L’orpaillage clandestin en Guyane

13 décembre 2024

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L’orpaillage clandestin en Guyane

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Réédition d’une parution de 2020, ce nouvel ouvrage largement actualisé et très fortement documenté, avec des cartes, des tableaux et des photographies, constitue une véritable somme sur une situation complexe qui se déroule sur l’un des territoires ultra marins de la République, au contact du Brésil et du Surinam.

François-Michel Le Tourneau, Chercheurs d’or. L’orpaillage clandestin en Guyane française. CNRS éditions, mai 2024.

Réédition d’une parution de 2020, ce nouvel ouvrage largement actualisé et très fortement documenté, avec des cartes, des tableaux et des photographies, constitue une véritable somme sur une situation complexe qui se déroule sur l’un des territoires ultra marins de la république, au contact du Brésil et du Surinam.

Les enjeux de la Guyane

Le traitement de cet ouvrage dans la rubrique « les livres de la semaine » est le résultat de nombreuses discussions avec de nombreux militaires engagés dans l’opération Harpie, qui a succédé à l’opération Anaconda, en Guyane française. L’objectif de forces armées engagées, aux côtés de la gendarmerie est de lutter contre l’orpaillage clandestin. La fièvre de l’or qui a fait de belles heures du cinéma hollywoodien n’est pas véritablement retombée, puisque de par le monde 25 % de la production de ce métal précieux est issue de l’orpaillage. On pense évidemment à propos de cette pratique d’extraction aux chercheurs d’or penchés sur les cours d’eau, et qui inlassablement tamisent le sable à la recherche de la précieuse pépite.

En réalité c’est une véritable industrie qui s’est développée, avec des installations parfois importantes, utilisant des machines pour le concassage, et surtout du mercure, fortement polluant, pour amalgamer les paillettes d’or présentes dans les remblais.

L’extraction de l’or en Guyane est réalisée de façon légale, par des entreprises minières, mais de plus en plus par des garimpeiros qui ne s’embarrassent pas de la moindre réglementation en termes de maîtrise de la pollution. La production aurifère formelle ne représente que 400 emplois en 2022, ce qui est évidemment dérisoire par rapport à l’impact de l’orpaillage clandestin. Ce phénomène dote du début du XXe siècle mais il semble connaître depuis le début des années 2000, une nouvelle extension, avec la déforestation, la pollution des cours d’eau par le mercure, et la violence qui accompagne cette fièvre de l’or. Officiellement le mercure est interdit depuis 2006, mais son usage se poursuit, et lorsque l’on sait qu’il faut 2 kg de mercure pour extraire 1 kg d’or, on imagine sans peine les conséquences de cette pollution qui ne s’élimine d’ailleurs pas avec le temps.

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On trouvera dans l’ouvrage de très précieuses informations sur les techniques utilisées par les garimpeiros, de la prospection à l’extraction. Même si l’impact environnemental de cette activité est désastreux, on reste parfois admiratif devant l’inventivité et le sens de l’adaptation de ces « damnés de la terre » au sens propre du terme d’ailleurs.

L’impact environnemental de ces pratiques génère également une économie spécifique, avec toute une chaîne de cantinas, des commerces de proximité et des commerces spécialisés qui permettent de répondre à peu près à tous les besoins des garimpeiros. Ce sont souvent des commerçants chinois qui tiennent ces établissements. On y retrouve également des établissements spécifiques qui permettent d’accueillir des hommes seuls en manque de compagnie, tout simplement une activité de prostitution.

L’auteur va très loin dans le détail, notamment pour ce qui concerne les éléments de la vie quotidienne, avec des détails particulièrement précieux sur l’organisation des cuisines, mais également les dispositifs de communication, avec le développement de l’Internet par satellite.

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C’est donc un ouvrage extrêmement complet qui nous est proposé, à la fois du point de vue technique que du point de vue de l’histoire sociale. La répartition géographique des garimpeiros ainsi que leur mobilité sont représentées sur d’excellents supports cartographiques qui enrichissent l’ouvrage.

Ce qui manque sensiblement dans cet ouvrage, même si l’on comprend les raisons, c’est évidemment le rôle des forces de sécurité, gendarmerie et armée, dans cet écosystème très particulier. Les patrouilles de l’opération harpie sont fréquentes, redoutées par les garimpeiros, et parfois dangereuses, lorsque les armes peuvent parler. L’auteur décrit dans son introduction les relations qu’il a pu avoir avec le personnel des forces armées de Guyane qui ont d’ailleurs signé une convention avec le CNRS pour permettre les travaux de recherche sur l’orpaillage sur le territoire. Les unités engagées appartiennent au 3e régiment étranger d’infanterie, ainsi qu’au 9e RIma.

Si l’on peut comprendre que le chercheur puisse être détaché émotionnellement de son sujet, on me permettra d’évoquer la mémoire des dix soldats tués en mission, victimes de tirs lors d’affrontements avec les garimpeiros, mais également d’accidents dans un milieu particulièrement hostile et exigeant.

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À propos de l’auteur
Bruno Modica

Bruno Modica

Bruno Modica est professeur agrégé d'Histoire. Il est chargé du cours d'histoire des relations internationales Prépa École militaire interarmes (EMIA). Entre 2001 et 2006, il a été chargé du cours de relations internationales à la section préparatoire de l'ENA. Depuis 2019, il est officier d'instruction préparation des concours - 11e BP. Il a été président des Clionautes de 2013 à 2019.

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