Sciences en Chine, agents secrets dans les chemins du Grand jeu, voyage en Champagne, guerre de l’énergie, mondes musulmans. Aperçu des livres de la semaine.
Histoire des sciences
Jean-Marc Bonnet-Bidaud, Les sciences de l’Empire du Milieu, Belin, 2023, 26,90€.
Dans un registre beau livre, avec de nombreuses photographies, Jean-Marc Bonnet-Bidaud nous fait découvrir les nombreuses inventions scientifiques du monde chinois. Lui-même astronome, l’auteur s’intéresse depuis longtemps à l’histoire des sciences chinoises et notamment à la cartographie du ciel. Mais ce n’est pas le seul sujet qu’il traite dans son livre : poudre, papier, boussole, soie, acupuncture, autant de techniques et d’inventions qui ont permis à la Chine de disposer d’un véritable substrat scientifique. Un substrat sur lequel elle tente de s’appuyer aujourd’hui pour devenir numéro un dans la compétition mondiale.
Aventuriers et agents secrets
Taline Ter Minassian, Sur l’échiquier du Grand jeu. XIXe-XXIe siècle, Nouveau monde, 2023, 23,90€.
Un ouvrage qui emmène au cœur de l’Asie centrale, dans la passe de Khyber, les flancs de l’Himalaya, les montagnes du Caucase et la neige des steppes. Une confrontation séculaire entre la Russie et les Anglo-saxons pour contrôler ce coin des Empires, cet espace eurasiatique qui fait tant rêver. Rêves aussi pour les aventuriers et les agents secrets qui se sont risqués dans cet espace, au service de l’une ou l’autre puissance et parfois pour eux-mêmes. Taline Ter Minassian nous conduit sur deux siècles d’histoire, dans les méandres de Kaboul, les zones d’ombres de Kipling et les drames de la partition indienne, pour nous faire découvrir ces agents de l’ombre qui ont contribué à faire avancer la puissance de leur État.
Champagne !
Daniel Rondeau, Ma Champagne, mon pays, Équateur, 2023, 19€.
En Champagne, il n’y a pas que le vin à bulles. Il y a aussi des villages oubliés, des campagnes désertées et des souvenirs d’enfance et de vie que convoque Daniel Rondeau. Fièrement revendiqué Champenois, l’auteur décrit avec l’affection de l’amoureux les paysages d’été et d’hiver, les rencontres, les monuments, les petites histoires d’une région un peu délaissée aux marges de l’Île-de-France. C’est de la littérature, mais c’est aussi de la géographie, une présentation des lieux et des espaces qui donne à voir et à comprendre ces terroirs de France qui font toute la richesse paysagère du pays.
Guerre du feu
Fabien Bouglé, Guerre de l’énergie. Au cœur du nouveau conflit mondial, Le Rocher, 2023, 18,90€.
Après avoir travaillé sur l’imposture des éoliennes et sur l’importance du nucléaire pour disposer d’une énergie saine et abondante, Fabien Bouglé synthétise ses travaux pour démontrer l’importance cruciale de l’énergie dans le choc mondial actuel. L’auteur a un véritable talent de pédagogue pour présenter les enjeux et expliquer les liens de pièces parfois séparées. Le sabotage de Nord Stream a montré à la face du monde que l’énergie était un but et un moyen de guerre. La pénurie d’énergie que connaissent les pays d’Europe depuis 2021 a renforcé leur indépendance et fragilisé leur puissance. Derrière cela, le lobbying trouble de certaines ONG écologistes sert de levier aux États pour affaiblir leurs concurrents. L’énergie est plus que jamais un enjeu essentiel de la confrontation mondiale.
Mondes musulmans
Gilles Kepel, Prophète en son pays, L’Observatoire, 2023, 23€.
Après avoir consacré un ouvrage à l’histoire de sa famille, Gilles Kepel revient avec une autobiographie intellectuelle qui débute à Alexandrie en 1980, alors que, jeune étudiant, il vient de débarquer en Égypte pour apprendre l’arabe et découvrir cet espace culturel qu’il ne connait pas encore. S’ensuit un long cheminement humain et intellectuel, ponctué d’études et de livres, d’allers et retours entre les mondes musulmans du Moyen-Orient et ceux de l’Occident. Kepel a imposé dans le débat public des expressions comme « banlieues de l’islam » ou « djihadisme d’atmosphère ». Il s’est frotté à un sujet sensible, celui de l’islam et de l’islamisme, qui divise la vie intellectuelle française depuis 40 ans et qui suscite anathèmes et violences verbales et physiques. Une amertume pointe, souvent, dans les pages de Kepel. À l’égard de l’université, qui l’a toujours tenu en suspicion, et dont il montre les insuffisances et les limites. À l’égard aussi du rapport ambigu entre recherche scientifique et temps médiatique. Mais loin des ouvrages secs et ennuyeux que délivrent régulièrement les pontes de la vie intellectuelle, Gilles Kepel est doté d’un véritable style qui fait de son livre un ouvrage littéraire à part entière. Il sait écrire, ciseler des phrases, trouver des formules, ce qui rend son ouvrage particulièrement intéressant à lire. Si Kepel a ses passionnés et ses détracteurs, au moins peut-on lui reconnaitre qu’il ne cède pas à l’eau tiède et qu’il ose dire ce qu’il pense. Un homme qui aime le débat public et qui sait en être un acteur.