Livres de la semaine – 29 avril

29 avril 2022

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Livres de la semaine – 29 avril

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La sélection des livres de la semaine. Révolutions en Iran et au Mexique, bataille de Berlin, cinéma et grands acteurs, c’est le XXe siècle qui défile dans ces livres.

Révolution

Stéphane A. Dudoignon, Les gardiens de la révolution islamique d’Iran, CNRS Édition, 25€.

En l’absence d’accès aux sources directes, rédiger une telle étude relèverait de la gageure. Pourtant, cette sociologie politique des Gardiens de la Révolution islamique brosse un panorama aussi exhaustif que possible sur cette milice d’État d’un genre particulier conçue et développée dans la foulée de la révolution de 1979. Une milice dont les prérogatives consistent à la défense non pas des frontières nationales de l’Iran, mais du nouveau régime. En l’espace de quatre décennies, les Pasdarans ont réussi à opérer une connexion double et complexe, à la fois avec l’establishment religieux et le pouvoir économique, notamment via leur investissement dans le secteur de l’industrie de l’armement.  Suffisant pour se constituer en contre-pouvoir, sorte d’appareil politique bis, aguerris aux pratiques de la clandestinité. Agrémentée d’une chronologie étoffée, cette étude, la première du genre, tente de décrire une vision de l’intérieur.

Elle examine la façon dont les Gardiens de la révolution ont su édifier un ciment collectif à travers leur participation à la répression des opposants, à la guerre contre l’Irak, puis les théâtres d’opérations extérieures (Syrie et Irak).  L’occasion de décrypter la stratégie et les buts recherchés par l’état-major des Gardiens au fil du temps. Au fil des départs d’officiers vers le civil, un resserrement toujours plus étroit s’est opéré autour d’un groupe d’officiers généraux arrivés aux responsabilités très jeunes en 1981.

Opérant une comparaison avec les « muchachos » du régime sandiniste au Nicaragua, l’auteur retient que les Gardiens ont su étendre leur emprise grâce à un esprit de corps (açabiya) entre militants issus de la même génération, mais aussi de solides ancrages régionaux et locaux, en recrutant notamment dans les rangs de groupes ethniques non persans aux marges de l’Iran. La trajectoire des Pasdarans est non linéaire, ponctuée de mouvements de re-idéologisation permanente, de la mise en récit d’une martyrologie, à chaque fois que le régime est ébranlé de l’intérieur. Les clivages internes changent en fonction de l’évolution du rapport de force avec le pouvoir civil. D’abord instrument de lutte contre les oppositions à Khomeiny en 1979-1982, les Gardiens se muent en unités militaires engagées contre l’Irak à partir de l’automne 1980, solidement soumis au Guide. À partir de l’éviction des Moujahedin du peuple en 1982, ils deviennent un instrument de contrôle social et de lutte contre l’influence occidentale. Leur rôle évolue avec la décennie post guerre froide jusqu’au 11 septembre 2001, avant de devenir un rempart contre une « menace de révolution de couleurs » orchestrée depuis Washington.  Les Gardiens ont ainsi oscillé pendant 40 ans entre politisation et remilitarisation, répondant aux pressions des contextes locaux et internationaux.

Aujourd’hui la milice se caractérise par la mise en concurrence de lobbies aux intérêts contradictoires, dont la rivalité alimente une surenchère idéologique. Selon l’auteur, la dépendance accrue des classes populaires aux aides sociales n’est pas une fin en soi. Car les réseaux de clientèles renforcent la dérive du système qui voit sa base de soutien s’effriter du fait d’un épuisement de l’offre idéologique et de la gestion clientéliste des népotiques des ressources.

Tigrane Yégavian

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La révolution syrienne, ou le grand gâchis – Entretien avec Nikolaos van Dam

Lutte finale

Rosario Acosta Nieva, Éric Taladoire, Adelitas. Les combattantes dans la révolution mexicaine, Le Cerf, 2022, 24€.

