Livres de la semaine – 16 septembre

16 septembre 2022

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Livres de la semaine – 16 septembre

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Sélection des livres de la semaine. Israël, Amérique latine, idées politiques en Russie, États-Unis et religion.

 

 Israël

Jacques Bandelac, Les années Netanyahou, le grand virage d’Israël, L’Harmattan, 2022, 31€.

Fin connaisseur des méandres de la société israélienne, Jacques Bandelac est notamment l’auteur d’une monographie remarqué sur les Arabes d’Israël. Dans cet ouvrage d’une grande clarté et délesté de toute charge émotionnelle et militante, il revient sur les trois dernières décennies qui ont changé la face de l’État hébreu et dont l’acteur majeur n’est autre que Benyamin Netanyahou, inoxydable homme politique, adulé par ses partisans, honni par ses détracteurs. Étoile montante de la droite israélienne dans les années 1980, son parcours et sa formation oscillent entre Israël, sa terre natale, et les États-Unis, sa seconde patrie où il exerça le métier de diplomate aux Nations Unies.  Élu une première fois à la tête du gouvernement en 1996 au terme d’une ascension fulgurante, B. Netanyahou a animé la vie politique israélienne pendant trois décennies et ravi le record de longévité de Premier ministre (15 ans) à David ben Gourion, le fondateur de l’État juif. Rattrapé par la justice dans diverses affaires de corruption, celui que ses partisans surnomment « King-Bibi », s’est longtemps cru indétrônable. Sous le « bibisme » Israël s’est mué en un pays où les ultraconservateurs ont renversé le rapport de force, renforçant les racines ethnoreligieuses d’une aile minoritaire du sionisme.  Dès lors, l’auteur propose un examen critique du « bibisme » perçu comme un régime politique illibéral au plan politique et ultra libéral au plan économique.  Il faudra attendre la pandémie du coronavirus pour que l’étoile de Netanyahou pâlisse. Mais le bibisme a survécu à son leader : plusieurs dimensions de l’idéologie bibiste continuent d’imprimer leur marque sur les Israéliens.

 

Amérique latine

Catherine Leterrier, Brésil-États-Unis pour mieux comprendre une relation complexe, L’Harmattan 2022, 19,50€.

L’arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir a représenté un changement important pour l’Amérique latine, car dès sa prise de fonction en janvier 2019, il a promis d’effacer le caractère idéologique des relations internationales du Brésil ; jusque-là seul pays capable de dialoguer simultanément avec Cuba, les États-Unis et le Venezuela. Nombreux ont voulu croire que la proximité entre Bolsonaro et Trump allait dissiper toutes les divergences entre les deux puissances américaines. Rien n’est plus inexact si l’on tient compte du rôle toujours plus significatif des élites et de l’État profond brésilien dans sa quête de reconnaissance de la puissance au sein du système international. Afin de décrypter la complexité des liens entre Washington et Brasilia, l’auteur analyse les creusets idéologiques et les parcours géostratégiques et économiques des deux pays. Passant en revue l’histoire des relations bilatérales, l’auteur note que les années 1960, et l’avènement de la dictature militaire au Brésil, permettent de comprendre les raisons d’une convergence possible motivée par une idéologie commune. Or, sous Trump et Bolsonaro, cette apparente convergence n’a jamais toutefois surmonté les divergences d’intérêts, tant économiques que géostratégiques.

De quoi mettre en évidence les différents choix et options qui les ont amenés à jouer le rôle qu’on leur connaît aujourd’hui sur la scène latino-américaine et internationale. Elle fait notamment remarquer que l’élection de Lula en 2002 avait vu le Brésil s’éloigner nettement des États-Unis, alors que son prédécesseur Fernando Henrique Cardoso avait en 1994 placé le Brésil dans une situation de relative convergence avec le modèle américain. Époque où les acteurs économiques brésiliens espéraient que les États-Unis ouvriraient leur marché à leurs produits.

L’Algérie de la conquête

Thierry Nélias, Algérie, la conquête : 1830-1870, comment tout a commencé, Paris, Vuibert, 2022, 272 p.

Thierry Nélias reprend dans cet ouvrage le procédé dont il a usé dans un livre précédent[1] consistant à faire revivre une tranche d’histoire à partir de témoignages laissés par ceux qui l’ont vécue. Dans de nombreux ouvrages, mémoires et journaux oubliés, il a puisé les impressions de Français des premiers temps de la conquête et de la colonisation, de 1830 à 1873. Le tout bien encadré par le récit des deux voyages de Napoléon III en Algérie dont l’empereur envisageait de faire le modèle d’une politique arabe.

D’une citation à l’autre, l’auteur conduit le lecteur et la lecture est plaisante en dépit de quelques incongruités[2]. Mais on sera parfois gêné par un choix et une utilisation des sources « à la picorée » : pourquoi avoir fait parler tel auteur ou sélectionné telle citation plutôt que d’autres ? Le choix semble avoir été guidé par des objectifs littéraires et dramatiques. Après le roman historique du XIXe siècle qui violait l’histoire, mais lui faisait de beaux enfants, comme s’en vantait Dumas, puis le roman à clé fort employé au XXe, voici venue la fortune du récit patchwork. Le résultat est engageant ; un rappel des éléments sur lesquels les historiens s’entendent ou se querellent aujourd’hui aurait peut-être donné plus de densité à la lecture.

