Sélection de la rédaction. Beaucoup de voyages cette semaine. Dans les forêts avec un atlas illustré, en Afrique avec les mémoires de Bernard Lugan, les explorations de Charles de Foucauld et les printemps arabes.
Promenons-nous dans les bois
Joël BOULIER, Laurent Simon, Atlas des forêts dans le monde, Autrement, 2022, 24 €.
Les forêts constituent des ressources économiques importantes qui sont pourtant très souvent méconnues. En effet, 30% de la Terre en est recouverte et son inégale répartition sur la surface du globe est à l’origine d’enjeux géopolitiques voir de conflits géostratégiques. Bien que la forêt forme un espace naturel, elle est surtout un foyer de ressources matérielles et biologiques utilisées par l’ensemble des sociétés humaines afin de subvenir à leurs besoins. Au XVIIe siècle, sous l’impulsion de Colbert, Louis XIV dû signer l’Ordonnance de 1669 « sur le fait des Eaux et forêts » afin de reboiser une France qui manquait d’arbres pour construire sa flotte. À l’ère contemporaine, les enjeux demeurent les mêmes et le cours du bois reste encore très scruté et analysé. Les auteurs ont ainsi mis en avant les atouts ainsi que les défis auxquels sont confrontés ces espaces boisés. Ce vaste panorama constitue, en ce sens, une analyse complète de l’état des forêts dans le monde sous les plumes de Joël Boulier, maître de conférences à Paris I Sorbonne et Laurent Simon, professeur de géographie dans la même université. Les deux spécialistes des forêts s’appuient sur de nombreuses cartes inédites de Xemartin Laborde, cartographe au journal Le Monde. Un atlas clair et pertinent pour comprendre le poumon vert de la planète.
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Promenons-nous en Afrique
Bernard Lugan, Nouvelles incorrectes d’une Afrique disparue, Nouvelle Librairie, 17.90€, 2021.
Du Rwanda à l’Afrique du Sud, du Maroc au golfe de Guinée, Bernard Lugan a voyagé dans toutes les Afriques. Professeur dans plusieurs universités africaines, il a croisé des personnages hauts en couleur, anciens soldats allemands reconvertis dans la Légion, humanitaires québécois perdus dans le monde réel, colons belges restés attachés au Congo, etc. Ce sont quelques-uns de ces souvenirs qu’il retrace dans un livre personnel, rempli d’humour et d’anecdotes. On y découvre en filigrane l’Afrique des années 1970-1980. Le moment de l’indépendance commence à s’éloigner, les drames des années 1990-2000 peuvent déjà se percevoir, mais on retrouve encore les Européens qui ont bâti l’Afrique dans les années 1930-1960 : missionnaires bourrus et attachants, mercenaires perdus et retrouvés, Allemands passés d’un empire à l’autre, Français n’ayant pas compris le temps du changement et, déjà, Rwandais qui se massacrent. C’est une Afrique disparue qui se dessine au fil de ces pages, mais sans nostalgie ni amertume. Une Afrique où résonnait la puissance des grands Blancs, où vibraient les découvertes et les rencontres culturelles, où les Européens avaient encore le goût de l’aventure.
Cours magistral
Yadh Ben Achour, La révolution : une espérance, Collège de France/Fayard, Collection « Leçons inaugurales », 2022, 12€.
Yadh Ben Achour nait en 1945 à Tunis, il étudie le droit et les sciences politiques à Paris et devient docteur en droit en 1974. Universitaire reconnu dans le monde arabe, il enseigne dans des universités à Tunis et Alexandrie, il prend à plusieurs reprises des fonctions dans le monde universitaire comme politique : rédacteur en chef de la Revue tunisienne de droit, juge administratif à la banque africaine de développement, conseiller juridique en mission avec l’ONU. En 2011, à la suite de la révolution tunisienne, il est nommé à la présidence de la commission de réforme des textes et des institutions où il veille à la transition démocratique dans son pays. Professeur invité au Collège de France sur la chaire annuelle Mondes francophones (2019-2020), il publie avec Fayard et les éditions du Collège sa leçon inaugurale du 4 novembre 2021.
C’est une réflexion sur le sens des révolutions que nous livre Ben Achour : « L’espérance du juste est l’élément commun entre toutes les révolutions dans le monde ». Il reconnait dans le droit à l’issue d’une révolution l’expression des espérances. Pour lui, anciennement, les révolutions prenaient une expression religieuse, aujourd’hui celle-ci ont changé de langage et de conceptions philosophiques. Tirant des enseignements de l’expérience de la révolution tunisienne par une étude historique, théologique et anthropologique il observe l’avènement des revers et des crises qui la font passer de l’espérance à l’incertitude.
Explorateur français
Antoine Chatelard, Charles de Foucauld à Tamanrasset, un nouveau regard, Salvator, 2021, 18.80€.
Antoine Chatelard, prêtre de la communauté des Petits frères de Jésus, décédé en 2021 à l’âge de 90 ans, consacra sa vie à l’enseignement spirituel légué par Charles de Foucauld. Arrivé en 1954 à Tamanrasset, il vécut pendant plus de 60 ans sur le plateau de l’Asserkrem, restaurant l’ermitage de l’ermite. Enraciné dans le travail, comme son maitre spirituel, il tombe sous le charme des populations touarègues qui l’entourent et en apprend la langue. Antoine Chatelard reprend les écrits de Charles de Foucauld et les met en perspective avec ce qu’il a vu durant ces décennies. Il a pu également s’appuyer sur le souvenir de témoins directs de la vie du prêtre français, encore en vie à son arrivée dans la région. Son livre a pour but de dénoncer les clichés, encore bien ancrés dans l’imaginaire collectif, sur la vie du moine trappiste. Loin d’être un ermite reclus du monde, il démontre la préoccupation de Charles de Foucauld pour la condition sociale et économique des habitants de la région. Il raconte comment celui-ci avait entretenu des amitiés de longue date qu’il avait le plaisir de retrouver lors de voyage en France. Ancré dans son époque, le père Chatelard sonde les relations avec les militaires du Sahara de l’ancien officier français comme sa vision de la colonisation.
Guerre économique
Augustin de Colnet, Compétition mondiale et intelligence économique, VA éditions, 2021, 19€.
L’ouvrage est préfacé par Frédéric Pierucci ancien cadre dirigeant d’Alstom qui au cours des années 2010 est tombé dans la spirale de la justice américaine qui l’accusait à tort de corruption. Il est l’exemple concret le plus souvent cité en France lorsqu’on évoque le principe de guerre économique. Ce dernier nous partage sa vision de l’intelligence économique : « dans un monde où un État peut unilatéralement mettre un pays sous embargo pour bloquer l’accès à son marché, liquider les concurrents […] il est naïf de penser que disposer du meilleur produit au meilleur prix peut suffire à faire le succès des entreprises ».
Dans la compétition internationale les entreprises françaises sont confrontées à des risques majeurs. Aujourd’hui certains domaines d’activités sont particulièrement exposés à cette concurrence : industrie de la défense, de l’aéronautique, de la pharmaceutique ou de l’énergie. Cependant, pour Augustin de Colnet, à l’avenir la guerre économique touchera tous les secteurs, n’épargnant aucune industrie. Ainsi l’auteur livre une première classification de ces risques classés en sept grandes familles. L’ouvrage est une analyse pratique, illustrée par de nombreux exemples, qui permettra à tous d’identifier ces risques et de bénéficier d’un éventail de résolutions.
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