Guy Lefranc sur les traces de faussaires de tableaux de maitres, l’apôtre Pierre dans les méandres de l’Antiquité, les remous et les ivresses de Vatican II, la sélection des livres de la semaine par la rédaction de Conflits.
Premier des papes
Christophe Dickès, Saint Pierre. Le mystère et l’évidence, Perrin, 2021, 24€.
Après avoir beaucoup écrit sur le Saint-Siège et l’histoire des papes de l’époque contemporaine, Christophe Dickès s’aventure dans l’Antiquité pour étudier la vie du premier des papes : Pierre. Appuyant son travail sur les sources littéraires chrétiennes ou non, les fouilles archéologiques, la connaissance de la Terre Sainte à l’époque romaine et le travail de nombreux exégètes, l’auteur propose une biographie raisonnée et argumentée qui permet non seulement de comprendre qui est Pierre mais aussi dans quel environnement social et culturel il a vécu. Au-delà de la vie de l’apôtre, le lecteur découvre la situation de la Galilée et de l’Empire romain au 1er siècle, la place des pêcheurs et la signification du poisson, les langues parlées et l’état de la romanisation et de l’hellénisation de la Palestine. Poursuivant son travail bien après la mort de Pierre, Christophe Dickès étudie également les traces laissées par l’apôtre : l’iconographie de celui-ci dans la mosaïque et dans la peinture, et avec cela la question de la représentation de Pierre et des significations de ces représentations. L’ouvrage est servi par un très abondant appareil critique et des notes de bas de page qui complètent utilement la compréhension du texte, ainsi que par un riche cahier photos fort utile pour mettre des images sur les documents analysés. Une biographie essentielle pour comprendre les origines du christianisme.
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Art et trafic
Lefranc, Les juges intègres, 2021, 11.95€.
Les successeurs de Jacques Martin à la tête de Lefranc continuent de nous gratifier de volume de qualité. Cette fois-ci, le journaliste Guy Lefranc est confronté à un réseau international de vol de tableaux de maîtres. Le voilà parti, entre Gand et Venise, sur les traces de faussaires de l’art, renouant avec des groupes actifs depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il se perd au Louvre chez des directeurs de collection ambigus, et mène sa course tambour battant. Servi par un scénario de qualité, aux rebondissements multiples, et des dessins toujours aussi précis, Lefranc offre à ses lecteurs ce que ceux-ci recherchent chez lui : du polar à la française, du rythme, de belles autos, de belles vues urbaines et des costumes soignés. Moins connu que Blake et Mortimer, qui nous gratifient eux aussi d’un nouveau numéro de qualité, Guy Lefranc n’en demeure pas moins un classique de la BD qui, à l’inverse des derniers Astérix, a su se poursuivre et se bonifier après la disparition de son fondateur.
Vatican II ou l’énigme d’un siècle
Yvon Tranvouez, L’Ivresse et le vertige. Vatican II, le moment 68 et la crise catholique (1960-1980), DDB, 2021, 22€.
Les interprétations sur le concile Vatican II sont multiples et probablement sans fin. Est-il responsable de l’effondrement du catholicisme dans la seconde partie du vingtième siècle ou bien a-t-il au contraire permis d’atténuer et d’amortir cette crise ? A-t-il été mal compris et mal interprété ou bien « l’esprit du Concile » si souvent invoqué est-il conforme à celui-ci ? Professeur émérite à l’Université de Brest, historien du catholicisme au XXe siècle et de la Bretagne, Yvon Tranvouez a ouvert à son tour le dossier, repartant notamment de l’étude de Guillaume Cuchet. Mais son approche est différente, moins sociologique et plus historique et plus « micro-historique » que macro. L’auteur fait en effet des aller-retour réguliers entre l’histoire du concile à Rome et son application en Bretagne, analysant aussi bien les textes conciliaires et les débats des Pères conciliaires que les agitations politiques et intellectuelles dans les paroisses bretonnes et les associations marxistes parisiennes. Là réside une grande partie de l’originalité et de l’intérêt de l’ouvrage : ce va-et-vient entre l’histoire qui se fait à Rome et l’histoire qui s’applique dans cette partie de la chrétienté qu’est la France. S’appuyant sur des journaux intimes, des tracts, des comptes rendus de débats de l’époque, Yvon Tranvouez analyse la dérive d’une partie du catholicisme en France, glissant de plus en plus fortement vers le marxisme, abandonnant ensuite la foi. Une glissade qu’il a connue de l’intérieur, ayant abondamment fréquenté les cercles chrétiens marxistes, avant de s’en détacher. L’auteur étudie donc une scène ecclésiale complexe et multiple, aux prises entre l’ivresse de la modernité et du souffle d’air du concile et le vertige de ses rêves évanouis. À défaut de pouvoir apporter des réponses à cette portion de l’histoire du XXe siècle, l’étude d’Yvon Tranvouez permet de mieux appréhender la complexité et le bouillonnement de ces décennies.
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