 

États-Unis

Katia Lucas, Les évangéliques sionistes des États-Unis, L’Harmattan, 2022, 23€.

Que sait-on du poids réel des évangéliques sionistes américains et de leur puissant lobby ? Qu’est-ce qui différencie un sioniste chrétien d’un juif sioniste ou encore d’un évangélique non sioniste ? Pour répondre à ces questions, cette étude didactique présente les fondements de ce mouvement théologico-politique issu du protestantisme américain qui puise ses racines dans le philosémitisme des pionniers de l’Amérique du XVIIIe siècle, lesquels avaient dressé un parallèle entre un Israël mythifié et le nouveau monde.

Le sionisme évangélique découle d’une longue et vieille histoire. Il provient d’Europe, et s’appuie sur la Bible et ses diverses interprétations au cours de l’Histoire. Il est né d’une fusion entre la religion et la politique imbriquées à des facteurs économiques, impérialistes, stratégiques et militaires. Il s’établit sur le pouvoir politique et la Bible, dont l’interprétation offre nombre de thèmes de croyance. Les chrétiens, qui ont favorisé ce mouvement sioniste, étaient pris pour des illuminés à cause d’un soutien restaurationniste fondé sur des arguments religieux. Ils ont alors modifié leur argumentaire au profit d’un discours rationnel.

Déblayant les différentes influences du sionisme évangélique, ce livre définit plusieurs théories comme le restaurationnisme, le dispensationalisme, le prémlillénarisme, ou encore les théologies de substitution, de l’injonction, de la prospérité, de l’Histoire et de la prophétie.  Il revient surtout sur la figure du pasteur sioniste évangélique John Hagee (né en 1940) à la tête de la toute puissante église Christians United For Israel (CUFI) qui constitue un pilier du mouvement.  Le sionisme évangélique de Hagee se fonde sur des enseignements religieux, un argumentaire séculier et politique (pro-républicain) qui lui permet de s’immiscer avec plus de crédibilité dans la politique étrangère des États-Unis. Son succès est dû à l’alternative qu’il suggère pour le conflit du Proche-Orient qui dure depuis des années.

Quant aux fidèles sionistes évangéliques, on y apprend que la confusion demeure entre leur vision de l’État d’Israël et la Sion biblique. Leur motivation première est guidée par la volonté de ramener l’Amérique dans le droit chemin en militant pour Israël. Cela implique de pratiquer une religion qui demande au croyant de bénir et de défendre Israël pour mieux servir Dieu.

Russie

Pierre Niqueux, Le conservatisme russe d’aujourd’hui, essai de généalogie, Presses Universitaires de Caen, 18 €.

Alors que de nombreuses grilles lectures se disputent le pourquoi de l’invasion de l’Ukraine, cette synthèse arrive à point nommé pour faire le point sur les connaissances au sujet de l’évolution de la pensée conservatrice russe depuis le XIXesiècle. Son mérite consiste à plonger aux sources du conservatisme russe, de présenter de façon succincte les principaux courants de pensée et les auteurs qui les animent, de Nicolas Karamzine à Alexandre Dougine en passant par Nicolas Berdiaev, Constantin Léontiev, Katkov, Rozanov, Tikhomiro… Tout aussi éclectique soit-il, le conservatisme russe est né en réaction aux réformes de Pierre le Grand, à la modernisation de la haute société, à la Révolution française et ses conséquences en Russie. Il repose sur trois piliers : autocratie, orthodoxie, rejet de l’Occident, d’où l’aspiration à se forger une identité nationale messianique.

Ses modes d’expression varient au fil du temps et du contexte politique ; sous Khrouchtchev et Brejnev il était question de sauvegarde du patrimoine architectural et de la littérature ruraliste, aujourd’hui de défense de valeurs morales et éthiques. C’est le cas notamment de l’anti nihilisme, de l’antiféminisme, de la défense de l’orthodoxie de l’eurasisme, etc. La grande singularité est l’absence de tradition démocratique dans la pensée politique russe.

La réaction conservatrice que connaît la Russie depuis le début des années 2000 est perçue comme un phénomène normal qui s’inscrit dans une alternance historique de gels et de dégels, de réformes et de contre réformes. Sous Poutine qui en 2009 a fait du « conservatisme de Russie » « l’idéologie de stabilité et de développement », armature idéologique de son parti Russie Unie, le lien entre la Russie tsariste et la Fédération de Russie actuelle a été rétabli par-dessus la parenthèse communiste.

Plusieurs types de conservatismes cohabitent actuellement : bureaucratique, civilisationnel, identitaire, ou encore moral. Synonyme de stagnation ou de répression, il se raidit à partir du moment où il perd pied comme sous Eltsine, et il est plus ou moins instrumentalisé par le pouvoir, comme sous Staline pendant la Seconde Guerre mondiale.

[1] L’humiliante défaite. 1870, la France à l’épreuve de la guerre, Paris, Vuibert, 2020.

[2] Le « sens électoral » (p. 52), « pour le dey, la messe est dite » (p. 44), « à la vie, à la mort » employé à contre-sens (p. 69), une « bérézina africaine » (p. 76), « l’émir joue au chat et à la souris » (p. 110).

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