Batailles navales, batailles de chars, prise de Berlin, histoire économique et bureaucratie castratrice ; panel des livres de la semaine.
Bataille navale
Jean-Yves Delitte, Fabio Pezzi, Les Cinq îles, Glénat, 2023, 15.50€.
La désormais fameuse collection de Glénat consacrée aux batailles navales s’enrichit d’un nouveau numéro. Cette fois-ci, voyage à l’époque médiévale avec la bataille opposant France et Angleterre le 24 août 1217. C’est cette fois-ci Fabio Pezzi qui est au dessin et Jean-Yves Delitte qui a rédigé le scénario. Si l’époque médiévale est peu propice aux batailles navales, celle-ci est un moment majeur dans l’affrontement des deux pays et dans la géopolitique européenne. Comme à chaque fois, la BD se termine par un dossier historique, composé de textes explicatifs et de reproduction de documents historiques afin d’aborder le sujet avec les documents de l’histoire. L’occasion de concilier le plaisir de la lecture avec la passion de l’histoire.
Fin d’Empire
Ullrich Volker, 8 jours en mai, Passés Composés, 24€.
Au-delà de l’analyse politique de la décomposition d’un régime largement inspiré par Hitler, qui met fin à ses jours le 30 avril, on pourrait s’intéresser à ces huit jours de combat qui se sont déroulés dans la capitale du Reich. Au moment où les armées modernes s’intéressent de plus en plus au combat urbain, et même si les matériels comme les doctrines d’emploi ont pu changer, cette étude pourrait intéresser les historiens militaires. Cette première semaine du mois de mai 1945 a entraîné des conséquences majeures sur le champ de bataille. Il convient de se souvenir de ces chiffres qui peuvent donner le vertige.
La bataille de Berlin met en ligne plus de deux millions de soldats soviétiques avec 41 000 canons, 6 000 chars et 8 000 avions contre un peu moins de 250 000 Allemands ; il faut une semaine de combats acharnés pour atteindre et capturer les centres du pouvoir nazi (la Chancellerie et le bunker d’Hitler) et cela se paie cher : sans doute 100 000 tués et 200 000 blessés. À l’évidence, la ville est l’espace du combat interarmes et interarmées ; s’en emparer coûte cher en termes de ressources humaines et matérielles. Des affrontements urbains plus récents, comme à Grozny ou à Fallujah ont pu le démontrer, tout comme ce combat désespéré à Marioupol, dans l’usine d’Azovstal.
Batailles de chars
Dobbs, Fabrizio Fiorentino, Les Ardennes. Lâchez les fauves, Glénat et Thierry Lamy, Alessio Cammardella, El Alamein. De sable et de feu, Glénat
Glénat initie une nouvelle collection de BD consacrée aux grandes batailles de chars. Les premiers épisodes traitent des Ardennes et d’El Alamein ; Koursk et la Marne sont annoncés. La collection est réalisée de façon conjointe avec le Musée des blindés de Saumur. Comme pour la série sur les batailles navales, un dossier documentaire historique conclut l’album, pour retrouver les éléments de l’histoire. Mêler la fiction et l’histoire n’est jamais chose aisée ; dans les deux cas, le cocktail est réussi. Le scénario est prenant, les dessins bien réalisés, fidèles au matériel et au déroulement de la bataille, tout en conservant la part nécessaire d’inventivité du scénario. Les deux BD sont particulièrement réussies et permettent tout à la fois de raconter une histoire et de se plonger dans l’histoire. Avec le char comme personnage central qui, entre la neige des Ardennes et le sable du Sahara, montre la diversité de ses usages.
Économie
Philippe Simonnot, Nouvelles leçons d’économie contemporaine, Folio, 2017, 12,20€
L’ouvrage est certes paru il y a 5 ans, mais le décès récent et soudain de l’auteur, Philippe Simonnot, le remet sur le devant de la scène. En 49 leçons, il présente, dans un style clair et accessible, les grands thèmes de l’économie contemporaine. Taux d’intérêt, bitcoin, consommation, épargne, rôle des banques centrales, immigration, etc. Le livre se présente comme un dialogue entre deux hommes, Candide et Archibal, le premier posant des questions au second, qui sont loin d’être naïves. Journaliste économique au Monde, Philippe Simonnot a beaucoup écrit sur les grands enjeux de l’économie contemporaine. Il a compris les phénomènes récents, les a décrits et analysé avec toujours une grande clarté pour le lecteur. Loin des jargons marxistes et des erreurs keynésiennes, cet ouvrage peut se lire comme une introduction à l’économie.
État stratège
Paul-Antoine Martin, Le Clan des Seigneurs. Immersion dans la caste d’état, Max Milo, 2023, 21,90€
Si l’ouvrage est écrit sous la forme d’un roman, l’histoire n’en est pas moins vraie. C’est celle d’une caste d’état, les hauts fonctionnaires, qui parce qu’ils ont réussi un concours dans leur prime jeunesse ont droit à tous les postes, toutes les responsabilités. Loin de servir l’intérêt général, ils servent d’abord leur carrière. Tout n’est qu’entre soi, corruption des âmes, détournement de l’argent public à des fins personnelles, renvois d’ascenseurs et bassesses. Coulanges n’appartient pas à la caste, mais il se retrouve n°2 d’un grand port français (que l’on suppose être Marseille). Ursy, son chef, est lui membre du Corps ; cette caste d’état qui pense que tout lui est dû. Il raconte donc de l’intérieur le fonctionnement de cette corporation qui s’est arrogée les pouvoirs et qui maintient tout dans l’immobilisme. Alors que le trafic maritime explose, tous les ports européens voient leurs chiffres d’affaires croître, sauf les ports français. Là réside un des éléments du mal français qui, avec la CGT et les membres du Corps, détruit l’économie et la puissance française. Ce n’est pas la faute de la mondialisation, mais à un État qui se prétend stratège alors qu’il est figé dans la bureaucratie, le conformisme et l’illusion. Le livre se lit comme un roman, mais il tient à la fois du reportage et de l’immersion. Il permet de comprendre comment la bureaucratie a tué la France et donc, partant de cela, ce qu’il faut faire pour permettre au pays de trouver le chemin de la prospérité.