Archéologue franco-mexicaine, Rosario Acosta Nieva a reçu plusieurs prix littéraires éminents au sein du monde hispanique. Éric Taladoire est quant à lui historien, archéologue mexicaniste, professeur émérite à Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Cet ouvrage s’intéresse à une donnée importante de la révolution au Mexique, à savoir le rôle central joué par les femmes. Les auteurs décrivent plusieurs figures de femmes qui accompagnent les guérilleros, dont la célèbre Adela Velarde Pérez, dite Adelita, d’où le surnom usuel des soldaderas. Au front comme à l’arrière, les Adelitas se révèlent essentielles : combattantes, militantes, cuisinières, infirmières, messagères. Qui furent-elles ? Comment justifièrent-elles leur combat ? Quelle place prirent-elles dans la lutte armée ? Oubliées après la révolution, ces femmes ont pourtant été essentielles dans les combats menés. C’est leur rôle central que les deux auteurs font découvrir au public français.

Abattez ce mur

Giles Milton, Berlin. Année zéro. La première bataille de la guerre froide, Les éditions Noir sur Blanc, 2022, 24€.

Sur les ruines de Berlin, les Alliés se partagent quatre zones à contrôler et à administrer. Mais une fois l’ennemi commun vaincu, les Alliés divergent quant à leurs objectifs et à leurs projets. L’unité de façade se brise et Berlin devient le lieu de toutes les oppositions et de toutes les luttes. C’est là que Soviétiques et Américains tentent de gagner la bataille suprême pour s’imposer aux autres. Berlin n’est plus le symbole de la paix, mais d’une guerre de plus en plus directe entre les deux blocs, qui culmine lors du blocus puis avec l’érection du Mur. C’est à Berlin que tout peut basculer et que le monde peut entrer dans une nouvelle guerre mondiale. C’est cette tension entre les camps que raconte l’historien Giles Milton dans cet ouvrage enfin traduit en français. Spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, auteur d’un ouvrage remarqué sur le débarquement en Normandie, Giles Milton poursuit ici son travail qui passionnera les amateurs d’histoire de guerre et de relations internationales.

Une vie de cinéma

 

Philippe d’Hugues, Ma vie et le cinéma. Mémoires, 2 tomes, Via Romana, 24€

Du cinéma, du vrai, Philippe d’Hugues a presque tout vu. Né à Saïgon en 1931, il fut administrateur de la Cinémathèque française et administrateur général du Palais de Tokyo ainsi que conseiller au CNC. Il a donc croisé, vu et discuté avec les acteurs et les réalisateurs, avant que le cinéma ne soit infesté par les vagues de la cancel culture et de l’effacement. Le jeu des acteurs, les coulisses et les cérémonies, les décors et l’envie d’inventer, de créer, de produire. Un jeu de cinéma au service de la culture et de l’homme, pas encore de la grande industrie ripolinée. Tout au long de cette vie, Philippe d’Hugues brosse les portraits de ceux qu’il a connus et croisés, des errements d’un siècle qui a donné tant de guerres et de batailles, qu’elles soient militaires ou intellectuelles. Un siècle qui a vu parfois la disparition de l’humanité, notamment en Indochine, engloutie sous les bombes ou dans les camps, que des cinéastes comme Pierre Schoendoerffer ont su faire renaitre. Une vie de galeries et de situations où tout ne fut pas noir dans ce siècle d’ombres. Le cinéma a plus d’un siècle, les premiers classiques atteignent déjà leurs 100 ans, comme la trilogie marseillaise de Pagnol, et les derniers monstres sacrés sont en train de disparaitre, Jean-Paul Belmondo récemment, Jacques Perrin il y a peu. Ces mémoires maintiennent en vie, en inscrivant dans l’éternité, les hommes qui ont porté le 7e art avec passion et grandeur.

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