Bande dessinée, conquête spatiale, Napoléon III, Ukraine, guerres et démocratie. Florilèges des livres de cette semaine.
La première sortie dans l’espace
Dobbs et Becciu, Leonov, Passés Composés Biopic, 14,90€
Les seconds seront toujours moins connus que les premiers, malheureusement, quelle que soit l’importance de leurs exploits.
C’est ici le cas d’Alexeî Arkhipovitch Leonov (1934-2019), qui, dans la conquête l’espace qui marqua la Guerre froide entre les États-Unis et l’URSS, fut un astronaute reconnu.
Aujourd’hui moins connu que son compatriote et ami Youri Gagarine (premier homme à habiter un vol spatial) ou que l’américain Neil Armstrong, Leonov participa cependant à un grand pas dans cette conquête de l’espace : la première sortie extravéhiculaire dans l’espace.
En effet, après un premier succès soviétique dans la course à l’espace, incarné par Gagarine, Moscou voulait confirmer son avance sur les États-Unis, et rapidement. C’est ce que permit Leonov en étant le premier homme à flotter dans le vide spatial.
Loin de seulement décrire ces évènements, les illustrations de Becciu, appuyant le scénario de Dobbs, viennent également décrire un personnage hors du commun, mais avant tout humain. Ses réflexions et péripéties dans les couloirs de Baïkonour et les forêts soviétiques sont parfois loin de l’homo sovieticus au sang-froid et à l’enthousiasme patriotique inébranlable, que le régime voulait dépeindre.
Anecdotes de guerre
Hugues Vial, Drôles de guerres, Éditions Pierre de Taillac, 24,90€
L’Histoire enseignée ne retient bien souvent que les grands évènements, et les grands hommes qui les ont provoqués. Les guerres et histoires militaires n’échappent pas à cette règle que Hugues Vidal cherche ici à contourner.
Il nous propose donc un recueil de « petites » histoires, issues de la Grande, qui concernent non seulement les hommes inconnus qui ont fait ces guerres, mais aussi les plus connus dont certaines anecdotes méritent elles aussi d’être mises en lumière.
Entre inventions douteuses comme le fusil à vent ou la mitraillette à vapeur, citations marquantes peu connues des grands hommes, dictionnaire d’argot militaire passé dans le langage courant et publicités originales d’antan, le livre nous fait découvrir un autre visage moins épique et davantage anodin de la guerre tout au long de ces quelque deux cents pages d’anecdotes.
Une manière appréciable de réviser ou découvrir l’Histoire que l’on retient facilement aux côtés de Charles de Gaulle, Patton, de la comtesse et ex-mannequin Chanel Leïla Hagondokoff devenue brigadier-chef dans la Légion, de René-le-Con ou encore du célèbre Fernandel, « seul français qui soit plus célèbre que moi dans le monde », selon de Gaulle.
Le tout sur un ton léger, mais d’une précision implacable.
L’empereur moderne
Thierry Lentz, Napoléon III, La modernité inachevée, Perrin/Bibliothèque Nationale de France, 25€
Bien souvent critiqué, moqué et parfois laissé aux oubliettes de l’Histoire, Napoléon III gouverna pourtant la France pendant longtemps (1848-1870), avec la particularité de le faire sous deux régimes différents. Vingt-deux années au cours desquelles il a laissé de nombreuses traces de son passage, à tous les niveaux : politique, économique, social, militaire…
Neveu de l’empereur Napoléon Ier et fils du roi de Hollande Louis Bonaparte, Charles Louis Napoléon Bonaparte souhaitait s’appuyer sur la renommée et l’imaginaire issu de son oncle. Sa détention au fort de Ham lui permit d’établir un solide projet qu’il appliquera une fois au pouvoir, incluant un peu plus de libéralisme économique et d’ouverture sociale en faveur du peuple, comme l’illustre son ouvrage écrit en 1844, De l’extinction du paupérisme.
Accompagné d’illustrations d’une rare richesse, issues de la Bibliothèque Nationale de France, incluant peintures, coupures de presse d’époque, gravures et même photographies, cet ouvrage de Thierry Lentz nous replonge au cœur du Second Empire, non pas des Rougon-Macquart, mais des arcanes du pouvoir et des choix politiques qui ont façonné cette époque de grande transformation.
Ainsi, du Mexique de Camerone à la Crimée de Sébastopol en passant par Compiègne, Paris et Sedan, découvrez un ouvrage complet sur cet empereur tant décrié par la IIIe République qui lui succéda, et dont les idées économiques et politiques étaient relativement modernes pour une époque en proie aux grands changements de la deuxième Révolution industrielle.
Témoignages ukrainiens
Lasha Otkhmezuri, Combattre pour l’Ukraine, Passés Composés, 19€
Docteur en histoire, Lasha Otkhmezuri a depuis le 24 février 2022 laissé de côté ses travaux sur la Seconde Guerre mondiale et ses articles pour les journaux français et radios américaines. L’intellectuel s’est alors consacré au conflit russo-ukrainien afin de rétablir la vérité sur les informations qui ont inondé le paysage médiatique occidental.
Dans cet ouvrage, il donne la parole à dix combattants, Ukrainiens ou non, aux profils très hétéroclites permettant d’avoir un panel d’expériences et de pensées important sur un conflit qui dure depuis près d’un an.
C’est au bout de plusieurs mois sur le terrain que sont ici retranscrits ces témoignages offerts par un homme d’affaires, un étudiant, un agriculteur letton ou encore une professeure de littérature. Tous ont connu diverses unités et donc différents pans de la guerre qui se déroule aujourd’hui à l’est, nous permettant d’avoir une vision d’ensemble de ce qui s’y déroule, y compris dans le quotidien de ces combattants.
Ils expriment également les raisons pour lesquelles ils se battent, notamment les étrangers pour qui cela peut aller au-delà du simple territoire qui n’est pas le leur. Leurs réflexions sur la guerre, leurs espoirs et leurs analyses de la situation sont toutes aussi variées que le sont leurs personnalités et leurs profils.
Au-delà d’un simple récit, cet ouvrage nous incite également à la réflexion sur les changements de notre siècle en matière de diplomatie et de relations internationales, qui restent cependant les héritiers d’une histoire plus ou moins récente qu’il ne faut pas oublier.
Origines démocratiques
Paul Cartledge, Demokratia, Une histoire de la démocratie, Passés Composés, 25€
Traduit de l’anglais par Simon Duran
S’appuyant principalement sur ses cours donnés à Cambridge, Paul Cartledge, spécialiste mondial de la civilisation grecque, revient ici sur une notion qui fut, hier comme aujourd’hui discutée, remise en cause et dont les formes et les définitions s’avèrent être multiples et complexes.
Revenant aux origines et à l’apparition des notions qui construisent la démocratie, il en vient à souligner un paradoxe ignoré par beaucoup : la pensée politique occidentale fût majoritairement antidémocratique.
Bien évidemment, le retour aux fondements de cette démocratie est essentiel pour aborder les notions qui la composent depuis sa naissance dans la Grèce antique. Cette histoire de la démocratie est loin d’être un simple descriptif chronologique. L’auteur propose une analyse profonde des différents types de démocraties ayant existé, étudie la raison de leur avènement, suivant les perceptions différentes de la polis dans ses deux éléments : le démos et le kratos.
Paul Cartledge se penche spécialement sur l’histoire démocratique anglaise, française et américaine pour étudier l’héritage démocratique grec et la vision qu’on en a conservée au travers de notre histoire contemporaine.
Une plongée dans les origines de nos systèmes politiques actuels dont le fonctionnement et la vision sont parfois bien loin des démocraties premières.
