Guerres, Balkans, Serbie, diplomatie, florilège des parutions de la semaine.
Guerres de la France
Michel Goya, La guerre mondiale de la France, de 1961 à nos jours, Texto, 11€.
Depuis la guerre en Ukraine, on a l’habitude d’entendre parler du « retour dans la guerre sur continent européen ». En plus d’être faux, ce constat est révélateur de l’état de la guerre ayant disparu des esprits. Pourtant, des opérations militaires françaises ont lieu dans le monde entier. En effet, depuis 1961, la France a mené 33 opérations militaires importantes ayant engagé au moins 1 000 soldats français. La guerre est ainsi un état permanent de la France de la Ve République.
Dans un ouvrage ré-édité, Michel Goya retrace alors l’histoire de l’engagement français dans les diverses guerres. Du Tchad au Mali en passant par le Liban ou le Rwanda, des centaines de milliers de « soldats nomades » ont ainsi été engagés pour la défense de la France. Alors même que la France de la Ve République n’a cessé d’envoyer des soldats partout dans le monde, personne n’a vraiment intégré le fait que nous soyons ainsi devenus une nation en engagement militaire perpétuel. Chacune de ces 33 opérations a en moyenne causé la mort de 20 soldats français, un taux de perte historiquement très faible, mais très sensible dans les conditions actuelles d’appréhension de la mort.
Par son ouvrage, Michel Goya replace la réalité au cœur de l’imaginaire collectif : la France est désormais en guerre ouverte de manière ininterrompue depuis quinze ans. Voici un livre vivifiant qui permet d’avoir une vision globale de l’engagement militaire français depuis 1961.
Noblesse serbe
Georges Stratimirovic et Hadji Nenad Jovanovic, Les nobles Stratimirovic, du Moyen Âge à nos jours.
La famille Stratimirovic est l’une des plus anciennes familles nobles de la Serbie. Depuis le Moyen-Âge jusqu’aujourd’hui, la famille a conservé son nom, sa langue et sa religion en évoluant au sein de la dangereuse région des Balkans.
Dans un ouvrage aussi cours que captivant, les deux auteurs dévoilent les biographies, les maisons et les armoiries des grands personnages de cette famille qui ont marqué l’histoire de la Serbie orthodoxe. Au cours des siècles, cette famille a su se mettre, s’il le fallait, à la tête de leur peuple pour le conduire à travers les épreuves. Par ses mérites militaires et sa fidèle loyauté à l’État, l’affiliation de la famille à la noblesse serbe médiévale à été confirmée par les plus grandes maisons de l’histoire européenne, notamment par la République de Venise, la monarchie des Habsbourg, l’Empire russe ou encore l’Empire ottoman.
De nombreuses illustrations anciennes viennent appuyer la lecture comme des cartes, peintures, lettres et autres archives médiévales. Un ouvrage intéressant qui permet de comprendre l’évolution de l’organisation sociale serbe du Moyen-Âge à nos jours.
Utiliser la diplomatie
Frédéric Encel, Petites leçons de diplomatie, Autrement, 18,50 €.
Ne jamais sous-estimer son ennemi, avoir le sens des priorités, nouer les bonnes alliances ou encore savoir redorer son blason sont autant d’enseignements que nous apporte Frédéric Encel dans une nouvelle édition de son dernier ouvrage. La diplomatie est un art à manier avec altruisme et prudence.
Si la guerre n’a jamais disparu en tant que telle, elle est clairement revenue dans les esprits avec l’Ukraine. Dans cette course croissante et perpétuelle des États à tendre vers la puissance, la diplomatie est au cœur des grandes stratégies. Celui qui l’exerce se doit d’être aussi efficace que prudent sur le fond, car il engage l’entièreté de son pays. En 15 leçons, Frédéric Encel décrypte les stratégies des géants de ce monde, celles qui forment et déforment les puissances. Véritable pédagogue, il analyse d’une plume noble et légère les grands enjeux diplomatiques de notre monde aux côtés de Bismarck et de Gaulle, Macron et Zelensky, Poutine et Biden.
Un ouvrage ludique qui permet de mieux appréhender les ruses et stratagèmes des géants de ce monde, en s’appuyant sur de nombreux exemples historiques et actuels.
Histoire oubliée
Mathieu Geagea, Dunkerque, la dernière forteresse nazie, Passés composés, 23 €.
À bien des égards, la poche de Dunkerque est un front oublié. Dans la mémoire collective, le port nordique renvoie davantage à la défaite de 1940 et au fameux épisode de l’évacuation maritime des armées anglo-françaises plutôt qu’à l’épisode de la forteresse allemande à la fin de la guerre. Les deux événements marquent le début et la fin de l’occupation allemande en France. Seulement, l’un n’a duré que huit jours, l’autres huit mois.
Dans un ouvrage nourri par des archives inédites, l’historien Mathieu Geagea revient en détail sur cette tragédie française largement tombée dans l’oubli. L’histoire de Dunkerque est pourtant folle : c’est la ville française qui fut la plus longtemps occupée. En effet, suite à l’encerclement des troupes franco-britanniques en 1940, la situation s’inverse en 1944 où des milliers d’Allemands sont cette fois-ci encerclés par les armées franco-britanniques formant une « poche » qui tiendra près de huit mois, jusqu’à la défaite totale des nazis le 8 mai 1945.
Un ouvrage unique qui retrace cette ultime résistance allemande en la remplaçant dans l’histoire globale de la Seconde Guerre mondiale. Retour sur une histoire aussi méconnue que passionnante.
Balkans
Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin, Les Balkans, Carrefour sous influences, Tallandier, 19,90 €.
Si la guerre en Ukraine marque pour beaucoup le « retour de la guerre en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale », les Balkans semblent avoir été largement oubliés alors que les blessures des conflits successifs sont toujours vives depuis la fin du XXe siècle. L’actualité de l’Europe qui se déplace vers l’est permet de se tourner à nouveau vers les Balkans.
Dans un format de questions-réponses inédit, deux auteurs historiens et journalistes décryptent les enjeux de cette région en difficulté, bloquée entre des élites corrompues et autoritaires, des économies stagnantes et un État de droit dérapant, trente ans après la dislocation de la Yougoslavie socialiste de Tito. En plaçant les problèmes et les défis du présent dans une perspective historique, l’ouvrage permet de rendre parfaitement intelligible l’histoire d’une région souvent considérée comme « complexe » voire « inexplicable ».
Un format agréable qui permet de mieux comprendre une région voisine souvent méconnue, carrefour composite, « porte d’entrée de l’Europe » et véritable miroir de toutes les tensions géopolitiques de notre temps.
