaux domaines de réforme ont été abordés. Et quelle que soit la recommandation de la Commission dans le courant de l’année, elle devrait influencer – mais pas nécessairement déterminer – la décision finale qui sera prise à l’unanimité par les 27 États membres de l’Union.
« Cette décision sera prise sur la base du rapport qui sera publié par la Commission européenne en octobre de cette année », a déclaré Herczynski à Interpressnews. « Mais il est certain que les États membres évalueront également les progrès globaux de la Géorgie en matière de rapprochement avec les normes et les valeurs de l’Union européenne. »
Selon l’ambassadeur, les États membres examineront des questions pertinentes telles que l’État de droit, le dynamisme de la société civile et l’indépendance des médias.
Le débat autour de l’ex-président Mikheil Saakashvili
Une question qui pourrait ou non influencer la décision de Bruxelles est l’état de santé de l’ex-président Mikheil Saakashvili, qui reste emprisonné en Géorgie et dont l’état de santé s’aggrave.
Bruxelles a déclaré à plusieurs reprises que le gouvernement géorgien était responsable de l’accès de Saakashvili aux soins dont il a besoin, mais elle s’est abstenue d’appeler directement à sa libération pour qu’il puisse se faire soigner à l’étranger, compte tenu des limites du système de santé géorgien. Dans le même temps, le Parlement européen et certains pays d’Europe de l’Est (les alliés traditionnels de la Géorgie sur la voie de l’intégration occidentale) ont demandé à plusieurs reprises la libération de l’ex-président pour des raisons humanitaires et pour réduire la polarisation.
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L’ambassadeur Herczynski a confirmé que cette question exacerbe la polarisation existante, alors que c’est précisément la « dépolarisation » qui figure en tête de la liste des 12 priorités de l’UE.
En effet, le récent refus du tribunal de libérer l’ex-président ou de reporter sa peine a conduit le Mouvement national uni, fondé par Saakashvili et devenu le principal parti d’opposition, à boycotter à nouveau les sessions du Parlement. Et ce, malgré les appels répétés de l’UE à l’opposition pour qu’elle continue à travailler sur les réformes au sein de l’organe législatif.
Et Bruxelles semble déterminée à éviter toute nouvelle escalade sur la question de Saakashvili.
« Nous, en tant qu’Union européenne, sommes prêts à aider les autorités géorgiennes de toutes les manières qu’elles jugeront utiles pour trouver une solution à cette question », a déclaré Herczynski, cité par Interpressnews. « Et j’espère sincèrement que nous n’aboutirons jamais [à] une situation dans laquelle la santé de l’ex-président serait irréversiblement endommagée. »